60 jours en mer - on est tous dans le même bateau

Jour 38

Chaque centimètre carré de ma peau est gelée. J'ai peur de m'endormir et de me réveiller toute bleue. Je continue de sourire devant les autres, mais en vrai, avec ce froid, le manque de sommeil qui s'accumule, cette humidité, et ce temps gris qui ne semble jamais se lever, j'ai juste envie de pleurer. Je pense que je n'ai jamais autant haïs la pluie! Le soleil est une illusion et la chaleur quelque chose qui ne semble plus exister. J'ai les doigts complètement goures ; j'arrive à peine à tenir mon stylo et écrire ; faire un nœud serré pour ficeler les voiles devient un exploit que je ne réussis qu'après moult tentatives. Je pense que si je suivais le bateau à la nage, je serais moins mouillée...et j'aurais moins froid! Je n'aime pas savoir que je me plains. Je n'aime pas penser que, peut-être, je me suis trompée, que je ne suis pas aussi forte que ce que je pensais, que ce que j'espérais. Je ne m'aime pas quand je me sens faible, abattue, le moral dans les chaussettes et transi de froid. Je me déteste dans ces moments-là. Je me hais. J'ai la chance de vivre quelque chose de fou, une expérience enrichissante à tous points de vue et je trouve encore le moyen de me plaindre sous prétexte que j'ai un peu froid, que la météo n'est pas bonne... mais P***** je suis en vie, je VIS!! Il faut que je profite de chaque instants qu'il m'est donné ; que j'embrasse la vie, la mer, mes compagnons de galère, que je mesure la chance que j'ai de pouvoir être là, de pouvoir vivre ça! Alors, oui, ok, c'est dur, mais ça, je le savais en embarquant dans ce bateau ; en choisissant une vie d'aventure, on sait que l'on s'engage à des moments de galères, mais cela nous fera à tous de bons souvenirs par la suite, même si ceux à qui nous les raconteront ne pourront jamais imaginer ce que sont ce genre d'intempéries et ne connaîtrons probablement jamais un tel froid transperçant.