Chap 4. Trop aimable

406 29 57
                                    

Le lendemain, dès l'aube, à l'heure où blanchissaient les pâturages, le dirigeable s'était envolé au-dessus de la Vallée.

Orphée avait eu le temps de dire au revoir à ses grands parents, ses oncles et ses tantes, ses parents, ses frères et sa soeur. Mais, surtout la grande-tante, qui lui avait répété quelques conseils pour survivre contre une femme venue d'ailleurs.

Orphée avait sourit discrètement. Il ne l'avait pas vraiment écouté, mais il était heureux qu'elle s'inquiéta pour lui, tout simplement.

Sa petite soeur, Hilana, lui avait remit un dessin pour son départ, alors que la mère lui faisait promettre d'envoyer une tonne de télégrammes à leur attention.

Hilana avait dessiné un croquis maladroit, très comique. Orphée était représenté par un bonhomme en bâtons avec un très long corps, une toute petite tête et des grosses lunettes. Une écharpe était ajoutée et il faisait signe à un troupeau de bonhommes qui agitaient des foulards blancs. Une femme blonde était dessinée à côté de lui et le tirait par la main.

Ce dessin était une belle représentation, de son départ d'Anima. Dans la salle des Cartes, Orphée posa l'esquisse de sa soeur sur une table basse et sous ses cheveux, ses lunettes, il laissa son regard traîné par-delà la baie vitrée. Les montagnes berçaient la Vallée, comme les bras d'une mère. Orphée savait que sa famille allait lui manquer, mais il avait autre chose sur les bras. Une vie à vivre et à prendre en main, principalement.

Depuis qu'il était monté à bord, Tåvie s'était enfermée dans sa cabine, sans un mot. Orphée se souvenait avoir regardé ses nattes blondes s'envoler derrière elle, avec dépit.

-J'ai vraiment tout gagné. Marmonna-t-il dans son écharpe, ironique.

Aujourd'hui, il portait une chemise beige et un long trench qu'il avait déposé dans sa cabine, avec son unique grosse valise. Ses cheveux bruns embrouillés devant ses yeux et ses lunettes aux verres grisâtres, il se décolla de la vue extérieure et les mains dans les poches, observa les planisphères et autres cartographies.

Orphée si connaissait un peu en géographie, après tout il était quand même le bibliothécaire de la section Histoire primitive, il avait tout de même quelques bases, même si sa spécialité reposait sur la guerre et l'ancien monde.

Une lumière aveuglante le fit lentement se retourner de sa haute taille, alors que le dirigeable survolait les Grands Lacs qui scintillaient, comme un véritable jeu de miroir. Orphée pensa à plonger dedans, pour atterrir dans le psyché de l'entrée de sa maison. Mais c'était perdu d'avance. Ce n'était que de l'eau et de la fuite.

Il se décala de cette vision envieuse et s'approcha d'un magnifique planisphère, au travail de précision incroyable. Les vingt-et-une arches majeures et les cent quatre-vingt-six arches mineures, y étaient dessinées. Orphée en répéra quelques unes qu'il connaissait : Anima, le Pôle, Cyclope, Babel, Corpolis. Puis, il observa le Noyau du monde, qui se s'empétrait dans la mer de Nuages. Tout cela était inhabitable et relevait du miracle.

Il se retourna, les mains dans les poches de son pantalon taupe et observa le dirigeable quitter pour de bon, son arche. Plus de champs, plus de montagnes, rien qu'une motte de terre au milieu du vide, qui flottait perpétuellement en accord avec les autres arches. C'était tout de même, impressionnant.

Orphée se demanda quand même, si les choses auraient été différentes, si Astréos ne se souciait guère des femmes et demanderait à Tåvie, de vivre sur Anima. Cela aurait-il changé beaucoup de choses ? Sûrement, mais il n'était pas en mesure de dire quoi que ce soit.

Au même moment, un carillon vibra dans la salle. Orphée mit quelques secondes à comprendre, que c'était pour indiquer l'heure du déjeuner. Orphée se demanda s'il avait vraiment envie de se retrouver en tête à tête - puisqu'ils étaient les seuls passagers à bord et l'équipage- avec Tåvie. Mais, son ventre gargouilla. La faim était plus forte.

ORPHÉE & TÅVIE ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant