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Une heure et trente minutes. Une heure et trente minutes que tous les serviteurs d'Ojko étaient profondément endormi, lui inclus. Emma ne pouvait faire de même, les mains liées dans son dos, assise sur les genous, les flammes comme seule lumière, elle attendait, car elle savait. Elle savait très bien qu'il allait venir.

Elle n'appréhendait pas, au contraire, elle était patiente, et avec réflexion, conclut même que l'expérience qu'il s'apprêtait à vivre, forgerait à coup sûr son futur esprit critique.

Elle ne lui en voulait pas non plus. C'est à Ojko qu'elle vouait toute sa haine, car elle était la seule personne à connaître véritablement Michael, elle l'avait créé, et savait que son jeune âge causait sa naïveté. Il n'y a rien de plus simple que de manipuler l'esprit d'un enfant qui est face à un dilemme.

Le son d'un drap se mouvant interpella Emma, elle ne bougea que ses yeux, ne voulant forcer sur le bâillon autour de sa bouche.

Elle vit Michael, qui, dans sa tente non loin, l'observait hésitant. Son regard croisa le sien, et levant les yeux au ciel, elle lui fit un léger signe de la tête pour lui indiquer de venir.

Il ne se fit pas prier, et sortit de sa tente, avant de rapidement se diriger vers elle, et aller s'assoir devant elle, en tailleur.

Il restait un certain moment, assis, les yeux baissés dans la réflexion. Tandis qu'elle le regardait fixement, neutre.

- Pourquoi t'es-tu rendue ?

Emma cligna lentement des yeux, ne pouvant répondre ayant un bâillon.

- Je ne comprends pas pourquoi tu ne t'es pas dit stop, que ça me suffisait comme leçon de souffrance. J'ai attendu avec patience, mais tu ne m'écoutais même pas. Disait-il, ses yeux s'humidifiant.

Emma l'écoutait, gardant son expression neutre, face à ses dires. Michael plongea son regard dans le sien, ne l'entendant dire quoi que ce soit, et aperçu le bâillon qu'il avait oublié.

Il se rapprocha alors d'elle, et baissa son bâillon, le faisant retomber à son cou.

- Alors ? Satisfaisant de me voir ainsi ? Lui demanda-t-elle.

Michael ne répondît rien, détournant simplement le regard.

- Pourquoi tu t'es rendue ? Lui demanda-t-il à nouveau.

- Et dis-moi toi alors. Lui disait-elle en adoucissant sa voix. Que voulais-tu que je fasse ? Que je laisse mon poignard te prendre la vie, que je te punisse pour ce que tu as fait envers moi, parce que tu es en colère ? Regarde-moi Michael, je ne suis ici que parce que tu l'es.

- Je ne comprends pas pourquoi tu es ainsi alors que seuls, je parlais à un mur.

- Michael. Il y a une chose que tu n'as pas encore appris de cette vie, et c'est normal, je ne t'en veux pas. Tu te souviens, toutes ces choses que je t'ai apprise, la biologie, la fréquence, un peu de géographie, d'histoire et de littérature. Je dois aujourd'hui t'apprendre une chose du monde présent et réel. Quand une personne est tourmentée comme j'ai pu l'être, tu n'imagines pas, une seule petite seconde du combat qu'il faut mener. Chaque mot qui sortait de ta bouche, était pour moi toute une réflexion, mais chaque mort qu'il y a eu avant sur cette planète par ma faute, est comme une mort de soi-même.
Tu sais, c'est simple, imagine maintenant, que je meurs, tu peux faire ça pour moi ? Ferme les yeux.

Michael légèrement retissant, mais voulant tant savoir ce qu'elle pouvait subir, ferma les yeux.

- Bien. Emma se concentra pour laisser son rayon parvenir à la poitrine de Michael, qui le sentit le transcender. Imagine soudain, qu'Ojko, comprenne que jamais je ne pourrais subvenir à son projet, dans ce cas, il prend la décision de me tuer. Il l'organise, et tu es présent. Lui expliquait-elle en lui faisant parvenir des images par son rayon.

- Comment est-ce ? Demandait Michael fébrile.

- Je suis attachée de toutes parts, à un long poteau en bois au-dessus d'un bûcher. Puis soudain, alors que ton regard est croisé au mien, et que nous ne nous disons rien, Ojko décide que c'est la fin pour moi, que je lui ai assez fait perdre de temps. Alors il enflamme le bois. Paniquée, je pleure très certainement, et implore ton pardon et ton aide, en hurlant ton nom, en te suppliant. Réaction que toute personne aurait. Mais tu ne fais rien. Continuait-elle, lui montrant toutes les images. Il était temps qu'il sorte de l'enfance pure et innocente.

- Alors, les flammes bien sûr, finissent par m'atteindre, et la douleur me prenant, je succombe dans le pire des calvaires, et disparaît ; en cendre.

Les yeux clos, beaucoup de larmes glissaient lentement sur les joues de Michael, alors qu'il retenait de légers sanglots.

- Et maintenant. Disait-elle en concentrant son rayon, imagine cette douleur, fois des millions. Finissait-elle en le frappant du rayon violemment, en lui faisant parvenir, la douleur qu'il ressentait, amplifiée plusieurs millions de fois.

Michael ne supporta absolument pas la douleur, son souffle se coupant réellement, le privant d'oxygène, et de voix. Son cœur le tuait également, et il posa sa main dessus, tentant presque de creuser dans sa peau pour l'arracher. Il lança un regard à Emma, son visage trempé de larmes, qu'il ne supporta pas longtemps, avant de s'évanouir au sol, comme un enfant endormi.

Emma souffla alors, dans un nouveau silence, sachant très bien qu'elle avait fait le strict nécessaire, et qu'elle y était totalement contrainte.

- Ça va aller Michael. Disait-elle en envoyant du rayon, quelques rêves bienveillants pour calmer la peine qu'elle lui avait précédemment envoyée. Ça va aller.

La WeyterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant