Lentement, mes envies mûrissent, le choix se dessine.
Le dimanche soir, après être rentrée de chez mes parents, j'ai reçu un sms de Tom. Le premier en deux semaines, pour que je lui envoie mon adresse électronique. J'étais contente qu'il me la demande directement, sans passer par Charlotte cette fois-ci.
Quelques minutes plus tard, j'ai reçu un mail de sa part.
De : thomas.lartigue@gmail.com
Objet : Pour rêver ou t'aider à décider ;-)
J'ai découvert, en ouvrant son mail, des tas d'images Pinterest et de liens vers des blogs de déco. Plein d'idées pour notre hypothétique future boutique. J'ai passé une partie de la nuit à voguer de sites en sites, enregistrer les adresses, prendre des notes.
Il me reste pourtant un avis à prendre, celui de l'une des personnes qui compte le plus pour moi : mon frère. Nous nous retrouvons le jeudi soir dans un bar, après son travail, pour boire un verre.
— Alors, Loulou, qu'est-ce que tu avais de si important à me dire ? So n'était pas ravie que tu veuilles me voir en tête à tête. Elle n'aime pas qu'il se passe des choses dans son dos.
— Bah, je suis ta sœur quand même ! On peut bien se voir juste tous les deux, non ? Et puis, cela concerne Thomas.
— Je m'en serais douté. Qu'est-ce qu'il t'a encore fait ce chenapan ?
— Nico, plus personne ne dit « chenapan » depuis au moins trente ans.
— Pas grave, j'aime bien, moi. Alors, tu racontes ?
Je lui relate rapidement le projet, ainsi que la conversation que j'ai eu avec notre mère.
— Papa est au courant ? demande-t-il, les sourcils froncés.
— Non.
— Il va péter un plomb.
— Oui, mais qu'est-ce que tu en penses, toi ?
Nico prend ma main dans la sienne. C'est bon, c'est doux. Cette sensation immuable que lui sera toujours là pour moi. Je ne sais pas comment font les filles qui grandissent sans grand frère.
— Je crois que tu as besoin de reprendre le contrôle de ta vie et que... Loulou, tu m'écoutes ?
Non, je ne l'écoute plus, les yeux aimantés sur la jolie blonde qui vient d'entrer. Elle porte sa nouvelle robe verte avec une petite veste, elle rit et tient la main d'un homme. D'un homme qui n'est pas Thibault.
Ils s'assoient ensemble, cuisse contre cuisse, à une table au fond du bar, juste en face de la nôtre. Je n'ai qu'à attendre qu'elle lève les yeux vers moi, ce qui se produit quelques secondes plus tard. Immédiatement, elle blêmit, cesse de pouffer. Elle tourne lentement la tête vers le beau trentenaire qui l'accompagne et me regarde à nouveau, navrée.
— Loulou, ça va ? T'es toute pâle. C'est ce que j'ai dit ? Ce n'est pas ce que tu voulais entendre ?
— Si, si, c'est juste que j'ai mal à la tête, la musique est trop forte ici. Viens, on s'en va.
Nico me raccompagne chez moi. Je tente de me concentrer sur ses paroles pendant le trajet, mais je sens mon portable vibrer à plusieurs reprises dans mon sac. J'entends tout de même qu'il se range à l'avis de notre mère et de Caro.
Je ne sors mon mobile qu'une fois mon frère reparti et moi à l'abri de mon salon, mon havre de paix où rien ne peut m'arriver. Cet endroit où je ne vois pas mon amie tromper son mari que j'adore. Cet endroit où mes quelques repères fixes ne s'effondrent pas subitement. Cet endroit où je peux croire qu'il y a encore des couples qui s'aiment toute une vie.
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Oxymore
RomanceOxymore : n.m. Rhétorique Figure de style qui réunit deux mots en apparence contradictoires. (Larousse) Exemples : Un silence éloquent Une obscure clarté Les meilleurs ennemis Mon intime étranger