60 jours en mer - on est tous dans le même bateau

Jour 5

J'ai peur des responsabilités. J'ai peur de mal faire. Je ne comprends pas pourquoi Élouan et Snoo me font autant confiance, alors que moi, j'ai envie de leur demander à chaque nœud que je fais si c'est bon, si je ne me suis pas trompée. Julien est un peu comme moi, je ne le sens pas très à l'aise, en plus, il ressent encore les effets du mal de mer par moment. C'est peut-être méchant de ma part, mais ça me rassure. Je n'ai jamais eu une grande confiance en moi, mais là, même si je ne me sens pas complètement livrée à moi-même, même si je sais que les autres membres du groupe sont là pour m'épauler et m'aider, je me sens si faible. Je n'ai ni leur force physique, ni leur force de caractère ; je n'ai ni leur courage, ni capacité pour apprendre si vite. J'ai l'impression que je ralenti tous leur mouvements, pourtant, inlassablement, ils prennent sur leur temps, ils m'expliquent, chacun leur tour, ils décomposent les mouvements des nœuds, décrivent l'utilité de chaque élément du bateau. Je les trouve très pédagogues, très attentionnés à mon égard ; j'aimerai tellement pouvoir retenir plus de choses, apprendre plus rapidement, pourvoir mieux anticiper, pouvoir prendre quelques initiatives ; être sûre de moi... Snoo a beau me dire que ça va venir, que c'est normal, que tout le monde a été débutant un jour, je déteste être la plus nulle, être un boulet. Et, même si je les crois sincères, les mots d'Élouan m'ont chamboulés quand il m'a dit : « Ici, on vit sans juger, alors vas-y, fait comme tu le sens. », j'ai beau le savoir, je me sens sans cesse observée et jugé. J'ai l'impression qu'à un moment, ils vont en avoir assez de ma médiocrité, qu'ils vont avoir passés le stade des moqueries et qu'ils vont me ramener à terre. 
Je suis épuisée. Cela fait huit que nous nous connaissons, seulement cinq jours que nous sommes partis, mais déjà mes mains sont meurtries par le chanvre des cordes, je ressens la fatigue, et les courbatures sur l'intégralité de mon corps.