Chapitre 22

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  Au commissariat, l'inspecteur Rasse est en train de parler à Laurence, qui est menotté et assis.

- Vous voyez, commissaire, je suis assez organisé. J'ai réussi à trouver Duvaux et je l'ai suivi jusqu'à chez vous. J'aurais dû me douter que vous étiez son complice.

- N'importe quoi, Rasse. Non mais, vous vous entendez ? C'est complètement absurde.

- Et pourquoi donc ? Je dois vous rappeler qu'on l'a trouvé chez vous.

- Je vous ai déjà dit que ce crétin était venu chez moi pour prouver son innocence.

- Et vous croyez que je vais vous croire ? Décidément, Laurence, vous me décevez. Et attendez demain lorsque les journaux répandent la nouvelle : "Le commissaire Laurence complice de meurtre".

- Alors là, vous débloquez complètement, Rasse. On devrait vous enfermer dans un asile d'aliénés.

- La seule personne ici qui va être enfermée, c'est vous. Et en plus, vous aurez droit à la guillotine.

- Vous êtes vraiment un grand malade ! hurle Laurence en se levant brusquement.

- Voyons, commissaire, soyez raisonnable. Au moins, vous serez sûr d'être connu. Même si vous allez... perdre la tête. Emmenez-le, dit l'inspecteur à l'agent qui se trouve dans la pièce.

  Alors que l'agent est sur le point de sortir du bureau avec Laurence, ce dernier dit à Rasse :

- Je vais prouver mon innocence, ainsi que celui de Duvaux.

- Ça m'étonnerait beaucoup, ex-commissaire. J'ai l'intention de régler cette affaire au plus vite. Vous pouvez déjà dire adieu à ceux que vous aimez. Oh, mais suis-je bête : vous n'aimez personne.

  Le commissaire sort de son propre bureau menotté et emmené par un agent vers sa cellule, sous l'œil triomphant de l'inspecteur Rasse.

***

  Bien qu'il fait encore nuit, une jeune femme marche dans les rues. Sa tête est enveloppée d'un foulard et, malgré l'absence évidente du soleil, elle porte des lunettes noires. Elle se dirige vers le commissariat d'un bon pas. Elle arrive sur le palier lorsque Tricard sort.

- Bonsoir, lui dit-elle.

- Bonsoir, mademoiselle.

- Excusez-moi cette question, mais... êtes-vous de la police ?

- En effet. Pourquoi cette question ?

- J'ai... J'ai une déclaration à faire. C'est lié à mon... ex-fiancé.

- Il vous harcèle, c'est ça ?

- Non. Non, pas du tout. En fait... c'est compliqué.

- Et si vous me dîtes ce qui ne va pas lors d'une petite promenade ? propose le commissaire-divisionnaire.

- Maintenant ?

- C'est vous qui voyez, bien entendu.

  La jeune femme réfléchit un instant, puis accepte la proposition. Les deux personnes marchent donc sous la lumière des lampadaires, pendant que la jeune femme expose son problème.

- Je m'appelle Juliette Martoin. Il y a de cela deux ans, j'ai rencontré un type qui s'appelait Hugo Difoisis.

- Pardon ? Vous avez dit qui ? Hugo Difoisis ?

- Oui. Pourquoi ?

  La jeune femme semble... Comment dire ? Inquiète. Mais pourquoi ?

- Est-ce que vos ennuis sont liés à lui ? demande Tricard.

- Oui, et plus que vous ne pouvez l'imaginer. Où en étais-je ?

- Vous parliez de votre rencontre avec ce Difoisis.

- Ah oui. Vous savez, c'est le genre de type qui peut passer ses jours à râler de ses malheurs. Mais bizarrement, je l'aimais bien, et c'était réciproque. Et puis, un jour, nous nous sommes fiancés tous les deux. On vivait heureux. Jusqu'à ce que...

  Des larmes coulent sur les joues de Juliette Martoin. Tricard sort un mouchoir et le lui tend. La jeune femme le prit et s'en sert pour se moucher.

- Il y a deux mois, il a rompu, continue-t-elle. Depuis, nous ne nous sommes plus parlés. Je ne vais pas vous mentir : depuis ce jour, je l'ai détesté. Mais aujourd'hui, quelque chose d'inattendue s'est produite. Il m'a appelée et m'a demandée de venir dans un entrepôt pour qu'il me dise quelque chose d'important. Comme ça semblait lui tenir à cœur, j'ai quitté mon travail plus tôt et je suis allée au lieu de rendez-vous.

  Juliette Martoin décrit ensuite ce qui s'est passé. Elle n'est pas prête d'oublier. Elle entrait dans l'entrepôt par une sortie de secours et demandait à voix basse Hugo. Elle montait les escaliers jusqu'à un bureau. Et là, il y avait le corps de son ex-fiancé, mort.

- Je me suis baissée pour voir s'il respirait encore. Mais je ne sentais plus son pouls. Quand j'ai compris que je ne le reverrai plus jamais, j'ai pleuré. J'ai ensuite trempé un petit peu un petit mouchoir dans son sang, histoire d'avoir une trace de lui sur moi. J'ai quitté les lieux en pleurant par la sortie de secours. Mais je ne suis pas partie bien loin, car j'étais bouleversée. Mais ce qui est arrivé ensuite était très étrange.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- J'étais en train de pleurer. Cela devait faire cinq minutes. Tout-à-coup, j'ai entendu du bruit. Je me suis retournée, et j'ai vu un homme s'enfuir de l'entrepôt. Comme j'étais au coin de la rue, il m'a bousculé. Il semblait pressé. Peut-être qu'il avait vu le corps de mon pauvre Hugo...

  La jeune femme se mouche de nouveau. Tricard lui demande avec délicatesse :

- Sauriez-vous reconnaître l'homme qui vous a bousculé ?

- Oui. Je m'en rappelle très bien.

- Alors, venez demain au commissariat. Pour le moment, vous devez vous reposer.

  Juliette Martoin sourit au commissaire-divisionnaire et lui dit :

- Merci. Bonne nuit.

  Et elle s'en va, laissant seul le veuf sous un lampadaire.

LPM - Jeu, assassinée, et matchOù les histoires vivent. Découvrez maintenant