Poison

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Texte gagnant du prix littéraire "J'imagine, J'écris, Tu lis!" de la Commission Scolaire de La Capitale dans la catégorie "Improvisation" du premier cycle du secondaire.

Je suis dans une pièce. Une pièce emplie d'un vide indescriptible. Une pièce sans son, sans artifices. Une pièce qui parle, sans parler. Il n'y a que moi dans cette pièce. Moi et cette fiole. Moi et cette fiole dans une pièce plus vide encore que mon cœur déprimé. Je suis consciente de ce que je m'apprête à faire. Je dois le faire. Il faut le faire.

Dans quelques minutes, je ne serai plus de ce monde. Je pourrais enfin réellement vivre. Vivre en étant morte. Vivre sans avoir à peser sur son dos la culpabilité d'aimer. Vivre la vie qui me revient. J'aimerais avoir quelqu'un. Mais je suis seule. Il n'y a que moi et cette fiole dans une pièce plus vide encore qu'un lac asséché.

Je pense à lui. Même s'il ne faut pas. Même s'il souffre à cause de moi. Il me manquera. Même s'il ne pleurera pas ma mort. Même si pour lui aussi, un fardeau tombera et le laissera enfin respirer. Et ce même fardeau me tuera. Il n'y a que moi et cette fiole dans une pièce plus vide encore qu'une maison encendrée.

Je suis prête. Ma main s'approche lentement du petit flacon. Elle tremble. Elle tremble comme une personne dont le cœur a été glacé par un amour impossible. Je la prend. La froideur de sa paroi extérieur ne me dérange pas. Plus rien ne me dérange. Il n'y a que moi et cette fiole dans une pièce plus vide encore qu'une forêt exploitée.

Je la porte à mes lèvres. Le liquide grisâtre coule lentement dans mon œsophage, brûlant toute chair à portée de main. Je le sens dans mon estomac. Une douleur atroce explose soudain au niveau de mon ventre. Mon cœur s'emballe et bientôt, la souffrance se développe jusqu'à atteindre mes doigts et mes pieds. Mon crâne souffre. Mon tronc se tortille pour essayer d'échapper au mal qui m'envahit. Je pleure. Mais je n'ai pas de regrets. Cette fiole n'est pas un poison, mais un remède contre une existence empoisonnée. Je souffre avec joie. Je souffre seule. Il n'y a que moi et cette fiole dans une pièce plus vide encore qu'une ruelle esseulée.

Je sens enfin mes forces me quitter. Un sentiment de paix s'empare de tout mon corps. Mes yeux se ferment. Je ne les retiens pas. Je ne ressens plus rien. Il n'y a que ma conscience flottant dans ce néant. Je suis la seule chose qui reste dans mon univers. Mais tout à coup, tout s'efface. Je ne me souviens plus de mon nom, je ne me souviens plus de qui je suis. Je ne me souviens même plus de ma vie. Et soudain, j'aperçois quelque chose. Une image qui me hantera pour le reste de l'éternité.

Il n'y a que moi, morte, et une fiole dans une piece plus vide encore que le monde entier.

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