Chapitre 14

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  Lorsque Tricard entre dans le bureau de Laurence, il voit une brune en train de fouiller dans le bureau de Marlène. Il s'approche d'elle et lui dit :

- Excusez-moi, mademoiselle, mais il me semble que vous n'avez pas le droit de faire ça.

  La jeune femme se retourne vers lui, et le commissaire-divisionnaire la reconnaît, malgré la nouvelle couleur de ses cheveux, les vêtements plus stricts et la paire de lunettes qu'elle porte.

- Marlène ?

- Vous ne me reconnaissez pas, Tricard ?

- Désolé, mais c'est que... vous avez changé.

- J'ai changé, en effet. Mais ce n'est que le début. Il me faut encore du temps pour devenir une secrétaire compétente. J'en ai marre de ce qu'on raconte sur les blondes : elles sont bêtes à pleurer, elles ne s'intéressent qu'au shopping, elles ne sont engagées que pour leur physique, elles couchent avec leur patron...

- Mais vous étiez bien, avant.

- J'ai envie d'être mieux. D'être... Marlène la compétente.

- Vous êtes sûre que ça va, Marlène ?

- Je vais même très bien, merci. Je ne me suis jamais sentie aussi mieux.

  La secrétaire s'installe à son bureau, sort une feuille de papier et l'introduit dans sa machine à écrire. Tricard s'approche vers elle et lui dit :

- Écoutez, Marlène...

- Je n'attends que ça. Ne dois-je pas taper des rapports ?

- Certes, mais...

- Alors, qu'est-ce que vous attendez ? Pas de temps à perdre pour la nouvelle Marlène.

  Tricard est sur le point de dire quelque chose lorsque l'inspecteur Rasse entre dans la pièce. Son visage montre le soulagement que ressentent les personnes qui se sont soulagés la vessie au petit coin. Quand il voit Marlène, il demande à Tricard :

- Tiens, on a une nouvelle secrétaire ? Où est passée Marlène ?

- La Marlène que vous connaissez n'est plus, lui répond la secrétaire du commissaire.

- Elle n'est pas morte, quand même ?

- Non, non, vous m'avez mal compris...

- Ah ! J'ai compris... Elle a été virée.

  Marlène n'en croit pas ses oreilles. Cet inspecteur au grand charme et aux bonnes manières ne l'a donc pas reconnue ?

- Mais...

- Tricard, pourquoi avez-vous renvoyé Marlène ? Bon, c'est vrai qu'elle n'est pas très intelligente, mais moi, je préfère les blondes. Mademoiselle, dit-il à Marlène, vous n'avez plus la place.

- Mais...

 - Désolé, vous n'avez pas les compétences nécessaires pour ce travail.

- Mufle !

  Marlène donne une gifle mémorable à l'inspecteur. Ce dernier, d'abord hébété, dit à la jeune femme qui s'apprête à sortir :

- Outrage à un membre des forces de l'ordre. Vous ne vous en sortirez pas aussi facilement !

- Rasse...

- Qu'est-ce qu'il y a encore, Tricard ?

- Cette femme...

- Elle m'a giflé, oui. Pas la peine de me le signaler, je le sais déjà.

- Ce n'est pas ça. Cette femme... c'est Marlène.

  L'inspecteur écarquille les yeux à cette nouvelle. Il regarde la porte par laquelle la secrétaire est sortie, puis Tricard. Il lui demande :

- C'est une blague ?

- Bah... lui dit Tricard en guise de réponse.

  Rasse comprend la bêtise qu'il vient de faire. Il se dépêche alors de sortir du bureau et cherche Marlène. Il ne la voit pas. Où est-elle passée ?

  Marlène est dehors et au bord des larmes. Comment a-t-elle pu se montrer aussi stupide ? Elle croyait que Rasse était quelqu'un de bien, un homme qui vaut mieux que le commissaire Laurence, alors que ce n'est pas vrai. Est-elle donc aussi stupide que l'on pense ?

  Eh bien, elle va changer. C'est décidé : elle ne sera plus Marlène, elle sera quelqu'un de mieux. Elle sera...

- Marlène ?

  La secrétaire sort de ses pensées et se retourne. C'est le commissaire Laurence qui vient de lui parler.

- Qu'est-ce que vous avez à vos cheveux ? Et pourquoi portez-vous des lunettes ?

  Marlène lui sourit. Lui, au moins, l'a reconnue. Pour lui, elle sera toujours Marlène. La douce et gentille Marlène, celle qui fait partie des plus grandes fans de Marilyn Monroe, celle qui rêve d'épouser ce bel homme intelligent qui n'est autre que le prince charmant de ses pensées.

- C'est une longue histoire, commissaire.

- Eh bien, vous me la raconterez plus tard. On m'a signalé une disparition.

- Oh ! Qui a disparu ?

- J'aurais bien aimé que ce soit Avril et ce pour toujours, mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Il s'agit d'Hugo Difoisis, un suspect dans le meurtre qui nous occupe.

  Marlène ne peut s'empêcher de sourire. Il vient de dire « nous ». Laurence voit bien le sourire, mais n'en comprend l'origine.

- Qu'est-ce qu'il y a, Marlène ? Pourquoi ce sourire ?

- Pour rien, commissaire, lui répond la secrétaire.

- Bon, écoutez-moi attentivement : je veux avoir des avis de recherche sur Difoisis. J'ai pris une photographie de lui.

  Le commissaire sort d'une poche une photo qu'il tend à Marlène. Elle peut y voir un homme aux cheveux noirs et raides tenir une raquette de tennis avec un grand sourire.

- Il est plutôt mignon, fait-elle remarquer.

- Vous croyez ? Moi, je le trouve... très maigre.

- Il n'est pas très maigre du tout, commissaire.

- Bon, euh... Marlène, ce n'est pas le moment de contempler une photo. Là, on doit trouver ce type, ajoute Laurence en montrant du doigt le gars sur la photo. Et puis...

  Le commissaire regarde Marlène. Cette dernière peut voir à cette tête que quelque chose ne lui plaît pas.

- Enlevez cette teinture, ces vêtements et ces lunettes. Ce n'est pas vous, tout ça.

- Qu'est-ce que je suis, alors ?

  Cette question, à l'apparence anodine, a pourtant un sens pour la secrétaire. Laurence soupire et lui dit en toute sincérité :

- Vous êtes une femme incroyable, Marlène. Vous êtes réellement incroyable. C'est d'ailleurs la première chose que je vous ai dite la première fois que nous nous sommes vus.

- C'est vrai, dit Marlène en rougissant.

- Bien. Maintenant que vous savez qui vous êtes, on peut se mettre au travail ?

  Le commissaire entre dans le commissariat, suivi de sa chère Marlène. SA secrétaire.

LPM - Jeu, assassinée, et matchOù les histoires vivent. Découvrez maintenant