Dix-huit

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" Ça va, j'arrive ! "
Dépêche-toi, bon sang. Je continue de taper frénétiquement sur la porte comme si ça l'inciterait à venir plus vite. Mais je n'ai pas de temps à perdre. " Voilà, je suis là. " je l'entends marmonner, et la porte s'ouvre enfin. Niall, vêtu d'un simple tee-shirt et d'un jogging gris, écarquille les yeux, et je ne lui laisse pas le temps de réagir que j'entre dans sa maison. 
" J'ai besoin de toi, encore une fois. " je l'informe pendant qu'il referme la porte sans me quitter des yeux. " Que se passe-t-il pour que tu viennes frapper comme un forcené, chez moi, à trois heures du matin, et en pleine tempête ? " demande-t-il anxieusement. 
J'ignore sa question et m'arrête au milieu de sa salle de séjour donné directement par l'entrée, et je regarde autour de moi, pris de court par ce qui m'entoure. Des crucifix, des statuettes religieuses, ainsi que ... des gousses d'ail ?!, sont répartis sur chaque meuble de la maison. Je me tourne vers lui et le dévisage. Il soupire, l'air faussement désemparé. 
" C'est drôle. Mon père aussi a fait la même tête. "
Tu m'étonnes. 
" Tu sais que l'ail, c'est pour les vampires ? " " Oui, mais on ne sait jamais ! Avec cette histoire d'esprit que j'ai appris être vraie, ça ne m'étonnerait pas de savoir que les vampires existent, vraiment ! Bon, qu'il y a-t-il ? L'esprit frappeur a encore frappé ? "
Je me retiens de lever les yeux au ciel. Je n'ai pas vraiment la tête à rire.
" Dans les archives, as-tu trouvé un exemplaire du plan de la maison des Rivers ? " " Oh, j'ai bien fait d'en avoir fait des photocopies par précaution. Je vais te chercher ça. "
Je l'attends près de la table de séjour de son grand salon dont je reluque le style vieille Angleterre, brièvement, en tapant du pied, pendant que Niall disparaît dans une pièce –sûrement un bureau – pour réapparaître quelques secondes plus tard avec un carton, qu'il pose sur la table. Il fouille dedans, et en sort une grande feuille pliée en quatre, que je me dépêche de déplier.
" Pourquoi en as-tu besoin ? " me demande-t-il. " Je voudrais vérifier quelque chose. " je réponds sur un ton désincarné.
C'est exactement le plan de la maison, que j'ai sous les yeux. Mais ... il manque quelque chose.
" Non. Non, ce n'est pas là. " " Qu'est-ce qui n'est pas là ? " " Ce plan est bien trop neuf. Il doit sûrement y avoir un plan original. Celui qui a servit à construire la maison. " " Il est juste là. " 
Niall plonge sa main dans le carton, et en sort une autre photocopie. 
" Il a été dessiné à la main, par le grand-père, lui-même, alors c'est normal s'il semble un peu brouillon. "
Je pose la feuille a côté du nouveau plan et les compare tous les deux pour être sûr de ne pas le manquer. Je balaie aire des pièces dessinées des yeux, minutieusement. Les chambres à l'étage, la salle de bain, les escaliers, le salon, la cuisine ... et le grenier. La voilà.
" Tu vas me dire ce que tu cherches ? "
Je l'ai enfin trouvé, et je pose mon doigt dessus pour la montrer à Niall.
" Cette pièce. " j'affirme, un sourire triomphant sur le visage. " Quoi ? " s'étonne Niall en s'approchant du plan.
Juste à travers la surface dessinée, représentant le grenier, se trouve une nouvelle aire. Plus grande, et plus large. Une aire qui prend une partie de la pièce, et ... une partie de l'allée séparant la maison de celle de Mme Mellington ? Puis l'évidence me frappe soudainement lorsque je me souviens de cette fois où j'ai voulu purifier le grenier. Quand l'eau bénite m'a échappée des mains et s'est mise à ronger le sol. Et en touchant celui-ci, par curiosité, je me souviens de sa dureté. De sa matière différente des sols du reste de la maison. Mais quel idiot !
" Pourquoi elle n'apparaît pas dans le nouveau plan ? " demande Niall. " Parce qu'elle n'était pas censée être trouvée. Seul le grand-père connaissait l'existence de cette pièce. " " Oh, je vois ! " s'écrie-t-il. " C'est une sorte de ... chambre de panique ? " " Construite dans le sous-sol. C'est pour ça que le sol du grenier est si dur. Il a été fait en laine de pierre. " " Et alors ? " " La laine de pierre est connue pour être résistante à quoi ? " je lui pose la question comme une devinette afin qu'il comprenne, plus ou moins. " Au feu ? " " Exactement. " " OK, euh ... Mais je ... Je ne comprends toujours pas, Louis. " " Je t'expliquerai en route. Mets ta veste, il ne me reste pas beaucoup de temps. " je lui dis en me précipitant vers la porte d'entrée. " Woah ! Woah ! Woah ! " s'écrie Niall tellement fort que sa voix résonne dans l'habitacle entier de la voiture. " Ce n'est pas vrai ! Tu te fiches de moi ?! " " J'aurais préféré. " " Harold a tué son père ?! "
Je confirme sa question en un silence éloquent, concentré sur la route. Après un temps de réflexion, il inspire profondément et bruyamment en ouvrant la bouche, comme si sa vie en dépendait.
" OK. Attends, une seconde. Si j'ai bien compris tout ce que tu m'as résumé, Harold serait toujours vivant, dans cette maison, caché dans le sous-sol de ton grenier ?! "
J'inspire en ignorant l'incertitude dans sa voix concernant la survie de Harry. Je ne peux pas me faire de faux espoirs en me disant qu'il est sûrement encore en vie.
" Vivant, je n'en suis pas sûr. Mais je l'espère plus que tout. Tu te souviens quand tu m'as montré le dernier endroit où l'incendie a été déclaré ? " " Bien sûr. " " Ce n'est pas un hasard si Harold a choisit le grenier en tant que dernière pièce où il a mit le feu. Parce qu'il s'est réfugié dans la pièce secrète au dernier moment, avant que les flammes ne se propagent. "
Du blanc des yeux, je le vois passer une main sur son visage. Je sais que ça semble insensé, et pourtant ...
" Très bien ! Admettons que ce soit vrai. Qu'est-ce qui nous dit qu'il est toujours en vie ? Imagine qu'il n'avait aucune ressources pour tenir le coup durant tout ce temps. " " Regarde dans la boîte à gants. " je lui dis en jetant brièvement un coup d'œil à mon côté. 
Je ne dois pas quitter la route du regard. La tempête est bien trop violente et les phares ne suffisent pas pour éclairer mon chemin, à travers la pluie battante. Mais du blanc des yeux, j'arrive à apercevoir Niall ouvrir la boîte à gants, et en sortir le journal.
" Qu'est-ce que c'est ? " " C'est le journal de Harold. Il a écrit sa fin en faisant en sorte que quelqu'un le trouve et lui vienne en aide. Dans le fond de la couverture, tu trouveras sa dernière page. " 
Niall remarque le fond déchiré du cahier où j'ai replacé le dernier message de Harry, en toute sécurité. Il le sort et le déplie pour le lire.
" Rivers a fait de sa vie un cauchemar après sa mort. Il le hantait, comme il me hante et te hante, toi, et voulait à tout prix sa peau, d'une manière ou d'une autre. Son but était de le pousser à bout jusqu'à ce que Harold décide d'en finir. Sauf qu'il n'était pas prêt à mourir. Il voulait vivre. Et déterminé à survivre, il s'est rendu dans un hôpital, a emprunté la tenue d'un interne pour se faire passer pour l'un d'eux, et a cherché à s'emparer de plusieurs vaccins et d'un sédatif. Quand il est rentré chez lui, il est passé à l'acte en commençant par brûler toutes les pièces de la maison. Puis à la seconde où il a lâché le briquet sur le chemin d'alcool dispersé dans le grenier, il s'est laissé glisser dans la pièce secrète avant de s'injecter une dose assez forte de sédatif, dans le sang, pour le faire tomber dans un coma, en quelques minutes. Aargh ... " je grimace et un gémissement m'échappe.
Ma tête. Les images du récit inscrit sur la dernière page du journal que tient Niall dans ses mains ont défilés dans mon esprit, tellement violemment que mon crâne se met à tambouriner. 
" Qu'est-ce que tu as ? " me demande Niall, inquiet.
Je cligne plusieurs fois des yeux pour me reconcentrer sur la route. 
" Rien. J'ai des sortes de ... flashs, parfois, qui me prennent par surprise. " " Alors, c'est ça. Harold est entre la vie et la mort, en ce moment-même, dans cette fameuse pièce. " marmonne-t-il d'un air absent en ne quittant pas la feuille comptant tout ce que je viens de lui résumer, du regard. " Ce qui explique pourquoi le grenier est la pièce la plus mal fanée de la maison. " " Un rectangle n'en est pas un, s'il n'a pas quatre côtés ... " lit-il curieusement à la fin de la feuille. " Qu'est-ce que ça veut dire ? " " Je crois que c'est un indice qui indique comment ouvrir la pièce. " " Et ce que tu veux faire, c'est le sortir de là ? " reprend-il en relevant la tête vers moi.
Je me renfrogne.
" Mais réfléchis une seconde, si Rivers est attaché à Harold, il continuera toujours à le hanter, même si tu le sauves. Que comptes-tu faire dans ce cas-là ? "
Je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui répondre, mais je la referme aussitôt. Et mon instinct s'éveille subitement. " ... attaché ... " je souffle dans le vide en prenant un long moment de réflexion. 
Quelque chose m'a échappé dans cette histoire. Attaché. Je me répète le mot comme une litanie – comme si, lui-même, allait me donner une réponse. Puis tout à coup, des phrases et des souvenirs de quelques passages du journal me reviennent à l'esprit. Je vois Harry à l'hôpital, découvrant les bandages taries de sang sur ses poignets. Je le vois tomber du haut de son échelle, de presque s'empoisonner lors d'un cours de chimie. J'arrive à imaginer la métaphore physique de ce dernier qui lui courait après, dans ses cauchemars. Les premiers phénomènes qui sont parvenues un mois après l'exécution de ce dernier. Ses tortures nocturnes qu'il subissait lorsque Tobey était encore en vie. Ces coups qu'il recevait. Ces instants où il se cachait de lui. Sa première claque. Le jour où il l'a découvert au téléphone, en train de lui balancer à la figure, cette vérité déchirante, que tous deux, n'ont aucun lien de parenté. « Ici, c'est ma maison, tu entends ? Je refuse que cet héritage revienne à un bâtard. Elle est à moi. A moi, est-ce que c'est clair ?! ».
L'illumination me frappe subitement, et je secoue la tête, un sourire crispé sur mes lèvres, en ricanant nerveusement, donnant un coup sur le volant de ma voiture.
" Qu'est-ce qu'il y a ? " demande Niall. " Pourquoi ne pas avoir mit dehors un enfant qui n'est pas le nôtre si l'on n'a pu accepter cette vérité ? " " Comment ça ? " " Harold était en âge de prendre ses propres responsabilités. Malheureusement, il ne pouvait pas partir de la maison et se débrouiller seul. Et Rivers aurait pu l'envoyer chez un autre membre de sa famille, ou celle de sa mère. Un oncle. Une tante. Des grands-parents. Mais il ne l'a pas fait. Pourquoi, à ton avis ? "
Niall fait mine de réfléchir et hausse les épaules.
" Je n'en sais rien. La culpabilité, peut-être ? " " Ou la honte ? " " Évidemment ! " s'exclame le blond après un court temps de réflexion. " Rivers était un gosse à la famille friquée ... " " Et la dignité devait sûrement avoir plus de valeur que ce qu'ils avaient dans leur poche, à leurs yeux. Si l'histoire de l'homme parfait de la famille a été trompé par sa femme et que cette dernière portait l'enfant d'un autre, venait à se savoir, il aurait tout perdu. S'il avait envoyé Harold chez l'un de ses parents maternelles, l'information aurait, un jour, fait écho jusqu'aux Rivers. " " D'accord, mais ... où essaie-tu d'en venir ? " " Ce que j'essaie de dire ... " je m'arrête brusquement et inspire. 
Cette découverte me reste au travers de la gorge, me donne la nausée. Mais je m'efforce de ravaler difficilement la bile coincée dans ma gorge, et je reprends en acceptant cette vérité absurde. 
" Harold n'était qu'une tâche sur le tableau sur laquelle Rivers s'acharnait pour le faire payer d'en faire partie, sans pour autant l'effacer. "
" Tu n'es rien sans moi, alors tu fais avec ? " " Exactement. Rivers refusait de léguer son héritage familiale à la future descendance de l'enfant d'un inconnu. Alors quand il est mort ... " " Il a voulu l'effacer définitivement du tableau. " " De sa vie toute entière. " " Je ne peux pas y croire. Cet homme n'était pas humain. " Niall inspire nerveusement en s'enfonçant dans son siège. " Alors ... tu crois qu'il suffit de retrouver le corps de Harold et de l'emmener loin d'ici ? "
Je secoue la tête en prenant un temps de réflexion. J'aurais aimé que ce soit aussi facile. Mais il y a un détail qui continuera toujours à se mettre sur notre chemin, et que Harry n'a pas pris en compte. 
" Avant tout, je dois savoir de quelle façon Harold s'est débarrassé du corps de Rivers. " " Qu'est-ce que c'est que ça ? " souffle Niall, effaré, alors que j'arrête enfin la voiture à quelques mètres de chez moi. 
Et je crois qu'à cet instant, nous abordons la même expression de terreur sur nos visages. Au sein de cette tempête abondante et orageuse, un groupe de corbeaux s'est posé sur le toit de la maison, et d'autres d'entre eux, au loin dans le ciel, se dirige vers sa direction. 
" Euh ... Louis, tu es sûr que tu ne veux pas attendre que l'aube se lève et que la pluie cesse ? " demande Niall, inquiet.
 Instinctivement, je jette un coup d'œil sur l'heure du tableau de bord.
" Non. Il ne reste que quarante minutes, je ne dois pas perdre de temps. "
Je sors de la voiture, et je rends à pas vifs en direction de la maison, suivis par Niall. " Attends, moi, Louis ! Pourquoi quarante minutes, je ne comprends pas ! " lance ce dernier à travers les fouets de la pluie s'abattant au sol.
Mais, concentré sur mon objectif, je ne lui réponds pas. De toute façon, il ne comprendrait pas si je lui parle de l'esprit de Harold, que j'ai été capable de voir je ne sais de quelle manière miraculeuse, et que ces quarante minutes qu'il me reste concerne le temps qu'il a resté au sédatif pour plonger Harry dans le coma, en une heure. Si je ne le sors pas de là avant, il y restera pour l'éternité et il n'y aura pas de seconde chance. J'enfonce la porte de la maison, et je me rends vers l'armoire que j'ouvre et d'où je sors la boîte à outil de mon père. Je m'empare d'une lampe-torche, et ... au fond du meuble je trouve une corde. Je ne me souviens pas que l'on en avait une. Je fronce les sourcils et la prends en main. Je la dévisage, et instinctivement, j'ai l'impression qu'elle n'est pas là, par hasard. Parce que la première chose que je dois faire, est de trouver le corps de Tobey qui n'a certainement pas été enterré. Et s'il n'a pas été enterré, ça veut dire que ... Bordel !
Et j'ai encore ces flashs. Cette fois, ce sont des souvenirs. Et je me rappelle à présent de Casey qui refusait de se baigner dans le lac, avec Harry et moi, et qui jetait ces regards méfiants à l'eau. Tout s'explique. Mes rêves et mon sentiment de déjà-vu lorsque je m'y suis rendu pour la première fois. Et ... cette main qui me tirait vers le fond de l'eau lorsque j'ai vu ma grand-mère, je ne sais de quelle façon, dans un instant d'assoupissement. 
" Il l'a balancé dans le lac. " je réalise dans un souffle. " Quoi ? " dit Niall qui se tient derrière moi, frigorifié et la voix tremblante. " Rivers est dans le lac. " je répète en m'emparant d'un marteau, avant de me lever. " Comment tu sais ça ? " " Je le sais, c'est tout. " je réponds alors que j'ai déjà franchis la porte arrière de la maison.
La corde, le marteau et la lampe-torche dans mes mains, je cours du côté opposé de la forêt, là où je suis sûr de retrouver ce ponton sur lequel ma grand-mère et moi se tenions dans ma dernière vision. La seule différence dans le décor, est que le lac n'est plus qu'un bloc de glace. Mais je n'ai pas le choix.
Lorsqu'on arrive sur place, je lâche les affaires sur le bois de la plate-forme et retire mes converses, sans attendre. 
" Ne me dis pas que tu comptes plonger là-dedans ? " " Tu vois une autre solution ? " je retire mes chaussettes avant de faire de même avec mon manteau.
Un temps de silence passe, et Niall reprend, définitivement très inquiet. 
" OK. Écoute Louis, je sais que tu es déterminé à sauver Harold, mais réfléchi à ce que tu es en train de faire. Même si tu brises la glace, l'eau peut se réfrigérer en un instant. Tu sens ce froid glacial ? " " J'en suis conscient ! " j'ai presque crié malgré moi.
Faisant face à Niall et le fusillant du regard, je me rends compte que je me laisse trop emporter par mes émotions. Je dois me calmer. Il s'inquiète seulement pour moi, il ne fait pas de mal. Je ferme brièvement les yeux et inspire profondément. 
" Je sais que je prends des risques, Niall. Mais depuis que j'ai mis les pieds dans cette putain de maison, j'ai frôlé plusieurs fois la mort. Et tout ce que j'ai vécu, m'a amené jusqu'ici. " je reprends mon souffle rapidement. " J'ai entre les mains le destin d'un garçon, comme toi et moi, qui a encore toute la vie devant lui. Je ne permettrai pas qu'il meurt pour une chose qu'il a faite parce qu'il était sans défense et personne n'était là pour lui venir en aide. "
L'inquiétude dans son regard laisse place à une émotion indéchiffrable. Il a l'air de prendre un temps de réflexion.
" Je suis sa seule chance de s'en sortir. "
Et je crois qu'il se rend enfin compte de l'ampleur de la situation. Du moins, qu'il comprend. Parce que quelques secondes plus tard, il hoche la tête avec assurance, et déroule la corde que j'ai amené pendant que je retire mon tee-shirt. Bordel, ce qu'il fait froid ! Je m'empare du marteau, m'agenouille au bord du ponton, et m'approche de l'eau gelée. Je prends un élan avant de donner, de toutes mes forces, un coup sur la glace. Cette dernière se fissure de tous les côtés, avant de s'ouvrir dans un grand craquement qui laisse enfin place à l'eau. Je me relève et Niall me passe la première extrémité de la corde que j'enroule autour de mes hanches, juste au-dessus de la ceinture de ma pantalon. Je fais un double nœud serré pour être sûr que la corde ne lâche pas prise, et je recule de quelques pas pour prendre un élan, en me frottant les bras, le corps tremblant sous le froid et ma respiration forte dégageant de la buée. 
" Louis. " Niall m'interpelle et quand je le regarde, je lis une inquiétude qu'il ne peut dissimuler, dans ses yeux. " Je ne veux pas voir ton cadavre remonter dans un bloc de glace. " il me souffle sur un ton anxieux mais toutefois, sérieux, en me tendant la lampe-torche. " Je ferai vite. " je le rassure calmement en la lui prenant des mains.
Je le vois inspirer en tenant fermement dans ses mains la seconde extrémité de la corde, et il se place derrière moi. 
" Quand je tire trois fois sur la corde, tu m'aides à remonter. "
Il hoche la tête en l'enroulant une nouvelle fois autour de ses poignets. Tu peux le faire, Louis. Je prends une grande inspiration. La plus grande que je n'ai jamais prise de toute ma vie. Je ferme brièvement les yeux en portant le médaillon de mon collier à mes lèvres. Je peux le faire. J'y arriverai. Et dans un dernier élan, je me lance en avant, tête la première et je plonge dans l'eau glacée du lac.
C'est l'obscurité complète, je n'y vois rien, et l'eau est tellement froide qu'à peine l'effort d'allumer la lampe-torche me demande une immense force. Et quand je lève le bras pour éclairer ma vision, la masse limpide autour de moi, me fouette le sang glacé dans mes veines. Ça fait mal, mais je m'efforce d'ignorer la douleur. Je dois me concentrer sur mon objectif, même si c'est presque impossible de réfléchir clairement ou de se déplacer lorsque l'on se trouve dans l'eau d'un lac à moins zéro degré.
Je regarde autour de moi, prudemment et le cœur battant si fort que j'ai l'impression qu'il va me sortir de la poitrine, d'un moment à l'autre. Je ne vois rien. Il n'y a que les lueurs des éclairs qui traversent la surface gelée du lac. J'ausculte les environs juste en-dessous de mes pieds, et je ne vois que des rochers et graviers, ainsi que des résidus que je ne peux identifier. Je nage petit à petit, un peu plus vers le fond, et je suis surpris par une grande masse noire se trouvant sous mes yeux, qui couche sur le fin fond de l'eau. Cela ressemble à un sac ou ... à un drap enroulé sur lui-même. Mon instinct me dit de me diriger vers lui. Et quand je le touche, mon cœur a un raté quand je réalise que je l'ai enfin trouvé. Le corps de Rivers, enveloppé dans un tissu. Sans perdre plus de temps – et surtout de souffle –, je trouve un poing que je prends en main, et je tire dessus pour attirer le corps vers moi. Merde, ce que c'est lourd ! Il n'y a pas qu'un corps là-dedans, ce n'est pas possible ! Je vois une partie du draps qui découvre quelque chose. Je fronce les sourcils en me rapprochant, et retourne le corps, très difficilement, sur lui-même. Et j'aperçois une poignée en tissu, comme celle d'un ... sac à dos ? Merde, c'est sûrement ça qui rajoute un poids lourd. Harry a dû le remplir de je ne sais quoi, pour empêcher le corps d'émerger à la surface. Je me vois obligé de retirer une grande partie du draps, afin de pouvoir retirer le sac à dos. Toutefois, avec une attention prudente car le corps de Rivers n'est plus qu'une peau sur des os. Et je ne veux pas prendre le risque de briser quoi que ce soit pour devoir le chercher, ensuite. La lampe-torche entre mes dents, j'arrive à retirer la première sangle d'un des bras. Je suis obligé de cligner plusieurs fois des yeux pour ne pas perdre mon sang-froid, alors que l'air commence à me manquer. Je retire la seconde sangle de l'autre bras, et quelque chose me mort soudainement l'épaule. Un bref cri m'échappe malgré moi, faisant lâcher la lampe-torche que je tiens entre mes dents – mais j'ai le temps de voir ce qui m'a blessé. La tête quasiment décomposé de Rivers est sortie de son enveloppe, et les dents de sa mâchoire se trouvent plantés dans ma peau. Aargh, dégage. Je lui donne un coup d'épaule, et son crâne bascule en arrière. Enfin libéré, je me dépêche de tirer trois fois sur la corde qui me lie à Niall, sur la terre ferme, et je commence à remonter avec Rivers sous le bras, malgré l'obscurité à nouveau tomber à cause de la lampe-torche que j'ai perdue. J'ai les yeux qui me brûlent, et il m'est impossible m'aider de mon autre bras pour nager, tant je suis prisonnier de la froideur du lac. Tout ce que je peux faire est de battre des pieds et me laisser porter par la corde me tirant vers la surface. Et quand j'aperçois les reflets du ciel orageux, et les gouttes de la pluie abondante s'écraser dans l'eau, au-dessus de ma tête, le soulagement s'empare de moi.
Délivrance. Je peux enfin respirer. Je m'accroche au bord du ponton et soulève, de toutes mes forces, le corps de Rivers que Niall prend au-dessus de ma tête, dépose à ses pieds, avant de m'aider à sortir de l'eau. J'ai besoin de plusieurs secondes pour récupérer mon souffle, et que mon cœur emploie à nouveau, un rythme cardiaque régulier. Je tremble, et ma peau a tellement blanchît que je réalise que si j'étais resté encore un peu plus dans l'eau, jamais je n'aurais pu remonter. Enfin, me voilà, j'y suis arrivé ! Et je ne dois pas tarder. Je détache la corde de ma taille, et la laisse tomber au sol. " C'est lui ? " dit Niall, effaré. Pour être sûr qu'il ne manque rien au cadavre, je déplie le draps qui le recouvre, et je sursaute en voyant la décomposition qui se présente à moi. " Nom de Dieu ! " s'écrie Niall en reculant brusquement d'un pas, en mettant le dos de sa main devant ses narines. L'odeur est infecte, bordel. Je me passe une main dans les cheveux mouillés, et recouvre immédiatement le ce corps squelettique. 
" Allez, aide-moi. " je dis à Niall. Alors que je porte la dépouille par une extrémité du draps, Niall attrape l'autre extrémité, et nous commençons à nous éloigner du lac.
Enfin arrivé par la porte arrière de la maison, je continue de reculer jusqu'à la cuisine où l'on dépose le cadavre. 
" Maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? " demande Niall, essoufflé et s'efforçant de garder son sang-froid. 
Pendant ce temps, je me dirige vers l'un des placards de la cuisine, et en sort une bouteille de Gin, que mon père n'a toujours pas ouvert – grâce à Dieu. Puis je me baisse face à l'armoire de l'évier pour m'emparer d'une boîte d'allumette. Pourvu qu'il en reste assez. Je vérifie. Super, la boîte est pleine. 
" Louis, qu'est-ce que tu fais ? " j'entends Niall me demander, cette fois, sans cacher sa nervosité grimpante à une vitesse incontrôlée. Voyant l'inquiétude à travers son regard, je me rends vers lui et le saisis par les épaules.
" Écoute moi, tu vas sortir d'ici. Je vais réveiller mes parents pour qu'ils te rejoignent et vous vous éloignez de la maison jusqu'à la voiture. Ne les lâche pas des yeux, garde-les près de toi. Rester dans les parages serait dangereux. " " Pas avant que tu me dises ce que tu comptes faire. " " Niall, ne discute pas, il ne me reste pas plus de vingt minutes, s'il te plaît. " je lui dis sur un ton plus ferme en me rendant à la porte d'entrée que j'ouvre promptement, le vent de la tempête s'incrustant dans la maison. 
Il reste immobile durant un temps de réflexion, avant de marcher vers ma direction. Et là, si ses yeux pouvaient être des fusils, je crois qu'il m'aurait désintégré sur place. Il me fixe d'un regard dur, et plus sérieux qu'il ne l'a jamais été. Et sur un ton laconique dans lequel je l'entends me parler pour la première fois, et qui me tellement de court que j'arrête de respirer, un instant.
" Très bien, mais tu as intérêt à t'en sortir, mec. Je n'ai pas envie de me retrouver aux pieds de ta tombe, sinon- " " Fais-moi confiance. " je le coupe subitement. " Je sais ce que je fais. "
Il ne me quitte pas des yeux, toujours pas rassuré, mais il cède et sors de la maison. Je ferme la porte derrière lui et me précipite à l'étage. J'entre en trombe dans la chambre de mes parents en allumant la lumière. Ils sursautent et marmonnent des phrases incompréhensibles à mon attention. Ils ne comprennent pas, ne comprendront pas, mais je n'ai pas le temps de leur expliquer. J'attrape les deux valises dans leur penderie, que j'ouvre au pieds de leur lit, et je vide toutes les armoires des vêtements que je fourre dans les bagages. 
" Louis, on peut savoir ce que tu fais ? " dit papa, en se redressant sur le lit. " Vos valises. On ne peut pas rester ici. " " Mais on pensait que tu l'avais enfin accepté ? " " J'ai eu tord. Allez, levez-vous. "
J'enfonce les derniers vêtements dans les valises, alors que mon père m'arrête dans ma démarche en posant la main sur mon poignets. 
" Attends, Louis. " fait-il.
Je n'ai tellement pas envie de perdre du temps que je n'ai même pas remarqué qu'il s'était levé. Il ferme brièvement les yeux et passe ses deux mains sur son visage en soupirant bruyamment. Et malgré son envie de discuter, je l'ignore et referme les valises blindées. 
" Il est quatre heures du matin, on ne peut pas partir comme ça, parce que tu l'as décidé. Et puis ... tu peux m'expliquer pourquoi tu es trempé de la tête aux pieds ? " " Est-ce que pour une fois, tu pourrais faire ce que je te demande sans avoir besoin que je te justifie quoi que ce soit ? " je craque presque dans un cri.
Il reste bouche bée, surpris par ma réaction, et regarde ma mère qui, bizarrement, ne semble pas réagir à la situation. Au contraire, elle a l'air plus inquiète qu'autre chose et elle me fuit du regard. Mais je décide de mettre de côté ce détail. 
" Si je le pouvais, je vous expliquerai. " je reprends fermement. " Mais pour l'instant, vous devez partir. " " Austin. " dit subitement maman alors que papa s'apprêtait à répliquer, une nouvelle fois.
Elle me jette un regard dont je vois l'ombre d'une émotion indéchiffrable qui me laisse perplexe. Je fronce les sourcils quand je la vois déglutir, s'emparer de sa veste sur le porte-manteau en face de son côté du lit, et l'enfiler. Elle prend également son sac à main, puis le manteau de mon père avant de s'approcher de lui et de lui tendre. 
" Ne discutons pas. Si Louis dit que l'on doit partir ... alors partons. "
Mon père se renfrogne en la regardant d'un air interrogateur, mais maman secoue lentement la tête pour l'empêcher de retarder les choses. Après un temps de réflexion interminable, papa expire nerveusement en prenant son manteau de ses mains pour l'enfiler au-dessus de son jogging et son tee-shirt. Au même instant, la lumière de la chambre se met à dysfonctionner. Merde. Puis tout à coup, quelque chose entre dans la pièce en explosant la fenêtre. Un corbeau qui crie en volant dans tous les sens, de manière complètement folle. Je prends les deux valises et les file à mes parents qui s'activent vers les escaliers sous mon ordre.
Je les suis par derrière lorsqu'ils arrivent en bas et qu'ils sursautent en voyant la dépouille de Rivers au milieu de leur cuisine. 
" Mon Dieu, Louis, qu'est-ce que c'est ? " s'écrie maman. " Sortez ! " j'arrive à les pousser à l'extérieur de la maison, alors qu'un rugissement strident résonne dans la maison. 
Je tourne la tête alors que les lumières de la salle sont en train de déconner, et je vois la porte du grenier s'ouvrir brutalement, laissant un vent chaud traverser la pièce et jeter les chaises et la table à manger derrière moi, contre la paroi des escaliers, avant de se refermer. Le cœur battant et suant plus de stress que de frayeurs, je m'apprête à fermer la porte derrière mes parents, mais comme je m'y attendais, ils m'en empêchent – surtout maman, et ça me surprend brusquement.
" Non, Louis, qu'est-ce que tu fais ?! " " Maman, je t'en supplie ! " " Louis- " " Monsieur, madame Tomlinson ! " 
Niall arrive derrière eux sous la pluie, juste à temps, avant que mon père n'ait le temps de s'opposer à son tour.
" Vous devez le suivre, faites-moi confiance, bordel ! " je supplie mes parents. " Louis ! Tu n'es pas prêt, pour ça ! " lâche maman en tenant fermement à bout de bras, plantant ses prunelles brunes dans les miennes. " Je n'ai pas le choix ! Maintenant, vas-t-en ! " et je la repousse à l'extérieur sans avoir pris le temps de comprendre ses derniers mots.
Je me précipite vers la fenêtre de la cuisine pour observer s'ils s'éloignent bien de la maison comme je l'avais demandé à Niall. Ce dernier semble convaincre mon père qui interpelle ma mère et la force presque à le suivre alors que maman est focalisée sur la porte de la maison, le visage blanc comme un linge et au regard paniqué sous les mèches de ses cheveux mouillés qui tombent sur son front. Mais elle finit par suivre papa et Niall, contre son gré. Et du blanc des yeux, je remarque quelque chose foncer droit sur moi. J'ai à peine le temps de me baisser qu'un autre oiseau noir enfonce la fenêtre pour voler dans la maison. C'est réellement la tempête qui s'incruste dans la maison. OK, OK, ça va aller ... Et restant accroupi, je m'empare de la bouteille de Gin et de la boîte d'allumette posés au bord de l'évier, au-dessus de moi. Puis je me déplace à travers le salon, à moitié recourbé, surpris par trois autres corbeaux qui entrent derrière dans la maison. L'un d'entre eux me mort derrière le cou, et je tombe sur mes genoux en gémissant de douleur, juste en face de la cheminée. Bordel. Après avoir vu le nid d'oiseaux qui s'est installé sur le toit de la maison quand Niall et moi sommes arrivés, je devine que la maison doit en être, entièrement, encerclée – à cause des cris venant de l'extérieur, que j'ai l'impression d'entendre résonner dans la ville toute entière. Cette saleté de maison est maudite. Je risque de me faire picorer et succomber à leurs morsures s'ils entrent tous, ici. Mais je ne dois pas être déstabilisé.
 J'ouvre la vitrine de la cheminée ainsi que la bouteille d'alcool, et en verse quelques centilitres sur les bûches afin qu'elles prennent feu plus vite. La main tremblante à cause du froid et du fait de ne rien porter en haut du corps, je fais glisser la boîte d'allumette, en prends une et l'allume du premier coup avant de la jeter dans la cheminée. Les bûches s'enflamment instantanément, et je me relève pour me rendre à nouveau dans la cuisine. Rivers trouve le moyen d'essayer de m'arrêter en soulevant la table basse du salon qu'il éjecte vers ma direction. Mais je l'ai évité juste à temps sans cesser ma course, et elle s'écrase contre le téléviseur. Tu ne seras plus aussi puissant pour bien longtemps. J'ouvre tous les tiroirs, et je rassemble tout les ustensiles pointues que la cuisine puisse posséder dans seul compartiment. J'essaie de prendre de l'avance sur Tobey, en me débarrassant des instruments plus ou moins dangereux. Le couvercle d'une casserole me tombe sous la main et je l'utilise pour couvrir l'armoire afin d'empêcher les couteaux de s'envoler pour finir implantés dans chaque partie de mon corps. Je traverse à nouveau la pièce en évitant les corbeaux, et je balance le tout dans le feu de cheminée. Première chose de faite. C'est une aiguille sous sa semelle et il renverse l'étagère se trouvant à côté de la porte du grenier. Mais je l'ignore et continue ma quête. Un manche de balai. Exactement ce qu'il me faut pour détruire tous les engins électriques de cette maison dans lesquelles il pourrait puiser son énergie. Quand je prends le manche en main, je commence immédiatement par le passer sur la table de travail de la cuisine où se trouve la radio. Celle-ci tombe au sol et je la défonce en l'écrasant plusieurs fois par des coups de bâton, avant de la balancer au feu. Puis je m'en prendre à l'ordinateur qui finit aussi brûlé. A la télévision, à la chaîne hi-fi, et aux lecteurs multimédias. Harry n'a jamais compris ce que cherchait réellement Rivers. Tout ce que ce dernier voulait, était de préserver son héritage. Et aujourd'hui, je vais faire en sorte qu'il lui revienne entièrement, une bonne fois pour toutes.
Sans attendre, je découvre son corps et me mets à séparer chaque membre squelettique. Et le fait d'avoir passée presque deux années au fond de l'eau me rend la tâche plus facile. Le peu de peau qui lui reste se décolle mollement, et il suffit seulement de quelques coups de manche à balai à ses os pour les détacher les uns des autres. Je fourre tout ses membres détachés dans un sac en plastique que je trouve dans l'armoire de l'évier de la cuisine, et je récupère la bouteille de Gin et la boîte d'allumette près de la cheminée avant de me précipiter dans les escaliers. Je me fais prendre par surprise par un corbeau qui passe sous mon nez, puis un autre qui s'en prend à moi. Putain ! Je lève les bras devant mon visage pour me protéger alors qu'il me mord les coudes avant d'être rejoint par un autre qui s'en prend à mes côtes. Par un réflexe défensif, je frappe le premier oiseau noir en lui donnant un coup de bras et il s'envole au loin pendant que j'arrive à dégager le bec du second en lui donnant un coup de manche à balai, et il s'écroule en dévalant les escaliers. Je reprends mon souffle en grimaçant de douleur. J'ai mal à la joue. Je sens même quelque chose couler sur mon visage. Fait chier ... Je réalise que c'est du sang quand je passe la naissance de mes doigts dessus. 
" Saleté de bestioles. " je soupire en me baissant pour ramasser le sac qui m'est tombé des mains, et je me rends au fond du couloir de l'étage, vers la première pièce dont je vais m'occuper – qui est également, la première pièce que Harry a lui-même, incendié. Il faut que je retrace le même parcours qu'il a tracé, sans reproduire ses erreurs – du moins, en complétant ce qui lui avait échappé.
La chambre d'ami. Je pose le sac contenant les restes de Rivers devant la porte, et équipé de mon manche à balai, je détruis tout afin que même les traces de l'existence de ma famille dans cette maison, brûle avec elle. Plus rien ne doit exister. Je renverse l'armoire qui s'écrase sur le parquet bruyamment, le téléviseur, le bureau, je retourne tout. Puis je sors la bouteille de Gin et la boîte d'allumette qui accompagnaient la dépouille dans le sac. Et sans attendre, je verse des centilitres d'alcool sur les murs, le lit, le parquet, et tout ce que j'ai renversé dessus. Je sors ensuite l'un des membres squelettiques du sac en plastique, et je le pose au milieu de la pièce. C'est répugnant. Je sors de celle-ci avec mes affaires, et embrase deux allumettes que je jette dans la chambre. Cette dernière prend instantanément feu, et l'effet que j'appréhendais est immédiat. Merde ! Comme si j'avais placée une bombe à retardement dans la chambre, de grandes flammes surviennent vers ma direction et je tombe en arrière, surpris, non-seulement par elles, mais également par le son étrange émanant de la pièce. Tel le hurlement cinglant et ultime d'une âme torturée. Quelque chose vient de se passer. De se briser. J'arrive à le sentir, je ne sais comment. J'ai l'impression qu'un poids vient enfin d'être dégagé de mes épaules, mais pas entièrement. Chaque partie, chaque pièce de la maison doit disparaître avec ses cendres. C'est le seul moyen de le faire disparaître du monde des vivants. Alors très vite, je m'occupe des deux autres chambres. Je brise et renverse tout ce qu'elles contiennent, comme je l'ai fait à la chambre d'ami. Rivers essaie de se défendre en faisant exploser les fenêtres des pièces, mais il ne semble plus entièrement puissant pour s'en prendre directement à moi. A part avec l'aide de ces oiseaux ténébreux qui s'incrustent par la fenêtre de ma chambre. J'entends leurs cris et leurs battements d'ailes qui tourne autour de moi, mais j'arrive à les maîtriser. J'asperge les deux pièces d'alcool, balance les loges antérieurs des avant-bras dont je me suis déjà débarrassé, dans chacune des chambres, avant d'y jeter des brindilles d'allumettes. Je recule à la seconde qui suit quand les flammes se rencontrent dans le couloir et que je sens quelque chose se contracter dans mon ventre, puis disparaître, à nouveau. Encore trois pièces.
Je fais de même pour la salle de bain. Quand j'entre dans la pièce, le miroir se brise en plusieurs morceaux. Aargh ! L'un d'eux s'est planté dans mon épaule. J'enveloppe le grand morceau dans ma main et en tirant difficilement dessus, la paume de ma main se tranche. Bordel de merde ! Je l'ai retiré, et je crois que je vais m'évanouir quand je vois la teinture de sang qui a recouvert le morceau de glace. La main ensanglantée, il me glisse de la paume et une douleur affreuse me lance à l'épaule. Putain, la plaie est profonde et je saigne abondamment. Mon Dieu, ce n'est pas vrai. Mais je dois tenir le coup. Pris d'adrénaline, je relève la tête en inspirant profondément, ravalant mes gémissements douloureux. J'arrive à arracher le rideau de douche que j'étale au sol à l'aide de mon pied, et sur lequel je verse l'alcool, avant de remplir la baignoire, le lavabo, la corbeille à linge dans laquelle je donne un coup de pied pour la renverser, et les murs. Je retourne à l'extérieur de la pièce, et je jette les deux jambes du cadavre à l'intérieur, avant d'y lancer deux autres allumettes.
Je descends rapidement les escaliers pendant que le feu se propage en reproduisant le même chemin d'alcool que Harry avait tracé dix mois plus tôt, sur chaque marche – tandis que de mon autre main, j'appuie de toutes mes forces sur ma blessure à l'épaule qui est de plus en plus douloureuse.
Enfin au rez-de-chaussé. Et alors que j'en ai presque terminé, malgré l'étourdissement que me provoquent ces corbeaux qui survolent le salon dans tout les sens, je réalise que j'ai oublié quelque chose. La cabane. Et merde ! Je lâche le sac en plastique, la bouteille et la boîte d'allumette, et je me poste devant la porte arrière de la maison. J'observe la bâtisse à travers le carreau de celle-ci. Je n'aurai pas le temps de faire un vas-et-vient. Frustré, Comment faire, bon sang ? Essoufflé, en sueur, et blessé, je ferme brièvement les yeux en me passant la main sur le visage. La fumée toxique de l'étage commence à se disperser jusqu'ici. Un coup d'œil rapide à l'horloge de la pièce – il ne me reste que cinq minutes. Réfléchi, Louis, réfléchi ! Je regarde nerveusement autour de moi, espérant qu'une solution miracle se produise. Et c'est lorsque mon regard croise le réfrigérateur qu'une idée me vient soudainement à l'esprit. Je jette sur sa porte et me mets à chercher la boîte d'un condiment. Un pot de confiture, de moutarde, n'importe quoi. Bingo. Je m'empare d'un pot de cornichons presque vide. Alors que la fumée commence à s'infiltrer dans mes narines, je vide rapidement le verre dans l'évier, retirant son support à l'intérieur. Je rempli le bocal d'une bonne tasse de Gin, et ... Non, des allumettes ne feront pas l'affaire. Je pose le verre au milieu de la pièce et me rends vers l'armoire du bureau de mon père. Pourvu qu'il ait laissé son briquet là-dedans. Alléluia. Je trouve son briquet-tempête en acier, et une clé USB à fil. J'espère qu'il ne m'en voudra pas, il tient énormément à ce briquet. Aucune importance, ce n'est pas vraiment le moment de penser d'avoir déjà des remords. Je pourrai lui en offrir un autre, plus tard. Si tu t'en sors.
Je brise l'une des côtes de la cage thoracique de la dépouille dans le sac, et plonge l'os dans le bocal contenant le Gin. Je le referme ensuite avec son couvercle, et j'attache le briquet autour du verre à l'aide du câble USB. Un bon nœud serré, afin que l'objet ne glisse pas du récipient. Je l'allume, prend le verre en main, et me dirige vers la porte de la cour arrière de la maison. Je l'ouvre et me poste juste sur le palier. Autour de moi ne sont que battements d'ailes et cris de corbeaux qui encerclent la résidence et défilent sous mes yeux avec une telle vitesse que j'ai à peine le temps de voir leurs ombres noires. Heureusement que la petite toiture recouvre ma tête et que les flammes à l'étage, et la fumée à l'intérieur, les empêchent d'entrer. Jamais je n'aurais cru que j'aurais à tirer sur quelque chose, un jour, dans ce genre de situation. L'angoisse de ne pas y arriver s'empare de moi, et ma jambe gauche se met à trembler, pendant que ma tête tourne à cause de tout le sang que je suis en train de perdre de mon épaule. Je ne la sens presque plus. Il faut que je me dépêche. Tu peux y arriver. Tu vas y arriver. Tu as été le meilleur buteur de ton équipe, en première et seconde année.
Une ... Je ferme les yeux. Et je repense à mes anciennes séances de thérapie. A la voix rassurante de ma psychiatre qui m'encourageait à dire ou à faire quelque chose que je n'ai plus jamais osé me permettre après mon accident.
Ce n'est pas le traumatisme d'une jambe cassée qui va pourrir le reste de ta vie. Deux ... J'inspire profondément.
Tu es ton propre obstacle, Louis. Chaque fois que tu penses ne pas arriver à quoi que ce soit, ferme les yeux, et compte dans ta tête, le plus régulièrement possible. Trois ... Un seul objectif. La cabane. Et sans la quitter des yeux, je prends un élan, et donne un grand coup de pieds au récipient qui survole la cour entière pendant que mon cœur bat à tout rompre, espérant qu'il tombe exactement dans la bâtisse. Je vois la flamme du briquet tourner autour du bocal, et ... Oui ! Ce dernier s'éclate au sol et le feu se propage dans la cabane, avant d'exploser, brusquement. Je sursaute en voyant les résidus de bois et les débris voler dans l'air et s'écraser dans l'herbe. Jubilant intérieurement, je retourne dans la maison en boitant légèrement – ce n'est pas pratique de tirer sur un récipient aussi dur, pied nu. Et agressé par la masse de fumée noire qui me prend par surprise et s'infiltre instantanément dans mes poumons, je me mets à tousser. Bordel, je ne vois presque plus rien. Mais j'en ai bientôt fini. Et je suis tellement prit par l'instinct de survie et surtout, prit par la seule pensée qui hante mon esprit, qui est Harry, que j'oublie mon hémorragie à l'épaule, malgré ma tête qui se met dangereusement à tourner.
Crachant mes poumons, et rassemblant tout mes efforts pour ne pas respirer cette fumée toxique, je me dirige vers le centre de la pièce. Dans le sac, je m'empare de la plus grande partie de la dépouille que je sépare du crâne, ainsi que des vêtements de Rivers, et je me rends vers la cheminée. Le téléviseur et les lecteurs multimédia à son côté laissent échapper des étincelles qui me font sursauter et touchent ma peau. Je prends mon courage à deux mains et jette la dépouille dans le feu de cheminée en prenant le risque de me brûler. Et à la seconde qui suit, le téléviseur explose brièvement et j'ai à peine le temps de m'écrouler au sol que les flammes se mettent à jaillir de la cheminée, et je me retrouve propulsé dans les airs jusqu'au mur derrière moi, entendant à peine un rugissement strident.
Je n'ai plus la force de me relever. J'ai mal aux côtes, aux bras, je n'arrive plus à respirer tant je tousse pour repousser le monoxyde de carbone qui s'infiltre dans mes narines, et je ne sens plus du tout mon épaule. Je suis épuisé et tari de sang. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu trouver une dernière once d'énergie pour m'attaquer. Il cache bien son jeu, cet enfoiré. Mais plus pour très longtemps. Je rampe au sol jusqu'au centre de la pièce et saisis la bouteille de Gin. Oh non. Elle est vide. Je ne peux pas continuer sans ça. Il faut que je me procure un autre alcool. Une nouvelle explosion se manifeste dans la pièce, du côté du téléviseur–––et en face de moi, les escaliers sont enflammées. Mais pas assez pour que le feu se propage jusqu'ici. Serrant les poings et les dents, je me lève promptement en empoignant la boîte d'allumette, et me jette instinctivement sur l'armoire en-dessous de l'évier. Et à l'instant où je l'ouvre, je me fige soudainement en tournant instinctivement la tête de côté. Une idée me vient brillante subitement à l'esprit quand mes yeux se posent sur la gazinière, pour accélérer les choses et surtout, finaliser la destruction de cette demeure. Le gaz. Une explosion.
Rapidement, je prends le premier produit qui me tombe sous la main. Un dégivrant pour vitres. Et au dos de sa bouteille, j'aperçois sur son étiquette le logo indiquant que c'est un produit inflammable. Parfait. Je me redresse et accourt juste au côté de la gazinière. Le compteur de gaz lié à elle, j'aperçois qu'il est également relié au robinet d'arrivé de gaz se trouvant au sol, collé au mur. J'ouvre le produit dégivrant et asperge la gazinière et le compteur. Je prends une grande inspiration en me rendant compte que je n'aurai qu'un bref lapsus de temps, jusqu'à ce que je me rende dans le grenier et que je rejoigne Harry dans la pièce secrète, avant l'explosion. La main tendue vers le robinet du gaz, je l'ouvre au maximum et la fuite est immédiate. Je la baisse toute de même un tantinet pour avoir le temps de m'enfuir. Et de toute la rapidité que je peux puiser dans mes jambes, je récupère la boîte d'allumette sur l'évier, le crâne sur le parquet, et je trace un chemin que je m'apprête à nouveau à incendier depuis le robinet de gaz, jusqu'aux escaliers du grenier, pour terminer à l'endroit exact où Harry s'était arrêté pour la dernière fois. Je me baisse pour déposer le crâne sur le sol dur de la pièce, et y verse les dernières gouttes de dégivrant. Au même instant, alors que j'ignore comment j'arrive à garder les yeux ouverts, j'aperçois l'intersection d'une trappe juste sous mes pieds. La pièce. Enfin ... Mais comment l'ouvrir ?
« Un rectangle n'en est pas un, s'il n'a pas quatre côtés. »
Je me retourne instinctivement. La seule chose qui ressemble à un rectangle ici, c'est le pilier qui se trouve derrière moi, enclavé dans un coin du mur. Quatre côtés. Un à gauche et à droite, un autre en bas et un autre en haut, et ... un à l'extérieur ? Ce n'est pas un rectangle. Je me précipite vers le pilier, et touche le côté en trop. Il y a une mince fente que je sens à peine sous la naissance de mes doigts. Je tire dessus, par hasard, et la fente s'ouvre, présentant une mince corde sur laquelle je tire, sans attendre. J'entends un léger craquement, et je me retourne. La trappe s'est soulevée. Ah, ah. Bien joué, Harry. Faiblement, je me replace devant elle. Malgré mon corps froid, tremblant, et épuisé, peut-être est-ce dû au soulagement, j'ai la force d'esquisser un sourire victorieux en coin sur mon visage. Je lance la bouteille vide de dégivrant sur le côté sans me soucier d'où elle tombe, et je sors la boîte d'allumette de la poche de mon jean. J'inspire profondément malgré ma respiration difficile, je sens que mes jambes vont m'abandonner, mais j'y suis arrivé et je ne lui laisserai même pas de faux espoirs. 
" C'est terminé, Rivers. " je dis essoufflé, mais triomphant. " Toi et ton héritage, pouvez reposer en paix. En Enfer. "
J'allume les deux allumettes, et les lâche sur le crâne à mes pieds. Je soulève la trappe du seul bras valide que j'arrive encore à bouger, et alors que je me laisse tomber dans le trou, j'entends l'ultime hurlement de cette âme torturée qui périt dans les flammes de l'enfer. Je tombe sur mes deux jambes et un craquement violent me surprends sur l'une d'elle, et je lâche un cri de douleur, malgré moi. Un cri douloureux qui se mêle au soulagement, et qui se confond avec le contact du feu au robinet de gaz que j'entends exploser et faire trembler la terre.
J'essaie de me lever mais je n'y arrive pas. Ma jambe ... J'ai mal. Je me suis cassé la jambe. Je le sais. Mais je réussi à ramper sur le sol. Je n'ai pas si mal que ça. En fait, je ne ressens plus aucune douleur. J'ai seulement froid, et je tremble. J'ai juste besoin de dormir. Juste un petit peu. Je suis lessivé. Aussi physiquement que mentalement. J'ai besoin de fermer les yeux. Mais pas avant de l'avoir près de moi. Je ne vois rien du tout, et je cherche tout de même. Où es-tu ? Je tâtonne le sol, au fur et à mesure que j'avance. Et je sens enfin quelque chose sous ma main. Une matière douce et sèche à la fois. Un tissu. Je fais glisser ma main le long de celui-ci et c'est quand je sens quelque chose de glacée à l'extrémité, que je sais que c'est lui. Il est là. C'est sa main que je touche. Oh mon Dieu. Je n'arrive pas à y croire. Je ne peux pas le voir tant il fait noir, mais je sais qu'il est vêtu du jogging dans lequel je l'ai vu pour la première fois. Je veux le sentir d'encore plus près. Le serrer fort contre moi. Le protéger. Bien qu'à présent, plus aucun danger ne pèse sur nous, je voudrais ne plus jamais le quitter. Je l'enveloppe de mes bras et pose ma tête contre lui, ignorant si je repose sur son dos ou son torse, mais je m'en fiche. A partir de cet instant, je ne cesse de remercier le Ciel, encore et encore. J'ai même envie de pleurer, mais je n'en trouve pas la force tant je suis épuisé.
Et c'est dans un dernier souffle avant de m'assoupir, que je réalise vraiment, que j'ai réussi. On a réussi, Harry.

Distress CallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant