Je m'étais fait prendre à mon propre jeu à force de vouloir soutirer des informations à Keith. Ce que j'avais dit hier soir était à double sens. Oui, j'avais eu des sentiments lorsque nous avions partagé notre intimité, mais à aucun moment je n'avais spécifié leur nature. Je n'avais pas évoqué l'amour, car il était question de désir sexuel. Je le désirais autant que je le redoutais. Il me fascinait autant qu'il m'effrayait. Mais cela, il ne le savait pas et j'avais semé le doute dans son esprit.
Ce soir-là, nous ne discutâmes pas. Nous mangeâmes notre pizza en silence, tout en regardant une série et Keith partit se coucher vers vingt-trois heures trente. Ma méthode n'avait pas vraiment été efficace et je n'avais réussi qu'à le braquer davantage. Je me sentis coupable de jouer avec ses émotions et ses nerfs, alors que je détesterais que l'on me fasse subir la même chose. Ne pouvais-je pas le laisser tranquille jusqu'à son départ ? Pourquoi avais-je réellement ce besoin de savoir ? Bien sûr que ma curiosité était attisée par son lien secret avec Leeroy que je souhaitai découvrir, mais si je devais être tout à fait honnête avec moi-même, je voulais assouvir ma propre soif de savoir. Je ressentais le besoin d'établir une relation, une connexion avec Keith parce qu'il m'attirait. Il était un tel concentré brut de sentiments confus, que je voulais démêler le tout pour l'aider à avancer, l'aider à vivre et à ne plus regarder derrière lui. Je ne désirais que son bonheur.
Les jours qui suivirent furent presque similaires et notre sortie au cinéma passa à la trappe. Je n'osai le relancer sur le sujet vu notre manque d'échanges que j'interprétai comme de la distance. J'avais tellement peur de creuser davantage le gouffre qui nous séparait, que je ne lui adressais la parole que pour lui annoncer que le repas était prêt.
Plusieurs jours s'écoulèrent de cette façon et l'ambiance devint trop pesante pour moi. Je me décidai à lui parler pour apaiser le malaise en rentrant de mon après-midi en ville, afin de passer un week-end plus agréable. J'aimais trop ses petits rires étouffés lorsque nous regardions une série, ou ses commentaires tranchants sur les acteurs ou une situation qu'il jugeait improbable. Je voulais partager ces moments à ses côtés et savoir si ce que j'avais cuisiné lui plaisait plutôt que de le voir simplement prendre son repas pour partir dans sa chambre. Il était indéniable que j'aimais son contact et que je le recherchais. Est-ce par manque d'affection, car Leeroy ou Ash me manquaient ? Peut-être bien, mais Keith était tellement différent, que la moindre attention de sa part valait de l'or.
Alors que je rentrais tardivement avec quelques courses sous les bras, je fus surpris de trouve Keith assis dans le canapé du salon. Je le fus d'autant plus quand je vis qu'il était face au carton de sa mère que j'avais récupéré. Pendant un instant, j'hésitai à poser mes achats et monter aussitôt dans ma chambre, mais je souhaitais renouer le dialogue avec lui. Je partis ranger rapidement mes commissions et me risquai à m'asseoir auprès de Keith.
— Je sais qu'on regrette souvent nos actes lorsqu'ils sont régis par la colère. Et même si je ne connais pas ton histoire, je pense que tu aurais fini par t'en vouloir de l'avoir jeté, dis-je en le regardant timidement.
Le carton était ouvert et Keith avait sorti un album photo. Je pouvais apercevoir ce qui semblait être Keith avec quelques années de moins.
— C'est toi ? demandai-je en observant l'image d'un garçon aux cheveux longs.
— Ouais. Ces photos ont mal vieilli.
— Je trouve que le style ténébreux aux longs cheveux t'allait bien, dis-je. Par contre, tu as fait de la musculation entre temps, visiblement ! Tu étais aussi mince que moi.
— On a beaucoup trop de temps libre en prison, me dit-il.
— Je me doute bien, dis-je en prenant l'album.
VOUS LISEZ
Troublemaker ( M/M - Boy's Love) - Edité chez MxM Bookmark
Romance[Histoire publiée en 2017 ! C'est vieux, soyez tolérant.e.s = )] À la mort de son frère, Evan est effondré. Orphelin depuis l'enfance, son monde s'écroule comme un château de cartes. Il se retrouve seul et désemparé à l'âge de dix-sept ans. Au cour...