Mr。Jung [HM]

18

//Flashback//

« Cher Journal,

Je déteste cette expression, « Cher journal ». Elle me fait me sentir encore plus seul que je ne le suis déjà.

À quel moment ma vie a basculé au point que j'ai besoin de me confier à un vulgaire bout de papier ?

En fait je peux répondre à cette question : c'était il y a un an, trois mois, et dix-sept jours. Ce fameux jour.

Tu te demandes de quel jour je parle ? Attends, je vais te le dire.

Tu n'es là que pour ça de toute façon, Journal.

J'étais en première, j'avais seize ans. Je me souviens parfaitement de ce jour. C'était une soirée de printemps.
Il faisait beau. Il faisait chaud.
Et un gars de mon bahut organisait une soirée chez lui.
Je me souviens qu'un de mes « amis » de l'époque avait réussi à me convaincre d'y aller. Je n'aurais pas dû.

Dans un premier temps, la soirée se déroulait plutôt bien.
On dansait. On riait. On buvait.
Une soirée normale en somme.

Et puis je l'ai vu. Lui. Ce mec.
Il était beau, souriant, charmeur.
Il riait avec ses potes. Nos regards se sont croisés.

Et tout a débuté.

Il est venu m'aborder. On a discuté. On a dansé. On s'est embrassé. Et, l'alcool aidant, on a couché ensemble.
C'était ma première fois, et je l'ai faite bourré dans la chambre d'amis d'un mec que je ne connaissais même pas.
Mais à l'époque je m'en foutais.
Ce mec et moi, on s'est revu.
On s'est fait des resto, des ciné... On a commencé à sortir ensemble quoi. Et j'étais heureux. Rends-toi bien compte, Journal, c'était mon tout premier mec. J'avais bien eu une copine ou deux avant, mais elles n'avaient en réalité servi qu'à me confirmer ce que je savais déjà : je suis homosexuel.
Enfin bref, au début c'était le pied. Nos potes nous appelaient « couple goal ». Et c'est vrai qu'on était cute. Il était en terminal, on n'avait donc aucun cours en commun, mais on se voyait pendant les pauses et à la cantine le midi. On nous avait même baptisé « le couple gay le plus mignon de l'école », mais il faut dire aussi que nous étions bien le seul.
Et moi je m'attachais. Et lui aussi.
Enfin c'est ce que je pensais.

Apres deux mois ensemble, les choses bizarres ont commencé. Au départ ce n'étaient que des sms, détail auquel je ne faisait pas attention avant, mais qui a fini par me frapper. Il ne voulait jamais que je touche à son téléphone, sortant des excuses bidons telles que « non mais je n'ai plus de batterie » ou encore « non mais je fais une mise à jour il ne faut pas y toucher ». Je n'ai jamais vu quelqu'un faire autant de mises à jour sur son téléphone. Mais, personne n'étant infaillible, il lui arrivait de ne pas faire attention et j'apercevais des messages qu'il recevait. Souvent des messages de type « tu me manques » ou « hâte de te revoir ». Des messages pas graves en soit, ça aurait pu être sa grand-mère ou un ami d'enfance qui les lui envoyait. Mais leur nombre était quand même plutôt intrigant. J'ai fini par lui poser la question, il eut l'air surpris mais s'empressa de me rassurer en disant que ce n'était rien et que c'était juste sa soeur faisant ses études à l'étranger qui les lui envoyait. Mouais.

Puis est arrivé un autre stade, le moment où il annulait nos sorties à la dernière minutes, ou qu'il refusait simplement de me voir, pour un soit-disant gros devoir ou encore un ami qui avait soudainement besoin de son aide. Au début j'ai accepté. Puis j'en ai eu marre. Alors après un énième refus, je décidai de le suivre. Et ce que je craignais se produisit : il rejoignit une femme, magnifiquement apprêtée, magnifique tout cours d'ailleurs, devant un restaurant dans lequel il m'avait également emmené. Je suis resté peut-être une heure à les observer. Ils étaient assis à une table près de la devanture. Ils discutaient, riaient. Il lui prit même la main à un moment. S'en fut trop pour moi. Je me retournai et rentrai chez moi, le coeur lourd. Le lendemain je l'attendis devant le lycée et à peine était-il arrivé devant les grilles que je l'interrogeai accusateur. Encore une fois, il démentit, me disant que ce n'était qu'une amie qu'il n'avait pas vu depuis longtemps et qui était de passage à Gwangju. Et, idiot que je suis, je le cru. Et il recommença. Une fois, deux fois, trois fois... Et je le croyais.
Mais ça encore ce n'était rien.