Chapitre 20 - L'Oubli

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En média : Max Richter - Path 17

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LUDOVIC

— Il saigne beaucoup trop, faites vite. Il est en train de se réveiller !

Une douleur atroce étrangle mon cou. Ma peau se détache et des centaines d'épines me traversent la chair à vif. Un froid terrible s'empare de ma gorge qui se vide d'un liquide étrangement froid. L'impression d'avoir la gorge cisaillée, les artères coupées en morceaux pendants, les cervicales encore plus démembrées qu'avant, la langue gonflée et inerte, le palais et la bouche secs, plus aucune possibilité de respirer, de toucher ou de sentir, je n'entends plus, je me vois exister mais je ne ressens plus rien ! Mes yeux tremblent, se retournent, disparaissent, et je convulse violemment. Mon visage s'étire, prend des formes inhumaines, se transforme et devient froid. A la dernière convulsion, je suis projeté hors de mon corps et je me vois crever.

Ca y est, il semble bien que ce soit la fin du voyage. Je suis en train d'agoniser sans pouvoir émettre le moindre son, je ne sens plus ma voix, et je me vide de mon sang. Je quitte l'océan à jamais. Mon seul regret : mourir seul, loin de tout.

Je m'observe, en deux parties. Ma tête, encore vivante, et mon corps allongé quelque mètre plus loin, mort depuis plusieurs années. J'observe également le donneur, en deux parties aussi. Mais lui son corps est toujours en vie, c'est sa tête qui a rendu l'âme.

La porte du bloc s'ouvre violemment sur un ciel. Un ciel terriblement magnifique, aux couleurs surnaturelles. Je quitte ce ruisseau pour rejoindre cette rivière, ou ce fleuve, ou je ne sais quel foutu océan. Ce ciel là, c'est le Paradis ... ce qui me prouve que je suis loin d'être mort, car moi, j'irai en enfer pour mes pêchés, c'est ma tante qui me l'a dit. Je m'avance lentement et découvre que la porte m'emmène dans un endroit parallèle à la réalité. Lorsque je la traverse, je suis sur un toit.

Le ciel est encore plus somptueux. Violet, rose et bleu, agrémenté d'un doux vent qui passe dans mes cheveux teintés, et des oiseaux volent par paquet de million au-dessus de mon corps. Ils m'emportent dans leur valse incessante et m'envoûtent dans un chant de violons absolument divins. Je m'envole. Ils m'offrent aux cieux qui sonnent l'orchestre des saints. Des dizaines de bras lumineux percent les nuages, plongent dans la Terre et me font comme un pont, comme un faisceau qui m'enivre et me fait monter de plus en plus haut dans le ciel. Je suis entièrement emporté par ce monde de rêve. La mort s'est changée en un semblable mirage. J'ai trouvé cet oasis inespéré au milieu du désert. J'y ai arpenté tous les grains, chacune de ses dunes, les pieds brûlés et les genoux écorchés, en un pèlerinage de douleur. J'ai plongé tête baissée dans cet oasis, quitte à y voir une illusion, la sensation était là, réelle et horriblement salvatrice. Me voilà enfin sauvé. Je prends l'eau dans mes mains et jouis de sa fraîcheur. Chaque goutte s'écoule de mon visage à mon entrejambe avec lenteur et m'arrache des cris de plaisirs successifs, comme si ces larmes devenaient bouches qui m'embrassent, qui saisissent ma peau entre leurs lèvres et lèchent les parties les plus sensibles de mon corps, passant par mon cou, mes aisselles et mon sexe. J'humecte mes lèvres et me saisis de quelques unes que j'explore de ma langue, j'entoure les corps de ces hommes et de ces femmes de mes bras et leur vole des baisers violents. Le vent s'emmêle à ma peau et renverse tous ces corps qui redeviennent eau. La terre s'écarte sous mes pieds, je repars dans cette sphère onirique, je tourne à l'infini et m'envole dans les sables aériens.

NOS CORPS AMBULANTS [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant