Chapitre 13

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Nadia tente désespérément de fermer sa valise. Les dernières paires de chaussures qu'elle a coincées entre les maillots de bain et les t-shirts sont de trop. Depuis un quart d'heure Jacques attend dans le salon, prêt à partir. Leur avion est à 11 heures. Ils se sont décidés à la dernière minute pour un séjour à l'île Maurice en tête à tête. Elle pense que tout s'est précipité depuis leur rencontre. La réaction de Léa, si elle lui a fait du mal, est tout à fait compréhensible. Elle s'imagine sans doute qu'elle ne pourra plus partager ses désillusions avec une amie qui nage en plein bonheur. Elle pense, peut-être à raison, se heurter à une Nadia moins disponible, moins compréhensive, plus distante. Leurs rapports vont changer et Nadia est la première à le reconnaître. Doit-elle se priver de sa relation avec Jacques pour autant ? Elle qui rêvait du prince charmant mais en s'appliquant, inconsciemment ou non, à le faire fuir dès qu'il montrait le bout de son nez, la voilà prête à se vautrer dans tous les poncifs du genre amoureux. Pourquoi Jacques plus qu'un autre ? Il n'est pas vraiment beau, il n'est pas riche, il n'y a rien de prestigieux dans son parcours, ce n'est pas un séducteur né, il est maladroit, un peu mollasson ; alors quel est son secret ? C'est simple : Il la fait mourir de rire, la plupart du temps involontairement, il la rend folle de désir avec son air de papy-puceau en gilet jacquard, et il est capable de l'écouter parler sans interruption pendant plus d'une heure sans prendre la fuite. Et puis, elle ne veut pas crever seule. 

— Qu'est-ce que tu fabriques ma biche ? s'enquiert son homme pour la troisième fois. 

— Viens m'aider, au lieu de râler, répond-t-elle depuis la chambre. Jacques, serviable malgré son agacement, la rejoint en traînant les pieds. 

 — Assieds-toi sur la valoche ! 

 — C'est stupide, tu ne vas pas prendre quinze paires de chaussures, on ne part que quinze jours ! proteste Jacques. 

— Cinq paires ! pas quinze ! Et je me suis contentée du minimum. Pose tes fesses sur cette satanée valise ! Jacques s'exécute en protestant mollement, tandis que Nadia s'échine sur le fermoir. 

Le bagage tangue sur le rebord du lit au gré des gestes désespérés des deux tourtereaux, les ressorts du sommier impriment un mouvement de bas en haut qui donne au brave homme des airs de cow-boy aux prises avec un cheval de rodéo. Consciente du ridicule de la situation Nadia commence à pouffer de rire et accélère le mouvement. 

 — Hue cavaliero ! Hue ! s'exclame-t-elle. 

— Arrête Nady on va être en retard ! 

Jacques vient à peine de finir sa phrase lorsqu'il bascule à la renverse, les quatre fers en l'air sur le lit.

Fou rire. Nadia se jette sur lui et l'embrasse comme une maman son gros bébé. 

— Tu as de la chance qu'on soit pressés, je t'aurais bien violé là tout de suite, lui murmure-t-elle à l'oreille. 

— Et je me serais bien laissé faire ma chérie... 

Comme souvent dans ces moments intimes où l'on se voudrait seuls au monde, un invité malvenu mais bien connu fait irruption : Le téléphone. C'est le portable de Nadia. Elle décroche en soupirant. 

— Oui ? 

Immédiatement son visage se crispe et sa bonne humeur s'envole. En l'espace de trois minutes de communication la réalité lui recolle les deux pieds sur terre. 

— Qu'est-ce qui se passe ? demande Jacques, inquiet. 

— C'est Léa. Elle est à l'hosto. 

— Flûte ! Rien de grave au moins ? 

— Je ne pense pas, elle doit sortir ce matin mais on lui a volé son portefeuille. Elle n'a plus ni carte bleue ni carte de sécu. Elle me demande de passer pour payer la note. 

Avant de partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant