Chapitre 13 : Enumeration

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Le Roi Jellal aimait particulièrement la position de son bureau. Lieu stratégique de la vie politique du royaume, c'était ici qu'il passait la moitié de ses journées. Il était donc largement nécessaire qu'il s'y sente bien, malgré le fait qu'il y était enfermé avec des papiers qui auraient un jour raison de lui.

C'était pourquoi il avait décidé d'aménager son bureau dans l'aile sud du château, dans une pièce adjacente à sa chambre, avec vue sur la cour intérieure. Il pouvait y voir, les après-midis, les entrainements des différentes divisions de son armée, et particulièrement celui d'Erza Knightwalker. Il lui arrivait parfois de lésiner son travail pour simplement les regarder. A chaque fois, il ne pouvait s'empêcher de sentir un élan de fierté en voyant ses hommes puissants et dévoués s'entrainer pour le bien d'Edolas. Et à chaque fois qu'il voyait Erza de battre comme une tigresse, il avant envie de quitter cette pièce et d'aller la rejoindre.

Il ne le faisait pas. Il était Roi et connaissait ses obligations. Mais il était aussi humain et parfois, il se surprenait à relire plusieurs fois la même phrase a force de regarder par cette fenêtre. C'était une bénédiction mais aussi une malédiction. Il n'aurait changé de bureau pour rien au monde.

La pluie du mois de mars avait fait place à un avril étrangement chaud. Particulièrement dans le château. L'emplacement sud n'arrangeait pas les choses et Jellal avait donc ouvert la fenêtre. Il pouvait aujourd'hui entendre distinctement les bruits vivants de la cour et une agréable brise fraiche refroidissait la pièce.

Jellal soupira d'aise et posa la lettre qu'il venait de recevoir d'un de membres de son administration. Les nouvelles étaient plutôt bonnes. De nouvelles énergies avaient été découvertes, et maitrisées. Notamment une qui intéressait particulièrement les scientifiques : une sorte de boue verte que l'on ne trouvait qu'à Edolas et qui, filtrée, aurait la possibilité de faire fonctionner toute l'industrie dépendant auparavant de la magie. Il avait même reçu une lettre de Natsu et Lucy (envoyés sur place pour protéger les scientifiques) qui étaient enchantés de pouvoir de nouveau conduire une voiture. Avec cette énergie, Edolas serait en situation de monopole, les alliances avec les autres pays fleuriraient, des guerres seraient évités, et son peuple épargné.

En tant que Roi, il ne pouvait qu'être satisfait de la perspective et venait d'envoyer son feu vert pour l'extraction à grande échelle de la boue. Depuis un mois, et le retour de ses troupes, les choses étaient calmes et paisibles. Jellal espérait que cela durerait plus longtemps.

Il avait l'impression qu'il commençait enfin à se reposer depuis son couronnement. Entre la reconstruction du pays, les défis liés à l'absence de magie, ses devoirs royaux, les réformes structurelles, son rôle de commandant de la première division de l'armée et les tentatives d'assassinats déjoués, il n'avait pas eu beaucoup de temps pour profiter de son royaume. Au contraire même. Il avait vu plus d'Earthland que du pays qu'il régissait. C'était inadmissible ! C'était pourquoi il avait décidé d'entreprendre une visite du pays et d'aller lui-même voir si la population était satisfaite. Il ne voulait pas vivre dans une bulle, comme l'avait fait son père.

Il imaginait déjà la réaction d'Erza quand il lui ferait part de ses projets. La moindre escapade royale la rendait hystérique. Alors la traversé du pays... Elle allait vouloir le tuer pour avoir eu une telle idée. Elle chercherait à le dissuader de partir. Elle était si têtue.

Jellal soupira derechef. Erza était beaucoup de chose. Fragile et forte, douce et mesquine, calme et énergique, rassurante et menaçante. Pour le Roi, Erza était un tout, un socle sans lequel il se serait certainement effondré sous la pression. En deux années, elle n'avait pas changé. Si elle l'avait accepté comme Roi d'Edolas et semblait avoir décidé qu'il était un homme digne, elle n'hésitait portant pas à lui dire quand quelque chose ne lui plaisait pas. Elle l'insulterait s'il le fallait.

Parfois, il lui arrivait de la haïr. Elle avait tant de défauts.

Soudain inspiré, Jellal pris une feuille sur laquelle il n'avait pas écrit, trempa sa plume dans l'encre, et commença sa rédaction. Il savait qu'il était ridicule. C'était le genre de chose que la Lucy d'Earthland ferait. Pas un homme. Encore moins un Roi. Mais il le fit quand même.

Dix choses que je hais chez Erza Knightwalker

Son caractère

Parce qu'à chaque fois que ce n'est pas nécessaire, elle s'opposera à mes décisions. Parce qu'elle pense avoir toujours raison. Parce qu'elle ne laisse personne voir qui elle est vraiment. Parce qu'elle est la seule qui ose encore me dire ce qu'elle pense.

Ses yeux

Parce qu'ils sont presque toujours inexpressifs ou remplis de haine. Parce qu'ils sont les seuls pour lesquels je veux plaire. Parce que parfois ils pleurent. Parce qu'ils envahissent mes rêves. Parce que je voudrais qu'ils soient toujours posés sur moi.

Ses cheveux

Parce qu'elle les maintiens courts. Parce que ils symbolisent son passé. Parce qu'ils sont rouges comme le sang qu'elle a fait couler. Parce qu'ils semblent doux et que je ne peux pas passer mes doigts dedans. Parce qu'ils sont fougueux. Parce qu'ils sont à elle.

Sa voix

Parce qu'elle commande. Parce qu'elle tient en respect tous les autres. Parce qu'elle est toujours maitrisée. Parce qu'elle est sa meilleure arme. Parce qu'elle ne dit jamais Jellal alors que j'en meurs d'envie. Parce qu'elle devient chaude quand elle parle de son travail. Vivante.

Sa fidélité

Parce qu'un jour elle mourra pour Edolas. C'est largement suffisant.

Ses mains

Parce que je peux m'empêcher de les regardes prendre une arme, serrer quelque chose, se glisser dans ses cheveux, frapper quelqu'un. Mais qu'elles ne sont jamais utilisées pour quelque chose de doux et pourtant, elles ont l'air tellement fragiles.

Sa force

Parce qu'elle me fait peur. Parce qu'elle est indomptable. Parce qu'elle n'est pas que physique mais aussi mentale. Et qu'elle ne cédera pas. Parce qu'elle est trop forte pour ça.

Son sourire

Parce qu'il est si rare. Parce qu'il est si beau. Parce que je serais prêt à abdiquer sur le champ si j'avais la certitude absolue qu'elle me sourirait pour le reste de ma vie. Parce que je veux être le seul pour qui elle sourit.

Sa naïveté

Parce qu'elle ne se rend pas compte des regards des hommes sur elle. Car elle ne se rend pas compte de ses charmes. Parce qu'elle n'a pas le droit d'être naïve. Parce qu'elle ne remarque même pas les remarques déplacées que lui fond ses hommes.

Sa bouche

Parce qu'elle est attirante. Parce que ses lèvres ne sont jamais contre les miennes. Parce qu'un jour, elle dira oui à quelqu'un. Parce que cet homme ne sera peut-être pas moi.

Jellal regarda la feuille qu'il venait d'écrire avec amusement. Voilà qu'il tombait dans la mièvrerie extrême. S'il avait encore eu de la place sur la feuille, il aurait peut-être ajouté cela. Sur un coup de tête, il chiffonna le papier et le lança dans la cheminé (qui n'était pas en route, mais qui le serait surement ce soir).

Rapidement, il jeta un coup d'œil par la fenêtre où presque aussitôt, il reconnut la chevelure rouge qui l'avait amené à écrire ces inepties. Erza avait ses cheveux attachés et portait un tee-shirt et un short noirs. Elle passait en revue ses troupes qui ne bronchaient pas.

Il sourit et retourna à son travail, oubliant par la même la feuille dans l'âtre du feu. Le lendemain, en y retournant, elle ne serait plus qu'un tas de cendre. Coco aurait pris soin de la brûler.

Mais pas sans la lire avant, un magnifique sourire attaché aux lèvres.

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant