Alcool, musique et baguette (Partie 2)

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Les heures passaient, des clients entraient et sortaient, plus ou moins sobres. Anaëlle eut le temps de remarquer le schéma que prenaient les visites des sorciers à cette petite fête. Ils entraient et souriaient poliment à tous le monde, refusaient les premiers petits-fours, se laissaient tenter par un petit verre d'alcool, verre qu'ils sirotaient en discutant avec leurs connaissances. Ils prenaient un deuxième verre, un troisième, et le ton des conversations s'élevait en même temps que les degrés d'alcool. Ils finissaient sur la petite piste de danse et s'agitaient plus ou moins en rythme avec la musique pendant au moins une heure, ne s'arrêtant que pour aller accomplir leur quête ultime : se soûler.

Anaëlle lâcha un énième soupir de désespoir depuis le coin de la pièce où elle était assise en tailleur. D'un côté, elle les trouvait idiots. D'un autre côté, elle aimerait bien pouvoir s'amuser de la sorte. Chassant cette idée de son esprit, elle vida son troisième verre d'alcool, pestant intérieurement contre les organisateurs, qui avaient oublié de prévoir des boissons dépourvues d'éthanol.

Jedusor lui avait faussé compagnie une quinzaine de minutes plus tôt. Il avait commencé par boire en regardant distraitement les humains qui peuplaient la pièce, mais il avait soudain aperçu un membre du Ministère de la Magie et s'était avancé vers lui, mine de rien. Depuis, il discutait avec l'homme d'une trentaine d'années. Anaëlle devait l'admettre, il avait le don assez rare de mettre en confiance les inconnus à qui il pouvait s'adresser, et ce en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Pas tellement étonnant lorsqu'on savait que c'était sa meilleure façon de regrouper des informations qui lui serviraient plus tard. D'ailleurs, la jeune brune au teint clair se demandait ce que cet homme pouvait bien avoir à lui apporter. En temps normal, la jeune sorcière se serait approchée, et aurait lâché gaiement quelque chose du genre "L'usage de la parole, deux bras et deux jambes ainsi que des pouces opposables, bravo, c'est bien un humain cette fois-ci, mais fais attention quand même, on sait tous les deux comment se terminent tes plans drague" avant de repartir en souriant comme si de rien n'était. Mais le sang d'Anaëlle contenait maintenant un peu trop d'alcool au litre pour qu'elle entreprenne ce genre d'actes. Dommage, une autre fois peut-être.

Ayant apparemment ce qu'il voulait, Jedusor revint bientôt vers Anaëlle, le visage fermé, comme souvent.

"Tu as bien fait de te mettre à l'écart, commença-t-il, là-bas il y a trop de bruit.

-C'est ça. C'est pour ça que tu y es allé pour taper la causette ?"

Tom se retourna alors vers elle en haussant les sourcils.

"Tu as un peu trop bu, ça s'entend quand tu parles.

-Ah ouais ? Est-ce que la connerie ça existe en sirop ? Parce que si c'est la cas, tu as dû boire trop aussi, et sans eau pour diluer tout ça.

-Anaëlle, si tu ne tiens pas l'alcool, il fallait t'arrêter au premier verre.

-Y a pas d'eau, et mon corps a besoin de liquide pour fonctionner. Sinon mon sang va devenir plus épais que de la pâte à crêpe. Pur ou pas pur.

-Ça me fait penser à quelque chose..., fit soudainement Tom alors qu'un éclair de curiosité traversait son regard sombre.

-Comme quoi tout arrive, répondit la jeune sorcière assez fière de sa réplique.

-De quoi parlait Ollivander exactement quand il a évoqué tes antécédents ?"

La jeune Nightingal tourna la tête vers lui, songeuse.

C'est typiquement le genre de chose que tu ne dois pas lui révéler.

À quoi bon ? Maintenant qu'il connaissait l'identité de son père...

Le jeune brun fut alors heureux qu'il n'y ait que de l'alcool à boire dans cette petite fête, car la jeune femme aux yeux bleus lui répondit.

"Quand j'étais petite, j'ai développé un Obscurus," lâcha-t-elle douloureusement.

"Quand j'étais petite, j'ai développé un Obscurus," lâcha-t-elle douloureusement

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Tom Jedusor la regarda quelques instants, bouche-bée. 

"C'est impossible, commença-t-il un peu déboussolé sous son masque d'impassibilité. Tu viens d'une famille de Sang-Pur, pas de Moldus, tu avais forcément connaissance de tes pouvoirs, et ton entourage n'a pas réellement pu vouloir t'obliger à les refouler... En plus c'est quelque chose de très rare de nos jours...

-Ce n'est pas mon entourage qui a voulu que je refoule mes pouvoirs magiques, expliqua-t-elle. C'est moi, et moi seule. Mon père ne nous cachait pas ses agissements, et on ne cessait de me répéter que je lui ressemblais. Évidemment, les personnes qui le disaient voulaient simplement dire que physiquement j'avais des points communs avec lui, mais ça m'a fait peur. J'étais trop jeune pour comprendre. J'ai cru qu'un jour la magie me rendrait comme lui. J'ai cru que comme lui, je finirais par faire du mal à ma famille et par tuer des innocents. Alors j'ai voulu détruire mes pouvoirs. J'ai voulu les faire disparaître. Quand ma mère s'en est rendue compte, il était trop tard. Pendant plus d'un an et demi, j'ai hébergé malgré moi un Obscurus. J'arrivais à savoir quand je ne pourrais plus le contenir enfermé dans mon corps, alors quand je soupçonnais qu'il se montre au grand jour, je courrais m'enfermer à clé dans ma chambre. Plusieurs fois, la pièce a été saccagée. Mon père pensait que c'était un caprice de gamine, et un jour il m'a lancé un sortilège puissant pour me punir. J'en ai gardé une cicatrice. Un autre jour, j'étais malade, et je n'ai pas eu le temps de fermer à clé la porte de ma chambre... alors ma mère a vu. Dès que... dès que la... crise a été terminée, elle m'a prise dans ses bras, et j'ai craqué. Je lui ai expliqué, elle m'a rassurée comme elle a pu, mais je voyais bien qu'elle était à deux doigts de s'évanouir. Elle a contacté Dumbledore, et c'est lui qui m'a sauvée. Il m'a aidée à me débarrasser de cette saleté. C'est à cause de ça qu'Ollivander s'inquiétait. Ça a forcément laissé des traces, et une baguette qui ne parviendrait pas suffisamment à contenir mes pouvoirs risquerait de me tuer."

Anaëlle n'avait cessé de se triturer les mains pendant son long récit, serrant nerveusement ses doigts à tour de rôle. Jusqu'à présent, elle avait fait ce qu'elle pouvait pour être forte, pour oublier tout en tirant les leçons de ses erreurs et de ses mauvais souvenirs, mais ça ne suffisait plus. Elle n'était pas assez forte. Elle ne l'avait jamais été. Ce n'était qu'une illusion que par sa volonté, elle avait imposée à son esprit. Se forcer à se rappeler de ces événements le lui rappelait brutalement, comme un coup de couteau dans le cœur, déchirant lentement la chair, faisant ressentir les tissus se briser un à un.

Tom Jedusor fixa longuement la jeune femme sans esquisser le moindre mouvement. C'était le genre de choses à laquelle il ne s'attendait pas. Il était déstabilisé, et il n'aimait pas ça. Cependant, le passé auparavant si flou d'Anaëlle commençait à se préciser sous ses yeux. Les pièces du puzzle s'assemblaient, ce qui compensait largement le sentiment désagréable de ne pas contrôler la situation.

La Force Des Souvenirs [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant