En proie au doute

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Akihito cogita toute la nuit, si ses propres employés servaient de cibles à Arbatov, alors il adorerait savoir comment l'homme avait réussi à obtenir ces informations. Il devait y avoir forcément une taupe au travail, quelqu'un qui lui était proche, sans forcément l'être. N'importe qui pouvait servir de taupe, mais vraiment n'importe qui. On pouvait facilement payer quelqu'un en échange d'informations, l'argent étant un excellent moyen pour délier les langues les plus silencieuses. Qui était suffisamment vénal au journal pour le vendre lui et ses employés ? C'était juste ignoble de chez ignoble. Quel esprit suffisamment malintentionné pouvait vendre d'autres personnes ?

Il avait pris quelques clichés des gens au travail et avait noté pas mal de choses sur leurs activités, leurs amis, leurs relations avec les autres au bureau, leurs objectifs dans ce métier. Et surtout, quelles étaient leurs motivations ? Serguei lui avait appris au moins une chose : c'était de flairer un ennemi sans même le connaître, en ayant à peine entendu son nom, juste quelques rumeurs, savoir comment un ennemi potentiel pouvait se révéler un véritable allié par la suite. Serguei lui avait vraiment transmis tout un panel de connaissances et de compétences lors de son séjour en Russie. Il pouvait enfin appliquer toutes les leçons transmises par son mentor russe.

Serguei avait réuni l'équipe qui s'occupait du cas Arbatov du journal local, curieusement, il n'avait invité aucun policier à cette petite réunion, étant lui-même à la tête d'un large trafic de drogue et d'armes, il ne désirait pas vraiment être reconnu. Mais s'il y avait bien une chose qu'Akihito appréciait chez cet homme, c'était qu'il n'avait jamais vendu qui que ce soit aux vastes réseaux de prostitution dans le monde. C'était contre ses valeurs disait-il.

- Si quelqu'un vend son frère ou sa soeur, alors il ne mérite pas d'être reconnu comme être humain, avait-il déclaré.

Au moins, avec les journalistes, il était sûr qu'il ne serait pas arrêté du tout, de plus, le manager du service était un de ses nombreux alliés. Alors, il ne se privait pas de certaines réunions de travail clandestines dans ses caves.

Akihito avait certes suivi certains de ses conseils, mais il les avait appliqués à sa façon, l'homme n'appréciait pas franchement qu'on suive ses propres méthodes à la lettre, en effet, on risquait fort de remonter jusqu'à lui. Il avait son propre style. Un style très reconnaissable pour Arbatov.

- Dites-moi Serguei... Qu'auriez-vous fait à ma place, avait-il demandé une fois au cours de ces trois années en Russie.

Le vieil homme lui avait répondu évasivement :

- C'est ta quête jeune homme, ta propre route, tu fais tes propres choix. Je ne suis pas là pour te juger.

Et l'homme était parti, laissant le reporter seul face à ses propres tourments, se demandant sans cesse ce qu'Asami pouvait bien faire de son temps maintenant qu'Akihito l'avait quitté. Parfois, il arrivait à Akihito de jeter un coup d'oeil vers l'est et de rêver à Asami, et à ce qu'il avait perdu. Dans ces moments, Serguei le regardait pensivement, avec compassion, et gentillesse. Arbatov était définitivement quelqu'un à mettre aux arrêts. Prendre en ôtage quelqu'un juste pour faire faiblir l'autre n'était pas dans les habitudes de Serguei, au contraire, il affrontait de face ses propres ennemis, personne n'était utilisé comme ôtage. C'était contraire à ses principes.

- Merci Serguei, pensait-il encore.

Il avait appris à connaître cet homme au lourd passif, sa femme avait été tuée sous ses yeux par Arbatov, ses enfants avaient été traqués les uns après les autres et avaient servi de repas aux vers de terre, ses petits-enfants, en revanche, avaient été protégés par ses alliés, et encore, deux d'entre eux étaient morts. Serguei avait la rancune tenace, pour avoir détruit son bonheur, Arbatov devait être éliminé.

Dans la tourmenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant