Chapitre 12

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Ma dernière journée de vacances passe lentement.

Je ne suis pas vraiment triste mais je ressens déjà le vide que la rupture avec Matthieu va laisser dans ma vie. Mes soirées, seule avec un livre ou devant la télévision. Plus personne qui m'enlace, qui m'embrasse, même si c'était le plus souvent sans tendresse. Et puis, il va falloir annoncer aux copines, aux collègues que nous sommes séparés, et cela me fatigue déjà. Je m'économise au moins mes parents à qui je n'avais jamais confié ma relation. Je ne crois pas qu'ils auraient compris.

Mon frère m'offre une merveilleuse diversion quelques jours plus tard, le mercredi soir. Je rentre de mon entrainement de boxe Thaï quand mon téléphone sonne.

— Allo, tata ?

— Oh c'est pas vrai !!! Le bébé est né ? je hurle.

— Oui, il y a une heure. Tu es la première que je préviens.

— Merci, Nico, je suis trop contente. Et tout s'est bien passé ? C'est un garçon ou une fille ? Comment va Solène ?

— Alors euh, dans l'ordre, oui, tout s'est bien passé, enfin, c'était une boucherie y'avait du sang partout, Loulou j'te jure, j'ai jamais vu ça, mais il paraît que c'est toujours...

— Nico !

— C'est un garçon. Tu es tata d'un magnifique petit Loris.

— J'adore ce prénom, c'est très beau. Vous avez bien choisi. Tu m'envoies une photo ? Je peux venir quand ? Et So alors, elle va bien ?

— Oui, ça va. Elle est K.O. parce que ça a été très long, nous sommes arrivés cette nuit à la maternité. Dix-sept heures de travail, elle n'en peut plus. Viens demain, si tu veux. C'est toujours ton jour de congé ?

— Oui, oui, oui !

— Bon, ben parfait. Vers seize heures, ça lui laissera le temps de se reposer. Je te laisse, je dois appeler les parents. Bisous, ma Loulou.

— Bisous, frangin. Et félicitations.

✨✨✨✨✨

C'est le plus beau bébé que je n'ai jamais vu. En même temps, je n'en ai pas vu des milliers.

Bon, évidemment, il est chauve, rouge et fripé comme tous les nouveaux nés, mais je le trouve sublime. Normal, c'est mon neveu.

Je découvre mon grand frère sous un nouveau jour. Ce gamin attardé qui vient pourtant d'avoir trente ans il y a un mois est papa. Il est responsable d'un autre humain. Il y a tant de fierté sur son visage alors qu'il berce doucement son fils, je trouve l'image magnifique. Je le vois sous un nouveau jour, comme si d'un coup il avait pris dix ans mais sans vieillir. Dix ans dans la tête. Ça doit être cela que l'on appelle la maturité.

— Tu peux le prendre si tu veux, murmure ma presque belle-sœur avec un sourire.

— Non, je ne préfère pas, il est si petit, si fragile. J'aurais peur de le casser.

Nico éclate de rire.

— Assieds-toi dans le fauteuil, je te le donne.

Avec une douceur que je ne lui connaissais pas, il dépose précautionneusement le petit être dans mes bras. J'ose à peine respirer, mais je suis tellement heureuse. Mon nouveau neveu émet de petits couinements, comme un chaton. Il peine à ouvrir ses yeux et au bout de quelques minutes, ses paupières ne se lèvent plus du tout. Je profite encore de lui, de la sensation merveilleuse de son petit corps souple contre le mien, de son cœur que je sens battre si vite, puis je me résous à le rendre à mon frère qui le pose dans son petit berceau de plastique transparent. Solène s'est endormie, assise sur son lit, terrassée par la fatigue et le bonheur.

— Je vais vous laisser.

— Tu es pressée ? Tu ne veux pas rester un peu me tenir compagnie ? supplie Nico

Je ne suis pas pressée et nos moments en tête-à-tête sont trop rares pour que je n'ai pas envie d'en profiter. Je me rassois dans le fauteuil.

— Alors, comment tu vas toi ? Rien de neuf ?

J'esquisse un petit sourire gêné. A lui aussi je dois le dire.

— Pas grand-chose, mais j'ai quitté Matthieu.

— Oh merde. Mais pourquoi ?

— Disons que c'est une décision commune, on n'avançait pas tous les deux.

Il sourit sans répondre.

Quand il a commencé à sortir avec Solène, tout le monde y est allé de sa critique. Nos parents, ses amis, et moi aussi bien sûr. Elle était snob, habitait loin, pas assez sympa, un peu capricieuse, ça n'allait pas durer etc. Et j'ai vu mon frère vraiment malheureux que personne ne prenne la peine de comprendre son choix, n'essaye d'accepter Solène alors que c'était d'elle dont il était amoureux. Mon grand frère, qui avait été présent à mes côtés à chaque instant quand j'ai perdu Thomas, quand j'avais l'impression que mon cœur s'était fendu en deux, quand je croyais que je n'arriverai jamais plus à me lever, encore moins à sourire. Alors moi, la première à charger sa copine, suis devenue l'instrument de sa réhabilitation et se faisant, j'ai appris à la connaître. Alors oui, nous n'avions pas exactement des caractères compatibles, ni la même manière de voir les choses mais ça, c'était à mon frère de le gérer. Et il gère plutôt bien, car cela fait trois ans qu'ils sont heureux ensemble. Et le fruit de leur amour dort paisiblement près d'eux.

Depuis, c'est un accord tacite entre nous. On ne se mêle pas de la vie sentimentale de l'autre, quoiqu'il arrive. Et Nico s'y est parfaitement tenu quant à ma relation avec Matthieu. Vue l'ingérence permanente de mes amies dans ma vie, c'est bon de passer du temps avec quelqu'un qui ne juge pas mes faits, ou du moins, garde ce qu'il pense pour lui.

— Et heu Loulou, j'ai quelque chose à te demander. Tu n'es pas obligée d'accepter mais... est-ce que tu serais d'accord pour être la marraine de Loris ?

— La marraine... genre église et tout le reste ?

— Mais non, on n'a jamais été croyants, on ne va pas le faire baptiser à l'église, enfin ! On pensait à un baptême républicain. Tu pourrais être sa marraine et on choisirait le cousin de Solène comme parrain. Mais si tu refuses, je prends Max et elle sa copine Thiam.

— Hum.

— Ecoute, je ne te cache pas qu'on préférerait que ça reste en famille, mais je ne sais pas si tu es prête à accepter ce rôle, je ne veux pas te mettre la pression. De toute façon, on ne le fera baptiser qu'aux beaux jours, en mai ou en juin, tu peux réfléchir un peu. On n'en a parlé à personne encore.

— Pas besoin. C'est oui.

— C'est oui ? répète Nico, heureux et surpris.

— Mais évidemment ! Comment pourrais-je refuser ? Et puis justement, j'ai besoin d'un nouvel homme dans ma vie, et celui-là, je suis sûre qu'il saura me rendre heureuse.

OxymoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant