1. Cours de Métamorphose

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Une Serpentard de sixième année était assise au fond de la classe de métamorphose, seule, comme à son habitude, et patientait le temps que les autres élèves aient pris la peine de s'installer. Une éternité une fois de plus. La jeune femme se pencha vers son sac afin de sortir ses affaires, faisant doucement bouger ses cheveux. Ils étaient aussi sombres que ses yeux étaient clairs et qu'elle semblait ennuyée par le comportement de ses camarades.

Elle soupira discrètement et ouvrit son livre de métamorphose pour patienter, révisant ce que les élèves de sixième année devaient apprendre à faire pour le jour-même, et ce sans faire attention à ce qui se passait autour d'elle : des oiseaux de parchemin flottaient dans la salle de classe, certains porteurs de messages, d'autres simplement destinés à faire étalage du talent de leur propriétaire. Des élèves jouaient avec les quelques torches accrochées aux murs de pierre, faisant varier l'intensité et la couleur des flammes par de simples mouvements de baguette. L'élève studieuse plongée dans son livre entendit passer les gardes du corps de Jedusor, ce qui lui fit lever les yeux au ciel par automatisme. Elle trouvait tout bonnement ridicule de suivre quelqu'un comme son ombre pour espérer un jour s'attirer sa sympathie ou tout du moins sa clémence. Et à ses yeux, il était tout aussi ridicule d'encourager ces imbéciles à le faire. Alors qu'elle remuait légèrement les lèvres pour répéter une formule, quelqu'un s'assit à côté d'elle. Elle tourna la tête vers cette personne, surprise que quelqu'un ait décidé de lui tenir compagnie.

« Qu'y a-t-il ? La place est libre il me semble, non ? fit un jeune homme brun nommé Jedusor en se tournant brièvement vers elle.

— Oui, tu as de la chance, j'ai oublié de mettre la pancarte réservé à mon ami imaginaire », répondit-elle en soupirant avant de reporter son attention sur le tableau, où Dumbledore attendait patiemment que le calme soit revenu.

La jeune fille remarqua qu'il y avait plusieurs places libres dans les premières rangées, dont une à côté d'un des grands « amis », ou plutôt admirateurs du Serpentard installé à côté d'elle. En s'en apercevant, un de ses sourcils s'arqua. Jedusor était réputé observateur et ne manqua pas de le remarquer :

« Je n'avais pas envie de m'asseoir devant comme d'habitude, se justifia-t-il en haussant les épaules.

— Forcément, pas en cours de métamorphose... », devina la Serpentard à mi-voix avec un sourire narquois.

Jedusor lui lança un regard noir, visiblement mécontent que sa voisine ait pris connaissance de ses difficultés à manipuler l'enseignant en métamorphose, et il s'apprêta à répliquer, mais le professeur Dumbledore posa le regard sur lui, et le Serpentard de sixième année devint raide comme un piquet. Un piquet au regard de braises, qui n'attendait que de pouvoir brûler le monde pour s'épanouir. Le professeur de métamorphose était le seul à ne pas placer Tom Jedusor sur un piédestal, et le brun mystérieux avait abandonné depuis longtemps à présent l'objectif de faire bonne impression à Dumbledore, et il se contentait donc de ne pas faire de vague. Cela devait le contrarier énormément, mais il fallait s'avouer vaincu lorsque les chances de réussite se faisaient nulles.

Le cours commença, et Jedusor ne tenta pas d'engager la conversation. Il lança simplement un regard meurtrier de plus à sa voisine lorsqu'elle parvint à transformer un encrier en lapin, alors que lui n'y parvint qu'à l'essai suivant.

Après avoir pris note du devoir à rendre pour la fois prochaine alors que tous les élèves exceptés Jedusor et elle maugréaient, la jeune femme se leva et quitta la pièce pour se rendre à son cours de divination, où elle s'endormit quasiment, comme tous les élèves, à part Jedusor qui faisait dans la flatterie.

Alors que la fin du cours approchait, Anaëlle commença à ne plus supporter les petits compliments que glissait Jedusor au professeur avec un faux sourire. Le préfet ténébreux osa même dire au professeur que ses dons de divination étaient impressionnants, alors même que le supposé devin venait de prédire à Tom Elvis Jedusor un avenir radieux en tant qu'aide humanitaire entouré d'une multitude d'amis et d'une famille aimante. C'était totalement absurde quand on était chaque jour témoin de sa tendance à la manipulation et au mépris. Anaëlle prit alors sa baguette, et sans bouger, elle fit en sorte que la théière brûlante posée sur le bord de la table de Jedusor tombe sur le pied du professeur, qui hurla si fort que les élèves ouvrirent les yeux pendant presque cinq secondes consécutives. Un record depuis leur troisième année. La jeune femme essaya de rester discrète et fit comme les autres, posant la tête sur sa table en fermant les yeux pour que Jedusor ne la soupçonne pas. Le professeur était persuadé que le Serpentard très prétentieux était le coupable, car il était le seul à ne pas dormir au moment du crime. Il fut donc exclu de cours et serait en retenue le soir-même. La vraie fautive jubila intérieurement en entendant la sentence tomber. Jedusor tenta bien de protester, mais il abandonna rapidement et quitta la salle de classe en maudissant tout bas tous les sorciers et leurs saletés de baguettes magiques, complices éternelles de tous les méfaits.

Une fois le cours achevé, tout le monde s'empressa de sortir, envieux d'aller se restaurer et se changer les idées afin d'ainsi pouvoir faire face à la fin de la journée sans crampe d'estomac ni déprime prononcée.

La jeune Serpentard aux cheveux bruns se figea quand elle aperçut Jedusor, scrutant le visage de chaque étudiant qui quittait la salle. Elle se reprit et continua sa route comme si de rien n'était, se concentrant sur le son de ses pas qui résonnait contre la pierre. Puis, le regard de Jedusor se posa sur elle. Et ne la lâcha plus.

Mince.

Elle continua à marcher, imperturbable au moins en apparences. Elle dépassa le Serpentard et sentit son regard brûlant de rage lui transpercer le dos.

La jeune sorcière se rendit dans la salle commune de Serpentard et déposa ses affaires dans le dortoir, avant de se fondre dans la masse d'élèves se rendant dans la Grande Salle. Elle était perdue dans ses pensées et se mordillait nerveusement la lèvre sans même s'en rendre compte. La plupart des Serpentard avaient passé un accord silencieux qui stipulait qu'il ne fallait pas attirer l'attention de Jedusor. Certains se défoulaient sur les Gryffondor afin de compenser, de se défouler un peu, et tout allait pour le mieux de façon générale.

Mais maintenant que Jedusor savait qu'elle était la véritable coupable, elle n'avait plus intérêt à se balader seule dans les couloirs, ou elle risquait de se faire rappeler à l'ordre par l'un de ses admirateurs. Ils s'arrangeaient toujours pour avoir suffisamment d'informations sur leurs victimes afin de les empêcher de rapporter quoi que ce soit aux professeurs. Ainsi, ils restaient tous impunis depuis plusieurs années, et ils gardaient le contrôle des quelques affaires qui les intéressaient. Enfin. Comme la plupart d'entre eux ne faisaient pas le poids en duel face à Anaëlle et que le Grand Jedusor était trop occupé pour régler ce genre de « problèmes » lui-même, elle n'était peut-être pas en danger finalement.

Elle s'installa à la lourde table de bois usé des Serpentard et mangea rapidement. Elle ne se lassait pas de la qualité de la nourriture proposée aux sorciers étudiants. Il y avait de tout en quantité, satisfaisant ainsi tous les estomacs, toutes les papilles. Anaëlle termina son repas avec un léger empressement afin d'aller à la bibliothèque dans l'optique de commencer son devoir de métamorphose avant le début des cours de l'après-midi.

Absorbée par son travail, elle mit quelques secondes pour s'apercevoir que Jedusor était assis face à elle, un livre ouvert posé devant lui. Elle releva à peine les yeux vers le préfet.

« Il y a d'autres tables de libres, et Dumbledore ne te surveille pas, tu peux y aller, fit-elle pour lui faire comprendre que sa présence n'était pas souhaitée.

— Je n'apprécie pas que l'on se fiche de moi, lâcha-t-il tout aussi froidement.

— Alors ne viens pas me parler, parce que tu sais à quoi t'attendre maintenant, répliqua-t-elle.

— Je sais que c'est toi qui devrais être en retenue à ma place, reprit Tom Jedusor avec acrimonie.

— En même temps, combien connais-tu d'élèves de sixième année capables d'utiliser les sortilèges informulés avant qu'on les ait étudiés ? Tu peux rayer tes domestiques de la liste sans hésiter.

— Tu vas me le payer, lâcha-t-il.

— Quoi, tu vas envoyer quelqu'un pour me régler mon compte ? demanda-t-elle en continuant à écrire.

— Non, je ne vais envoyer personne. Je vais m'en occuper personnellement. »

Il se leva et s'en alla sans rien dire de plus. Comme il avait indirectement mis en colère la jeune femme, elle décida d'emprunter les ouvrages dont elle avait besoin pour finir son devoir afin de le terminer dans la salle commune une autre fois, et elle quitta la bibliothèque. Elle avait besoin de calme, de prendre l'air, ou bien de se défouler pour oublier le comportement de petit roi de Jedusor.

La Force Des Souvenirs [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant