Chapitre 5

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Le docteur Leko sort de la chambre 212. Il est dix-neuf heures. C'est la fin de sa journée de travail pourtant il sait qu'il va emmener avec lui jusque dans son lit le visage de celui qui est devenu son patient : Enzo Laville, 34 ans, décédé le 23 juillet des suites d'un cancer du cerveau, ressuscité le 24 sans aucune séquelle apparente. Machinalement, le Général se rend dans son bureau, prend quelques notes dans un bloc-notes qu'il a tout spécialement attribué au cas Laville - une sorte de journal témoignant de ses impressions - puis s'apprête à compléter le dossier de son patient rouvert depuis son retour dans le monde des vivants. La grande question demeure : Comment formuler l'impossible ? Guérison spontanée ? Rémission spectaculaire ? Non il ne s'agit pas de ça. C'est autre chose. Quelque chose de bien plus énigmatique. Comment le définir autrement que comme une résurrection pure et simple. En tant que médecin il lui est impossible de consigner ceci dans un dossier médical. Il tend la main vers le tiroir qui renferme la chemise en plastique bleu, mais une vague de fatigue interrompt son geste. Ses bras retombent le long des deux accoudoirs de son fauteuil et tout son corps s'affaisse vaincu par l'épuisement. Cette lassitude est moins physique que psychologique. Lui qui se passionne depuis de nombreuses années pour la stimulation du cerveau en vue d'améliorer la santé ne peut pas ignorer à quel point les deux sont liés. Quand on touche aux certitudes inscrites au plus profond de nous il en résulte un traumatisme violent et une réaction en chaîne provoquant stress, angoisses, suractivité cérébrale, et inévitablement épuisement. Le docteur soupire. Il complétera le dossier de Laville demain. Pour l'heure il doit récupérer. Rationaliser ce qu'il s'est passé sous peine de perdre les pédales. Il s'extirpe de son fauteuil avant de s'endormir sur place, retire sa blouse qu'il jette sur le dossier et prend la direction de la sortie. Il souhaite une bonne soirée à la jeune fille de l'accueil et marche vers sa voiture qui l'attend dans le parking de l'hôpital réservé au personnel. La chaleur est toujours aussi écrasante en cette fin de journée. Leko redoute la fournaise qui doit l'attendre dans l'habitacle de sa Mercedes classe A. Non loin, Hermas lui aussi s'apprête à rentrer chez lui. Il remarque la présence du neurochirurgien et s'approche, souriant. 

— Dure journée Anton ! Je n'en peux plus et je ne crois pas que notre partie de tennis soit entièrement responsable de mon état. 

— Tu peux dire merci à Laville, autant pour t'avoir sauvé la mise sur le court hier que pour la journée que nous venons de passer. 

— Comment va-t-il ? demande Hermas le visage soudain soucieux. 

— Bien. Il ne parle quasiment pas mais tous les tests sont normaux. Le scanner a révélé une diminution de la tumeur de l'ordre de 60 %. C'est incroyable. 

 Hermas laisse échapper un petit rire incrédule. 

— C'est impossible Anton tu le sais bien. Ce type est un phénomène ! 

— Il faut se rendre à l'évidence. Je suis prêt à parier que la tumeur va disparaître totalement dans les jours qui viennent. 

 — Je n'arrive pas à y croire. 

— La question n'est pas d'y croire ou non, la question est de savoir quel mécanisme l'organisme de Laville a déclenché pour qu'il soit parmi nous après avoir été déclaré cliniquement mort. Je crois que la rémission du cancer n'est qu'un effet périphérique. Laville va être soumis à toute une batterie d'examens dans la semaine et je compte bien découvrir ce qui fait la particularité de cet homme quel que soit le temps que cela prendra et quels que soient les moyens à déployer.

 — Tu crois qu'il acceptera ? 

— Je saurai le persuader.

— Et s'il refuse ? 

Avant de partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant