Le Grand Chêne

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Une semaine s'était écoulée depuis l'incident de la Chambre des Secrets, et pendant cette semaine, Anaëlle avait soigneusement évité Tom. La jeune femme avait également dû revoir à la baisse la quantité de nourriture qu'elle ingurgitait lors des repas, étant trop préoccupée et trop indécise pour s'alimenter correctement. Elle avait donc passé le plus clair de sa semaine à faire ses devoirs et à rester assise des heures entières dans le parc à laisser ses pensées flotter au-dessus du paysage, comme si la jeune brune tentait d'appeler la nature à l'aide, afin de se décharger de ses pensées superflues et de ses inquiétudes.

La jeune préfète se sentait en équilibre entre deux mondes. Dans son esprit, les bons et les mauvais côtés qu'elle trouvait à la Magie Noire se mélangeaient et se confrontaient de façon chaotique. Elle se rendit bientôt compte avec horreur que tout ce qui la dégoûtait chez Jedusor, c'était son aversion illogique et malvenue pour les Moldus ainsi que leur progéniture magique. Pour le reste, que ce soit sa cruauté envers la quasi-totalité des humains, son intelligence hors norme et sa grande ambition... elle pouvait tout à fait s'en accommoder. Peut-être même que si elle n'affichait pas un comportement similaire, c'était uniquement par peur de faire honte à l'image qui lui restait de sa mère. Pourtant, en y repensant un peu, sa mère avait beau être d'une douceur extrême avec ses filles, un souvenir à l'aura ténébreuse commençait à émerger lentement de la mémoire de la jeune Serpentard. Elle ne parvenait cependant pas à mettre le doigt dessus, comme si ce souvenir la fuyait tel un vif d'or.

Un vide s'était créé dans le cœur de la jeune femme et elle dut se faire violence pour ne pas quitter en courant le cours de Botanique dans lequel elle se trouvait. Elle eut donc beaucoup de mal à patienter le reste de l'heure. Alors, au lieu d'aller manger lorsque la fin de l'heure fut annoncée, la brunette grimpa les marches de pierre de la tour d'astronomie jusqu'à s'appuyer contre la rambarde, face au vent. Ses mains étaient crispées sur la construction en pierre qui la protégeait du vide, et ses yeux passaient rapidement d'un élément à l'autre du paysage. Ce souvenir était essentiel dans le choix qu'elle allait bientôt devoir faire, elle le savait. Soudain, ses yeux s'arrêtèrent sur un immense chêne qu'elle apercevait au loin. Ses lèvres se séparèrent tandis que sa bouche s'entrouvrait de stupeur. Comment avait-elle pu oublier une chose pareille ?

Anaëlle devait être âgée d'à peu près six ans, et elle courait autour d'un vieux chêne, ses cheveux courts flottant autour de son visage comme une couronne de nuit noire. Cependant, un claquement l'arrêta dans sa course, et un sorcier en robe sombre apparut quelques mètres plus loin, faisant face à sa mère. La femme aux longs cheveux lisses sembla reconnaître l'homme, car elle sortit sa baguette et son regard s'assombrit instantanément, pourtant si brillant d'amour quelques secondes plus tôt.

«Je ne vous veux pas de mal, dit calmement le sorcier. Je suis là pour vous délivrer de votre mari. Je sais qu'il est violent, et si vous nous donnez des informations sur lui, le Ministère pourra le capturer et vous mettre en sécurité quelque part.

-Je ne souhaite pas vous donner la moindre information sur les agissements de mon mari, lâcha froidement la grande femme brune. Je ne veux pas finir comme tous les témoins que vous faites enfermer dans des sortes de cellules, avec pour seule compagnie la certitude d'avoir peur qu'un jour les barreaux ne suffisent plus à nous protéger des représailles.

-Le programme de protection de témoins a changé. Votre mari est dangereux, il...

-Il l'est parfois, mais je sais me défendre, le coupa aussitôt Madame Nightingal.

-Dans ce cas je vais devoir vous arrêter pour refus de coopérer, annonça l'homme du Ministère de la Magie en faisant un pas vers la femme habillée de bleu sombre.

-Avancez encore et vous perdrez la vie, fit la mère d'Anaëlle en raffermissant sa prise sur sa baguette magique.

-Vous n'oseriez pas... Vous n'êtes pas comme lui.

-Avec ma famille, non. Je ne suis pas comme lui. Mais comment pensez-vous que Grindelwald a obtenu les plans d'Azkaban ?

-Que...

-Eh oui Max. C'est moi qui les lui ai transmis. Et votre femme n'aurait pas dû s'en mêler.

-C'était vous... Traîtresse !» hurla-t-il en dégainant sa baguette.

Mais Irena Nightingal était bien plus rapide, et elle désarma son adversaire avant de pointer de nouveau sa baguette vers lui. Le sorcier fixait le bout de l'objet en bois, le souffle court. Ses yeux reflétaient toute la détresse qui l'habitait en ce moment-même.

«Endoloris», lâcha la mère d'Anaëlle dans un murmure.

L'homme s'effondra rapidement au sol, pris de convulsions. Chacun de ses membres semblait rayonner de douleur... Anaëlle pouvait presque la sentir irradier tout son être.

Lorsque le sortilège fut enfin levé, un instant s'écoula avant qu'un éclair vert n'atteigne le sorcier en pleine poitrine. Le sous-bois fut alors plongé dans un silence pesant, silence allégé par le doux bruissement des feuilles du grand chêne.

Après avoir rangé sa baguette, Irena Nightingal se dirigea vers ses deux enfants et s'accroupit à leurs côtés.

«Mes chéries, je suis désolée. Je ne voulais pas faire ce genre de choses devant vous, parce que je veux que plus tard vous fassiez votre propre choix. Mais sachez que si un jour quelqu'un tente encore de nous séparer ou de nous faire du mal, je n'hésiterai pas à recommencer.»

Les deux petites filles hochèrent la tête en cœur. La cadette remarqua alors une lueur hypnotisante dans le regard de sa génitrice. De la cruauté mêlée à de la détermination et à de l'amour.

«Venez, il y a de la tarte à la framboise pour le goûter», fit soudain la grande brune en se relevant.

Irena se dirigea vers la maison en contrebas après avoir enjambé le corps inerte du sorcier, les pans de sa robe flottant élégamment au-dessus du mort.

Anaëlle resta bouche-bée face à la puissance et la précision de ce souvenir. Sa mère, n'ayant été que tendresse et amour avec sa famille, était également et avant tout une puissante sorcière qui pratiquait la Magie Noire. La jeune femme eut alors la certitude que rien ne l'obligeait à suivre les pas de son père si elle choisissait de tourner le dos à la Magie Blanche. Elle pouvait choisir qui elle allait devenir.

À cette pensée, le cœur de la jeune Serpentard s'allégea considérablement, et elle regarda le coucher de soleil sur l'horizon, se mettant à imaginer tout ce qu'elle pourrait accomplir. La lueur orangée de l'astre baigna son être entier d'une légèreté joyeuse et subtile, et la jeune femme laissa ses yeux se fermer doucement pour mieux profiter de l'air frais qui caressait son visage.

 La lueur orangée de l'astre baigna son être entier d'une légèreté joyeuse et subtile, et la jeune femme laissa ses yeux se fermer doucement pour mieux profiter de l'air frais qui caressait son visage

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La Force Des Souvenirs [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant