Distress Call

Cinq

 A nouveau, cette forêt, cette pénombre glacée et humide. Je ne sais toujours pas comment j'ai fais pour atterrir ici. Je suis une nouvelle fois à moitié dénudé et pieds nus, ne portant qu'un jean sale et déchiré. J'ignore ce qui m'est arrivé. Tout ce que je sais est que les brindilles sous mes pieds me font mal, j'ai froid, et je marche, les bras croisés contre mon torse pour me réchauffer un minimum, en respirant à peine. Mais ce qui est différent de la dernière fois, c'est que je trouve enfin mon chemin, sans vraiment savoir pour quelle raison je me dirige là-bas.

J'arrive sur le pont d'un lac, et à pas prudents, je marche sur celui-ci, jusqu'à me trouver au bord de l'eau. J'observe distraitement cette dernière, et je me renfrogne quand je sens l'angoisse naître en moi. Il y a quelque chose ... quelque chose qui ne me plaît pas, ici. Malgré moi, je sais ce que c'est. Enfin ... je crois le savoir. Mais un brouillard, dans ma tête, m'empêche d'avoir les idées claires. Je me sens totalement oppressé – comme si une partie de moi se trouvait au fond de cette eau. Et à cette pensée, je n'arrive plus à respirer. Ma poitrine se compresse comme si des barres de fers s'étiraient à l'intérieur de moi. Je serre encore plus mes bras croisés contre moi en fermant durement les yeux et étouffant un gémissement. La douleur se fait sentir quelques secondes, puis ça s'arrête. Et quand je rouvre les yeux, mon regard est instinctivement attiré à mon côté, de l'autre côté du lac.

Lui aussi est ici, encore – debout sous le clair pâle de la Lune, immobile, vêtu de noir, et cette capuche qui cache son visage. Même si je ne vois pas ses yeux, je sais qu'il me regarde. Les secondes passent et il lève une main, déposant son index bleu sur ses lèvres. Et malgré la distance, je l'entends au-dessus des milliers de voix qui chuchotent et murmurent des choses incompréhensibles dans ma tête. 

" Shh ... "

J'ouvre immédiatement les yeux alors que les voix résonnent toujours dans ma tête. J'entends une porte claquer et il me suffit de quelques secondes pour recouvrer mes esprits et comprendre que je me trouve à l'arrière du jardin, allongé sur la balancelle. Et à défaut de mon rêve, il fait beau et frais pour un dimanche après-midi. Quand j'entends la voix de ma mère, je ferme brièvement les yeux avant de me redresser lentement. Et je constate qu'elle est au téléphone. 

" La semaine prochaine ? ... D'accord ... Pas de soucis ... Oui, ça nous fera énormément plaisir de vous voir ... Je préparerai les gâteaux préférés des petites. Et tu verras, je suis sûre que Newhall te plaira ... Très bien, alors à Vendredi. Je vous embrasse toutes très fort. " 

Elle raccroche, et se retourne vers moi en grimaçant de manière enfantine, ses yeux bruns emplies malices nerveuses, comme si elle avait fait une bêtise. Puis sur la pointe des pieds, elle s'approche de moi et s'assied à mon côté. 

" Tante Sarah viendra à la maison avec ses filles, le weekend prochain. Pour voir la maison. " 

Seigneur, ce que je redoutais depuis l'installation est arrivé. Je jette ma tête en arrière en râlant silencieusement, réprimant un soupir. 

" Une photo aurait suffit. " je marmonne en croisant les bras.

Non, ce n'est pas que je n'aime pas ma tante. C'est juste son côté excentrique, curieux et sans aucune modestie qui me rend distant avec elle. Je la vois déjà me poser des tas de questions sur mon nouveau lycée et tout de suite entamer son sujet préféré ... la romance, la drague, tout ce qui tourne autour des filles. A l'époque, elle n'a pas cessée d'idéaliser le couple que je formais avec Anabeth. Elle nous comparait souvent avec Edward et Bella dans Twilight, et plus pathétique que ma tante, ça n'existe pas. Je ne suis même pas sûr qu'elle soit au courant que j'ai rompu avec Ana. Je n'imagine pas sa réaction quand elle l'apprendra.