Virginity Game

Chapitre 26

Kentin était aveugle. Il l'avait toujours été, croyant comprendre sans voir réellement. 

Et aujourd'hui, face à la lueur éblouissante de ces spots, il percevait clairement la vérité. Pas plus qu'il n'eut la force de dire à voix haute qu'il connaissait Andreas Scott, il ne put se relever ou esquisser ne serait-ce qu'un mouvement. La vérité lui tombait lourdement dessus : Il avait perdu. 

Son angoisse des derniers jours, ce secret qu'il voulait dissimuler : sa relation homosexuelle, le sang qui souillait ces mains, tout devenait extrêmement clair. 

La révélation progressive dans son esprit emprunta un chemin qui lui apparut si évident. Il avait menti, aux autres et à lui même, il avait manipulé, s'était soumis. Il avait drogué, abusé une fille. Il en avait assailli une autre. Il avait tué quelqu'un. 

Il avait tué Andréas. 

Comme si cette couche d'indifférence, de monstruosité s'ôtait de sa peau, Kentin réalisa, avec une horreur indescriptible, l'être abject qu'il avait été. Un court instant, il se sentit redevenir lui même. 

Le garçon un peu narcissique mais droit et honnête contemplait la souillure de ses crimes. Il eut le sentiment de recevoir une balle en pleine tête en réalisant aussi brusquement son comportement. Tout ce diabolisme pour protéger son image. 

Il releva la tête en cligant des paupières. Cette lumière ou cette vérité, laquelle lui faisait le plus mal ? 

Au mur, trônait toujours les traits d'Andréas. Kentin se sentit vaciller. Ce visage, ce sourire, lui arrachaient la peau. Il se sentait percé de mille douleurs. Il voulait hurler au jeune homme de s'en aller, et à la fois, il se savait incapable de détourner le regard. 

Pouvait-il lui demander pardon ? Était-il encore temps ? 

Il n'entendait plus rien du bavardage de la scène. Il ne sentait plus rien d'autre que cette effroyable vérité qui l'engloutissait, lui ouvrait grand les yeux sur ce qu'il était. 

Ses yeux immensément ouverts, prêts à ne plus jamais se refermer pour toujours voir ses crimes laissaient filer leur dernières réserves d'eau. Il ne se détachait plus d'Andréas. 

A ses côtés, le présentateur narrait avec délice le conte de Kentin. La salle hurla en apprenant son homosexualité et le hua, l'insulta de tout les noms. Mais c'est à la nouvelle du meurtre qu'ils se récrièrent le plus. On appelait à la vengeance, à la chaise électrique, mais il fallait que cette ordure paie. 

La sécurité empêcha une émeute parmi une foule de colériques prêts à en découdre bien qu'il n'ait jamais parlé à Kentin ou Andréas de leur vie. 

Le présentateur rappela au calme. Pour contenter les plus vindicatifs, il frappa le garçon qui s'écroula complètement. Ses pupilles demeuraient fixées sur le portrait d'Andréas. 

Matt se précipita vers l'adolescent. Il l'appelait, croyait à un malaise. Kentin respirait, mais il ne vivait plus. 

De plus en plus mal à l'aise, Matt voulait sérieusement descendre de scène. Il soutenait son ancien ennemi juré, agenouillé sur une estrade pleine de poussière et face à lui, une centaine de paires d'yeux avides, de bouches hurlant l'adoration ou la haine et des objectifs froids de caméra. 

"Pour cette dernière partie, mesdames, messieurs... LES VIRGINITÉS !" brailla le présentateur, en recouvrant son micro de salive.

Le public fit une ola, manifestement fous d'impatience. 

"Ah, j'aime votre enthousiasme !" se récria l'homme avec un large sourire."Encore une fois, nous vous avons demandé votre avis, pour vous qui coucherait le premier ? En première position, nous avions Stessie avec... le pédé !"