Chapitre 45

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Son visage aux traits ronds et doux est complètement détendu. Je regarde sa bouche légèrement entrouverte , sa poitrine qui se soulève régulièrement au rythme de sa lente respiration. C'est beau un homme qui dort. Soudain, il remue un peu, pousse un petit soupir et se retourne, me privant de continuer à le regarder.

J'attends encore quelques instants et repousse doucement la couette pour ne pas le réveiller. Il est trois heures. J'allume la petite lampe à côté de mon canapé et m'y installe avec un livre, sans pouvoir me concentrer sur ma lecture. J'ai peur de la dispute qui ne manquera pas de suivre quand je lui aurai annoncé que je vais accepter la proposition de Thomas. Peur d'en avoir assez de ce conflit permanent autour de mon ex. Peur que ça finisse par me lasser. Et j'en ai marre d'avoir peur de tout, tout le temps. Vraiment marre.

Il se passe plus d'une heure avant que  Serge ne s'aperçoive de mon absence. Il se lève pour venir me chercher.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il d'une voix ensommeillée.

Je souris à la vision qui s'offre à moi. Son grand corps trapu, solide, seulement recouvert d'un boxer gris. Il se frotte les yeux, sans parvenir à les ouvrir totalement, ébloui par le faible éclairage du salon.

— Rien. Je n'arrivais pas à dormir. Va te recoucher, j'arrive.

Il ne m'écoute pas, attend que je me lève pour m'enlacer, nicher son nez dans mon cou. Il est lourd contre moi, engourdi par le sommeil. J'aime ça. Nous retournons nous coucher, et je me glisse à ses côtés dans le lit, mon bassin au creux de son ventre et ses bras qui m'emprisonnent. Je sens ses lèvres se poser dans mon cou, sur mon épaule puis son souffle se ralentir.

Il est levé avant moi le lendemain matin, et j'émerge au moment où il remonte avec du pain et des croissants. C'est son côté père de famille. Il va chercher le petit déjeuner presque chaque dimanche quand nous dormons ensemble.

Je mouds du café en grains, le meilleur, et nous prépare deux tasses de ce breuvage avec ma belle machine, avant de m'assoir en face de lui. Il est gai, de bonne humeur, comme si souvent, mais ce matin, j'ai du mal à faire semblant. Je me sens très fatiguée, autant par ma nuit trop courte que d'imaginer ce qui va suivre. J'avais prévu d'attendre un peu pour lui parler, après le repas de midi peut-être mais ma mine allongée me trahit. 

— Ma chérie,  arrête-moi si je me trompe, mais tu me sembles aussi nerveuse qu'hier. Et tu n'as pas l'air d'avoir bien dormi. C'est encore cette histoire d'objectif qui te stresse ?

Ses yeux d'ambre me scrutent avec une inquiétude sincère. J'ai du mal à soutenir son regard.

— Non, ce n'est pas ça. Il faut que l'on discute.

— Je t'écoute, murmure-t-il.

— Serge... j'ai beaucoup réfléchi et je vais accepter ce que Thomas me propose.

Il reste muet, semblant chercher un autre sens dans mes paroles. Il se recule finalement, s'adosse à la chaise, les sourcils froncés.

— Tu vas travailler avec lui ? Pour lui ?

— On n'en est pas là. Disons que j'accepte qu'on se penche sur le projet. Il faudra qu'on voit si c'est réalisable, qu'on se mette d'accord sur les conditions de mon embauche... C'est loin d'être fait. Mais j'ai envie d'y croire.

— Et moi, mes envies ?

— Je te parle de mon avenir.

— Moi aussi. Je te parle de notre avenir.

— Les deux ne sont pas inconciliables, au contraire.

— Je ne sais pas, Louise. Tu sais ce que j'éprouve à l'encontre de ce type, mais néanmoins, tu fais fi de mes sentiments et tu décides de travailler pour lui. Tu seras son employée, il te dominera.

OxymoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant