One Shot Stories

Les Sept Chaises

France, 1935

Elles me dévisageaient d'un air mauvais. Toutes avaient les yeux rivés sur moi, attendant ma représentation imposée. Je m'assis doucement sur la dite chaise en bois. J'y fit glisser mes mains à sa surface ressentant toutes les imperfections du bois, du noeud jusqu'à la petite gravure sous le siège. « Burdick » disait-elle. Ce nom m'était inconnu avant de le découvrir sous la chaise.

J'installai mes bras sur les accoudoirs minutieusement gravés pour y représenter des enfants se protégeant de la pluie sous un abri nommé « APlaceATime ». J'encrai mes bras dans le siège, laissant s'imprégner en moi le sentiment habituel de liberté. Je ne me souciais plus de rien. Tout ce qui comptait était moi. Moi et la chaise.

Un malaise s'imprégnit alors de mon corps. Je n'avais jamais tenté cette expérience en présence d'autre gens. Et si ça ne marchait pas? La peur fit soudain surface? Et si je passait pour une folle? Je dus faire un effort colossal pour ne pas me laisser envahir par cette émotion si négative.

L'étrange sensation de liberté, de pureté, refit son apparition. J'entrai alors en phase de sommeil éveillé. Ma vue m'avait été retirée mais mes autres sens s'étaient décuplés d'une manière phénoménale. Je sentis soudain mes pieds décoller du sol. Je flottais. Je volais. J'était libre.

***

Une distance de cinq mètres me séparait du sol. Cette distance baissait à un rythme régulier dû à la fatigue. Je reposai bientôt pied à terre devant les regards subjugués que m'offraient les Sœurs. L'une tapota l'épaule de l'autre, lui demandant d'avancer vers moi. Elle le fit d'une douceur sans pareille comme si j'étais un bambin à ne pas réveiller. Elle se tint devant moi et me dit ces mots marquant:

-Nous t'avons trouvé. Il n'en reste plus que six.