19. Le Conseil des 104

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Palerme,  Port de Picciotti, 3 jours plus tard



Par une forte chaleur, les pieds dans l'eau, Hanon lance une pierre dans l'eau du port de Palerme en soupirant.

Hamilcar, assis à  ses côtés, contemple les grands travaux de rénovation de la flotte Carthaginoise. Les navires, tirés hors de l'eau, reposent dans un fossé profond contre un mur de bois.


HANNON (soupirant)
Trois jours que nous ne faisons rien. J'aimerais rentrer à Carthage.

HAMILCAR
Patience. Carthalon est parti prendre des nouvelles de son navire.

HANNON
J'espère que son bateau va partir d'ici.

HAMILCAR
Tu n'aimes pas cette ville ?

HANNON
J'ai envie de quitter cette île. Je te rappelle qu'on a failli y laisser notre peau.

HAMILCAR
Failli... Mais on est toujours en vie.

HANNON
Mais enfin, tu as vu tous ces morts dans l'eau ? Tu étais parmi eux quand un pêcheur et son fils t'on repêchés ! C'est toi qui me l'a dit.

HAMILCAR
Oui. Mais les Dieux ont décidé de mon sort, comme du tien.

HANNON
Je crois surtout qu'on aurait pas dû quitter Carthage en douce. Mon père ne me le pardonnera jamais. Et le tien ?

HAMILCAR
Mon père n'a que faire de moi. Tout ce qu'il compte pour lui c'est ce maudit Conseil.

HANNON
Ton père veut que tu deviennes l'un des 104 membres du Conseil restreint. Ce n'est pas rien Hamilcar !! Ce sont eux qui dirigent Carthage.

HAMILCAR
Hannon, la politique ne m'intéresse pas, si c'est pour rester derrière un pupitre à débattre sans fin.

HANNON
Pourtant Aristote lui-même s'extasiait sur la sagesse des institutions carthaginoises et du Conseil des 104.

HAMILCAR
Je le sais déjà. Mon père avait chargé Epicide de me lire ce passage dès que je fus en âge de comprendre.

HANNON
D'où ton rejet...


Hamilcar jette à son tour  un caillou dans l'eau du port, maussade. Soudain une flamme allume ses yeux.


HAMILCAR
Tout ce que je veux, c'est embrasser une carrière militaire. Le seul mérite qu'Aristote a à mes yeux, c'est d'avoir été le précepteur d'Alexandre de Macédoine ! Alexandre, voilà, ça c'est quelqu'un !

HANNON
Alexandre le Grand... Rien que ça...

HAMILCAR
Il s'est couronné de gloire de par sa bravoure. A 25 ans, il est devenu le roi du monde, s'est rendu dans cette contrée lointaine qu'est l'Asie, a conquis le monde pour l'honneur, la liberté, et la gloire de la Grèce !

HANNON
Mais regarde aujourd'hui son héritage... Ses généraux se sont partagé son empire, et la guerre a repris de plus belle.

HAMILCAR
C'est parce qu'aucun n'est digne de lui succéder. Un chef doit s'imposer de par son autorité naturelle. Alexandre y est arrivé, et a été couronné de succès toute sa vie. (Plissant les yeux en regardant le large) A côté de celui-ci, de quels hauts faits les membres du Conseil des 104 peuvent se prévaloir ? Ils ne font que discuter et se plaindre à longueurs de journées.



Hamilcar se tait et regarde pensif, les hommes retaper les galères Carthaginoises. Hanon l'examine en silence.



HANNON
Et toi, qu'as-tu en tête exactement Hamilcar ?

HAMILCAR
Moi ? Je regarde comment le monde fonctionne.

HANNON
Laisse-ça à Archimède. Ce grec me fait perdre toute patience à chercher une explication là où il n'y en a pas. D'ailleurs ou est-ce qu'il est passé aujourd'hui ?

HAMILCAR
Encore à l'Université.

HANNON
Je me demande bien ce qu'il trouve  de si intéressants aux livres. A part être assommants...

HAMILCAR
C'est là tout ton tord. Et le mien aussi. Mais j'apprends à ma manière.

HANNON
Comment ?

HAMILCAR
Je regarde, j'observe.

HANNON
Et qu'as-tu observé jusqu'à présent ? Un port fourmillant d'hommes... A part ça... Je ne vois pas.

HAMILCAR
Mais pas seulement. As-tu remarqué l'emplacement idéal de ce port ?

HANNON
Euh non. Il a de quoi de si spécial ?

HAMILCAR
Il est situé entre deux rivières, ce qui en fait un port naturel. Et ça commercialement, c'est porteur.

HANNON
Ton précepteur t'a donné des cours là-dessus ?

HAMILCAR
Fais marcher ta cervelle, idiot. J'ai observé les va et vient des bateaux, et grâce aux deux fleuves tu peux sortir et entrer très rapidement dans le port.

HANNON
Si tu le dis...

HAMILCAR (regardant les galères)
Tu ne perds pas de temps à décharger les marchandises et les armes. Et dans une guerre, le ravitaillement est très important, (se parlant à lui-même) surtout si tu projettes d'annexer d'autres terres étrangères.

HANNON (lui faisant signe)
Aurais-tu des vues sur la Sicile ??

HAMILCAR
Non, bien sûr que non. Mais il faut se tenir prêt face à toutes éventualités. L'attaque comme moyen de défense, sinon tu te fais éventrer avant même d'avoir agi. (Observant les galères alignées hors des eaux). Ce port a une capacité d'accueil assez étonnante. En temps de guerre, je te parie que tout le monde voudra l'annexer. Et regarde tous ces arbres...

HANNON
Oui... Et ?? Ce sont des arbres...

HAMILCAR
Ne vois-tu pas comment cette vallée est verte ??? 

HANNON
D'accord il y a des arbres partout, et alors ?

HAMILCAR
Alors ?? Mais celui qui prendra possession du port, pourra construire tous les ouvrages pour se défendre en état de siège !

HANNON (perplexe)
Si tu le dis...


Un jeune homme les rejoint en courant.



CARTHALON
Je savais que je vous trouverai ici !!

HANNON (se levant)
Tu connais Hamilcar et sa passion pour les ports...



Carthalon sourit et reprend son souffle.



HAMILCAR
Tu as des nouvelles sur notre départ ?

CARTHALON
Hélas non. Ma quinquérème est toujours réquisitionnée par l'armée.

HAMILCAR (fronçant les sourcils)
Quoi alors ? Qu'est-ce qu'il y a de si urgent, pour t'avoir fait courir ?

CARTHALON
J'ai retrouvé la trace des Romains ! Ils sont dans une taverne.

HAMILCAR (bondissant du bord)
Qu'est-ce qu'on attend ?!!


Sicile, grandeurs et décadencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant