Chapitre 20

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  — Bienvenue au club…

  Confuse, je parcours la pièce du regard à la recherche de celui à qui appartient la voix. Il me semble tout proche, mais je ne saurais dire où exactement.

  — En bas. Par terre.

  Je baisse la tête et, en plissant les yeux, aperçois la masse humaine sur laquelle j'ai failli tomber : un vieil homme, frêle, avec une barbe broussailleuse.

  — Assieds-toi.

  J'obéis après une courte hésitation. Des frottements de tissus et de mains sur le parquet m'indiquent que les Créateurs se tournent tous vers mon interlocuteur et moi. Je vois M. Forestier m'imiter du coin de l'œil.

  — Désolée de vous avoir percuté.

  — D'où sortez-vous ? m'ignore le vieil homme.

  — Les explications sont beaucoup trop longues, dit mon ancien professeur en observant chaque visage.

  — T'ai-je parlé, Cédric ?

  — La question me concerne, alors y répondre me paraît adéquat.

  Je dévisage curieusement les deux hommes, me demandant quel lien ils entretiennent.

  — Nous n'avons pas le temps de nous chamailler, déclare une mère, deux petits garçons blottis contre elle.

  — Elle a raison, renchérit un adolescent élancé à la peau foncée. Vérifions juste s'ils sont dignes de confiance.

  — Dignes de confiance pour quoi ? demandé-je en observant les autres Créateurs comme « Cédric » l'a déjà fait.

 Ils se tiennent tous la main, formant un groupe solidaire, uni. Une certaine détermination brille dans leur regard transperçant, et aucun ne cille quand nos yeux se croisent, même les plus jeunes. Toutefois, tout le monde, dont moi et M. Forestier, grelotte dans le froid de janvier.

  — Tu es bien une Créatrice ? interroge le vieil homme.

  — Pourquoi serais-je ici, s'il en était autrement ? argué-je.

  — Qui es-tu ?

  — Evelyn Meyer, fille de… Jane et Hugo Meyer.

  Ma voix faiblit à la mention de mes géniteurs. Je les imagine, transis de froid, séparés l'un de l'autre, seuls, avec rien d'autre que leurs vêtements qu'ils portaient un peu plus de trois mois et demi plus tôt, et un désespoir profond.

  Une main se pose sur mon épaule et je lève les yeux. Les traits du vieil homme se muent en une expression de tristesse et de compassion. La seule question qui me vient à l'esprit est :

  — Vous les connaissez ?

  — Si je les connais ? Ils étaient mes élèves, à une certaine époque. (Son regard s'éclaire, visualisant des souvenirs du passé, puis s'assombrit une nouvelle fois.) Je suis désolé pour tes parents, Evelyn. Mais ne t'abats pas : nous les retrouverons.

  — Ah oui ? C'est vrai qu'on peut tranquillement sortir et faire nos petites recherches.

  — Bientôt, nous pourrons, oui, clame une femme d'âge plutôt mûr. Nous avons d'ailleurs un plan.

Le Monde des Créateurs - Tome 1 : La Découverte [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant