• Chapitre 22 •

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Le petit garçon


Sept mois. Savez-vous à quel point cela peut-être long lorsque l'on se retrouve enfermée avec des patients sérieusement dérangés ? J'ai vu des gens sortir de cet hôpital psy avec des crises de démence mais, à ce qu'il paraît, celles-ci sont assez maitrisées pour que la personne rentre chez elle.

  Moi ? J'ai l'impression que je ne sortirai jamais de cet endroit. Pourtant, je vais mieux. J'ai fêté mes quinze ans ici, j'ai repris les cours à distance parce que je n'ai toujours pas le droit de mettre un orteil dehors et mes parents peuvent désormais venir quand ils le souhaitent.

  Le docteur Clifford pense sincèrement que les choses s'arrangent dans mon crâne et je suis assez d'accord avec lui. Globalement, je suis en forme. Plus d'hallucination, plus de cauchemar, plus de crise d'angoisse, plus de colère incontrôlable. Tout roule comme sur des roulettes.

  Pourtant, le grand black ne veut toujours pas que je quitte ces quatre murs alors je continue mes séances du mardi et du vendredi. Bizarrement, ces deux heures sont devenues les plus agréables de ma semaine.

Comment vas-tu aujourd'hui ? demande Clifford à la seconde où je suis assise sur le long canapé.

Bien. Ça va bien.

  Je ne suis jamais très causante, même au bout de cinq mois de thérapie avec lui. Cet homme a tout essayé pour me faire parler des événements très importants de ma vie mais rien n'a marché.

Rien d'autre à me dire ?

  Cela fait bien longtemps qu'il a lâché son calepin avec moi. Il se contente simplement de m'écouter parler de la pluie et du beau temps.

Pas grand-chose. Les pâtes d'hier midi baignaient dans du beurre, c'était dégoutant. L'infirmière de nuit, Madame Kreg, m'a ramené un roman de Victor Hugo pour que je m'occupe avant de dormir. Vous saviez que Les Misérables contenait plus de cinq cents mille mots ? Soit environ cinq fois plus que la plupart des bouquins. L'infirmière Blocks m'a enfin dit « bonjour » après sept mois de cohabitation. Ah si ! Mes parents ont rempli les formulaires d'inscriptions pour le lycée l'année prochaine alors j'attends que vous me laissiez sortir.

  Il est probablement déjà au courant pour ma volonté infaillible de retourner à l'école le plus rapidement possible. Honnêtement, je m'en fiche d'aller en cours mais, je me dis que, si je vais au lycée, c'est que je serai enfin libre de faire ce que je veux. Enfin, je serai surveillée vingt-quatre heures sur vingt-quatre par ma mère mais ce sera toujours mieux qu'être emprisonnée avec les fous.

  Clifford me dévisage encore et encore, cherchant à entrevoir les failles de mon léger masque, celui qui me permet de ne pas couler.

  S'il te plait, laisse-moi sortir d'ici Clifford !

On va passer un marché, déclare-t-il lentement.

On en a déjà passé un cinq mois plus tôt. Je parlais et je faisais deux séances par semaine. J'en ai marre maintenant.

  Qui dit adolescence dit insolence, et je n'en manque absolument pas.

—   Tu n'as jamais respecté notre deal la première fois alors je te laisse l'opportunité de te rattraper aujourd'hui. Si tu me parles de tes cauchemars et de tes problèmes une bonne fois pour toute, sans que cela ne te fasse sombrer, j'envisagerais de te laisser sortir. La rentrée scolaire est dans plus de quatre mois, on a le temps de te préparer à ça si tu parles dès maintenant. Pas de discussion, pas de lycée.

FULLERTOWN - Tome 1 [RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant