Chap 23. Jouons

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Jouons, murmurait la petite voix de la princesse plantée dans son esprit.

Orphée voyait flou, il avait la boule au ventre. En sortant des coulisses, il aperçu entre deux planches de bois, une foule de nobles qui entourait Borromee et Fharazad qui partaient lentement de l'opéra. Borromee avait glissé sa main sur la taille de la géante. Ils étaient dans une bulle d'amour et d'absolument aucune aide.

Nom d'un guéridon à trois pieds ! Il devait absolument retrouver Tåvie. En espérant qu'elle n'avait pas déjà fui ce lieu infesté de monde. Elle n'était pas vraiment à sa place entre tout ces visages enfarinés.

Toujours sous le rôle de Pantoma, Orphée se glissa dans le salon du Soleil, la tête battant comme un coeur, les paupières lourdes, la nausée lui titillant la gorge.

Jouons...joli garçon.

Il frissonna, traversa la foule, les banquets, les rires acerbes et les critiques offertes sur un plateau d'argent pour essayer destituer Borromee de son piédestal. Orphée n'avait pas le temps pour ça. Dans une heure il serait bon pour l'asile, à jamais perdu. Après tout ce qu'il avait enduré, il était hors de question de terminer ses jours ainsi.

Finalement, après quelques secondes à tourner en rond dans les parfums de gâteaux et de champagne, Orphée trouva Tåvie dans un coin du salon, grande, mince dans son uniforme d'intendante, le visage impassible et son regard gris coupant comme une feuille de papier. Des hommes en redingote étaient en train de l'assaillir de questions avec véhémence.

  - Pourquoi l'impôt sur la possession d'un balcon est plus élevé que celui d'une porte-fenêtres ?

  - Vingt lettres et pas une réponse au sujet de mon troupeau de bisons au nord de l'arche !

  - La famine approche ! Et les Dragons alors ? Ils jouent aux échecs ?

Orphée n'y fit plus attention, avec sa taille il s'approcha délicatement du groupe. Sa tête pulsait, le sol tanguait.

Oh oui... jouons ensemble !

Argh ! Il devait faire vite. Tåvie leva alors son regard vers la grande bonne qui venait d'arriver. Elle le fixa sans siller, posa son verre de cocktail qu'elle n'avait pas touché sur une table et indiqua platement.

  - Si vous avez d'autres questions, veuillez les adresser à mon secrétaire qui vous placera un rendez-vous dans les prochains mois.

Les nobles restèrent sans voix, bouche bée, alors que Tåvie traversait, raide, le salon, Orphée sur ses talons. Elle avait compris qu'il avait besoin d'un coup de main. Tant mieux, parce que le temps courrait.

Au moment où Tåvie s'apprêtait à sortir pour rejoindre le hall, un gaillard qui devait faire deux fois la carrure d'Orphée, donna un coup d'épaule dans celle de l'Intendante. Elle trébucha légèrement en arrière.

  - Petite sœur, tu t'enfuies déjà ?

Orphée reconnu le grand frère, Godefroy, qui lui avait fait un clin d'oeil un peu plus tôt.

  - Tu la connais. Persifla Freyja qui arriva derrière lui.

  - Effectivement. Trancha Tåvie.

Ce n'était pas le moment d'une réunion de famille. Orphée se cala contre une commode pour éviter de chavirer vers l'arrière.

Allez, jouons... jouons pour toujours, murmurait la petite voix enfantine contre ses tempes.

  - Cela fait quand même quinze ans qu'on ne s'est pas vu ! S'exclama Godefroy avec un grand sourire.

  - Seize ans et ça ne m'a pas manqué. Fit Freyja dégoutée.

ORPHÉE & TÅVIE ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant