FULLERTOWN - Tome 1 [RÉÉCRITURE]

• Chapitre 3 •

Bleu ou Gris ?

  Cette baraque est immense. Je suis sûre que ma maison ne possède même pas la superficie du rez-de-chaussée.

Pas étonnant. De 1) je suis dans le quartier huppé, et de 2) la villa devant moi est celle de la famille Layers. Concrètement, je m'aventure chez quelqu'un que même les bourges considèrent comme riche. Je n'étais jamais venue chez Quentin avant aujourd'hui. Madison, Layla, Noah, oui, mais Quentin, non. Alors, je suis clairement impressionnée en voyant la bâtisse.

   21 h 16. Ma mère m'a déposé cinq minutes plus tôt, pourtant, je reste à l'extérieur de la propriété. Je me suis faite engueulée dans la voiture parce que j'ai oublié de prendre mes cachetons et maintenant, je le regrette. Je ne connais toujours pas la raison de notre traitement mais Maman est on ne peut plus clair avec ça : cachets matin, midi et soir. Aucun oubli n'est toléré. Pour être honnête, je les ai zappé un bon nombre de fois.

Pendant deux ans, je ne les ai plus pris d'ailleurs, puis j'ai recommencé le même cinéma. C'est chiant mais on s'y habitue rapidement. Sauf ce soir, j'étais impatiente et j'ai oublié, ça arrive à tout le monde.

21 h 22. Vingt-deux minutes de retard, tout ça parce que je reste là, dehors, à attendre une éclipse pour me décider à entrer.

21 h 30. Taylor me harcèle.

[T'es oùùùùù ?]

[Grouille-toi !]

[On aura fini la vodka avant que tu te pointes !]

[Je suis en route.]

En vérité, je suis déjà là, mais elle n'a pas besoin de le savoir.

21 h 39. Je commence à regretter d'avoir enfiler cette robe. Elle est d'une couleur noire avec un dos en dentelle malgré une absence de tissu au niveau de mes lombaires. Sans oublier qu'elle m'arrive à mi-cuisse, autrement dit, elle est très courte et si je me penche un peu trop, on voit beaucoup trop de chair. Heureusement que mon père ne m'a pas vu partir dans cette tenue.

J'ai préféré me maquiller légèrement. Inutile de ressembler à un pot de peinture pour mon comeback. D'un autre côté, je voulais me faire remarquer alors j'ai insisté sur le mascara, appliqué rigoureusement mon fond de teint et déposé une fine couche de rouge à lèvre corail. Je ne peux même pas dire que j'ai froid, habillée de cette manière, il fait encore vingt-cinq degrés. Bienvenue en Californie.

21 h 45. Je n'ai toujours pas foutu un pied à l'intérieur. Plusieurs groupes de futurs étudiants sont déjà passés sous mon nez et je fais semblant d'écrire un message à chaque fois. Pourquoi suis-je aussi stressée ?

Ce n'est pas tant la soirée qui m'angoisse, c'est plutôt ce qu'elle signifie. Je n'ai pas envie de découvrir la manière dont Madison va me traiter. Je sais que je suis, au moins, aussi dangereuse qu'elle, mais c'est plus fort que moi. Pour une fois, je n'ai pas envie de chercher la bagarre, alors je la fuis.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Une voix grave derrière moi menace mon mutisme et ma solitude. Il commence à faire sombre alors je ne le vois pas aussi bien que je l'aimerais. Pour l'instant, tout ce que je devine, c'est qu'il est grand avec des épaules larges et des cheveux en bataille.

— Toi, qu'est-ce que tu fais ?

Il s'approche lentement mais reste tout de même à une distance tout à fait raisonnable. Maintenant, j'arrive à deviner qu'il porte une chemise à manches longues noire, ainsi qu'un jean troué de la même couleur, le tout accompagné de baskets... noires encore une fois. J'aperçois sa chevelure brune et ses mâchoires me paraissent incroyablement et parfaitement bien dessinées.