Chap 2. Le combat

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À l'ombre de deux marronniers, le soleil perçait entre les feuilles rousses.

Il faisait bon, pour une matinée d'automne. Beaucoup plus que dans les Archives, ça, c'était certain. Orphée s'était enfoncé dans le jardin. Il avait retiré son gilet gris à la laine détendue et était maintenant, en chemise mal repassée, les manches relevées en trois quart. À la lumière de l'astre d'or, il pouvait voir ses bras blancs à peine hâlés, par la saison estivale dernière.

Il avait posé ses lunettes et son écharpe, sur son gilet, lui-même sur l'herbe tendre, parsemée de feuilles rouges et sèches.

Il devait relâcher la pression. Il devait réfléchir à tout cela. Il devait remettre ses idées en place. Sinon, il allait imploser et pourtant, c'était quelqu'un de patient. Enfin, lui disait-on. Mais, comme sa marraine lui avait dit : il couvait beaucoup de douleurs.
Le regard caché par ses cheveux, il se mit en position.

Il étendit son bras lentement, prit une grande inspiration et referma ses doigts sur une prise invisible. Une proie invisible. Un ennemi invisible. Une énergie écrasa l'atmosphère, alors qu'il serrait son poing et le ramenait contre sa côte.

La seconde d'après, il avait éjecté son coup de poing avec une force concentrée qui fit s'envoler les feuilles. Il partit avec un deuxième. Un troisième. Les battements de son coeur s'accélérèrent, à mesure qu'il lâchait des gestes lents, précis et atrocement violents dans l'air.

À chacun de ses gestes, une légère bourrasque faisait voler sa frange. Encore. Encore. Il ne devait s'arrêter que lorsque son agacement se serait enfoui. Disparu.

Orphée continuait de frapper le voile du vent et le faire trémousser par sa seule puissance. Orphée avait depuis longtemps, appris à se défendre. Au départ, il n'était pas un garçon avec autant de douleurs en lui, mais un jour, tout avait changé.

Le jour où il s'était coincé dans un miroir.

Puisqu'Orphée était un Animiste comme toute sa famille, il avait l'habileté d'être un liseur et de voir le passer des objets. Mais, il était aussi, un Passe-Miroir. Une branche méconnue du pouvoir de la famille, puisque peu de personne le gardait longtemps.

Puisque pour traverser les miroirs, il fallait "savoir s'accepter soi-même", lui avait dit un jour la grande-tante.

Après son accident de miroir, Orphée avait récupéré malgré lui, plus d'une quinzaine de séances de réhabilitation et une affreuse maladresse.

À l'école, cela s'était vite vu. Ses cousins étaient tous des blancs-bec pour la plupart et avaient une tendance à l'embêter pendant très longtemps, lui voler ses goûters, le pousser dans la cour, lui chercher des noises sur le chemin du retour. Combien de fois avaient-ils été prit en embuscade, dans le vieil hangar près de l'école ? Il ne les comptait plus.

Orphée continuait de donner des coups, vifs, impardonnables. Si son corps restait sec, son visage perlait de sueur. Il n'avait pas encore terminé.

Beaucoup de choses s'étaient passées, après son accident. Orphée avait changé. Il n'était plus le même. Son apparence, ses mouvements et sa poussée de croissance invraisemblable.

Tout cela combiné à la fois, lui avait fait vivre un véritable enfer, jusqu'au milieu de son adolescence. Et puis, un jour, Orphée traînait dans la bibliothèque, il avait cherché des techniques de combats à mains nues. Anima ne vendait pas d'armes et puis il ne voulait tuer personne. Il voulait juste savoir se défendre.

Puis Orphée, avait appris. Énormément appris et pas qu'en combat. Sur les guerriers, sur les soldats, sur les combattants d'avant la Déchirure, ceux dans l'ancien monde, ceux qui avait fait la guerre. Tout cela le passionnait. C'était comme ça, qu'il s'était intéressé au poste de bibliothécaire qu'il occupait aujourd'hui.

ORPHÉE & TÅVIE ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant