Jour 1

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5h40. Ça y est, j'y suis. Ce sont mes derniers pas sur la terre ferme avant longtemps. Ça y est, le bateau est là, je vais y monter et ne plus en descendre. Je m'en vais. Vous pouvez penser que je fuis, vous pouvez me juger autant que vous le souhaitez, vous pouvez dire que je suis folle, inconsciente, irresponsable, trouillarde, et tout ce que vous voulez, vos remarques ne m'atteindront pas. Je pars. Je pars loin. Je m'en vais. Je vous laisse. Le stress n'est pas là, juste l'excitation; l'envie de découvrir.

Nous levons l'ancre à 5h50. Nous sommes dans les temps. L'aventure peut débuter. Tout le monde est sur le pont. Élouan et Snorri nous dirigent. Difficile de savoir lequel des deux est capitaine, la notion de hiérarchie n'existe pas pour ces deux lascars. Ils se comprennent d'un seul regard. Je n'ai pas compris vraiment depuis combien de temps ils se connaissaient, mais une chose est sûre, la connivence entre ces deux-là est palpable. Amalric parle peu. Il a déjà fait des expéditions en solitaire. Il aime voyager, mais ne parle pas de ses voyages, je sais juste qu'il n'a pas vraiment de « chez-lui », qu'il n'a pas d'attache à un lieu ou une région en particulier, qu'il est toujours sur la route ou sur l'eau. C'est dur de parler avec lui je trouve, il ne répond que par monosyllabes, mais ce n'est que le début, peut-être est-il seulement timide, peut-être qu'il se livrera plus un peu plus tard dans le séjour. Julien quant à lui est un vrai moulin à parole, surtout quand il est stressé alors avec le départ... c'était quasi insupportable. Il posait mille questions à la minute, il voulait tellement bien faire... J'ai cru que Snorri allait péter un câble, mais non, il a répondu calmement à chacune de ses questions de façon très précise, et avec un sourire. Ça m'a arrangé quand même que Julien pose toutes ces questions, j'ai pu profiter des réponses et apprendre à baisser la grande voile. Pour ce qui est de la barre, Élouan ne nous laisse pas encore y toucher et c'est tant mieux, je ne me sens pas encore prête à cette responsabilité. Shan a une souplesse d'enfer!! J'ai réellement été impressionnée quand je l'ai vu se faufiler entre les cordes puis grimper au mat pour aller défaire un nœud. Cette première journée a été incroyable. Je ne réalise pas encore que je ne rentrerai pas au port ce soir... C'est une sensation étrange. 

60 jours en mer - on est tous dans le même bateauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant