Chapitre 3

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— Vous prenez l'ascenseur jusqu'au premier étage Madame, le docteur Leko va vous recevoir. La jeune fille à l'accueil de la clinique du Belvédère vient tout juste de finir sa phrase que Léa se précipite déjà vers l'ascenseur. Son cœur bat la chamade, elle est encore sous le choc du message trouvé sur son répondeur. Arrivée au premier, elle trouve un panneau d'information qui lui indique le bureau 102 comme étant celui du docteur Leko. Une fois devant la porte close, elle se sent submergée par une angoisse terrifiante. Elle est en passe de renouer de façon violente avec son passé, elle le sent et cela lui fait peur. Il y a des instants comme ça dans la vie où tout peut basculer pour le pire ou le meilleur, elle en a fait l'expérience de la plus terrible des façons deux ans plus tôt. Ses blessures la font encore terriblement souffrir, alors, est-elle suffisamment forte pour se confronter à elles de nouveau ? Franchir cette porte lui donnera assurément la réponse, mais pourra-t-elle en assumer les conséquences ? Ces questions viennent se bousculer de façon désordonnée dans son esprit maintenant qu'il ne lui reste qu'un geste à faire pour changer le cours immédiat de sa vie. Bouleversée, elle hésite. Elle a envie de pleurer, de faire demi-tour et de partir loin d'ici, à l'autre bout du monde. Alors pourquoi s'est-elle précipitée sitôt le message entendu ? Elle ferme les yeux, cherche à retrouver une respiration normale, un rythme cardiaque plus modéré, sans succès. Son esprit part à la dérive, elle est en train d'en perdre le contrôle. D'une main tremblante elle ouvre son sac à main et en exhume une boîte de tranquillisants. Elle avale deux cachets à sec alors que la porte s'ouvre brusquement devant elle. 

- Madame Desjours ?

L'homme qui se présente est grand, brun et sévèrement dégarni, la quarantaine pleine d'assurance. 

- Oui, c'est moi répond Léa après un temps d'hésitation. 

- Entrez, la secrétaire à l'accueil m'a averti de votre arrivée. 

Leko s'écarte pour laisser entrer la jeune fille dans son bureau. Il observe ses pas hésitants et se demande comment il va pouvoir lui exposer les évènements si particuliers qui occupent à présent toute son attention depuis la veille. 

- Asseyez-vous, dit-il en présentant la chaise devant son bureau. 

- Merci. 

- Etes-vous de la famille de Monsieur Laville ? s'enquiert-il en préambule. 

- Oui, enfin non, je suis son ex-compagne. 

- Ah ? eh bien, il a demandé à vous voir. Jusqu'à présent seul son père lui a rendu visite. Je ne savais pas qu'il y avait d'autres personnes dans son entourage. Il semblait très seul. 

Léa, nerveuse à l'extrême, se crispe sur sa chaise. Elle cherche du regard quelque chose à quoi se rattacher, un tableau, une plante, un bibelot rassurant mais ne trouve rien de ce genre. Elle n'aime pas ce lieu froid et aseptisé, elle n'aime pas cet homme qui la fixe d'un air supérieur mal dissimulé. 

- Détendez-vous, je comprends à quel point ce qui s'est passé peut-être choquant pour vous.

 Curieusement le ton apaisant du docteur provoque l'effet inverse sur Léa. L'air qu'elle respire ne l'oxygène plus assez, elle se sent oppressée. Elle attend que ses médicaments fassent effet comme un drogué en manque attend que sa dose le libère de ses tensions. Son angoisse se propage comme un gaz anxiogène à son interlocuteur qui lui aussi commence à se tortiller sur son fauteuil en cuir. Il s'éclaircit la voix avant de poursuivre tant bien que mal. 

- Ce genre d'incident se produit extrêmement rarement. Je n'y avais jamais été confronté durant toute ma carrière et ...

Avant de partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant