21. PERTES ET FRACAS

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Ses yeux s'ouvrirent avec difficulté. Et le premier visage qu'il vit, penché au-dessus du sien, fut celui de sa mère. C'était le visage d'une mère inquiète, les yeux rougis par les larmes, le regard paniqué et plein d'attente. Dans sa bouche, un goût de sang qu'il n'arrivait pas à chasser. Jesse porta une main à sa tête. Elle lui faisait mal de chien. Aussitôt, les mains de sa mère entourèrent son visage et quelque chose d'humide tomba sur ses joues. Des larmes. Il n'avait jamais vu sa mère pleurer. Et à vrai dire, cela n'avait jamais été quelque chose qu'il pensait un jour voir dans sa vie. Même à l'enterrement de son grand-père, deux ans auparavant, elle n'avait pas versé une larme, malgré toute la tristesse qui l'avait alors assaillis. Madame Miller n'avait jamais été une femme très expressive. Mais aujourd'hui, c'était différent. Jesse ouvrit la bouche pour articuler un mot, mais elle le serra si fort dans ses bras qu'il n'en eut pas la force.

– Chérie... Laisse le respirer, il est réveillé, tout va bien maintenant. 

L'accident. Des images lui revinrent en tête. Mais toutes plus floues les unes que les autres. La seule qui lui semblait nette était celle de Chloé. Il voyait Chloé en larmes une dernière fois avant de sombrer. 

– Chloé... 

– Elle va bien., le rassura aussitôt Mara.

Comment pouvait-elle allait bien ? Ils avaient eu un accident. Il revoyait cette ombre sur la route. Qui n'avait pas bougé d'un cil. Est-ce qu'il avait rêvé ? Jesse se redressa avec difficulté de son lit d'hôpital. Il avait horreur des hôpitaux. Horreur de l'odeur des hôpitaux, de leurs murs trop blancs, et de l'ambiance qui y régnait en permanence. Et par-dessus tout, il se sentait coupable. Coupable devant les trois visages graves qu'il avait en face de lui.

– Je... je suis désolé. 

– Jesse, mon chéri...  

– Ce n'est pas ta faute. Vous avez eu un accident de voiture, nous attendons que Chloé aille mieux pour lui demander ce qui... a pu se passer. 

On aurait pu mourir, voilà tout. On aurait pu y passer tous les deux si elle avait roulés un peu plus vite, on aurait pu mourir si elle avait braqué à gauche dans la pente plutôt qu'à droite, on... Les maux de tête l'assaillaient de nouveau.

– Tu n'as rien de cassé, c'est un miracle. Une légère entorse au poignet droit, mais sinon... 

Par réflexe il leva ledit poignet et souffla un coup. Il ne croyait en aucun Dieu sur cette planète, mais il devait reconnaître qu'il avait eu une sacrée chance, et que quelque part, quelqu'un devait veiller sur lui. N'importe qui, mais quelqu'un de bienveillant.

– Votre amie s'est réveillée. 

Une infirmière avait fait irruption dans la chambre. Jesse jeta un rapide coup d'œil à ses parents, avant d'esquisser un mouvement pour sortir de son lit. Aussitôt son père se rua sur lui et lui intima de rester encore allongé quelques minutes. Et puis Jesse remarqua Mara, qui s'était mise en retrait dans le fond de la pièce. Elle avait cet air triste sur le visage, mais aussi celui qui voulait dire « tu devrais vraiment attendre quelques instants ». Mais pourquoi ? Ne lui avaient-ils pas dit que Chloé allait bien ? Sans un mot ses parents s'éclipsèrent de chambre quand l'infirmière leur demanda d'aller signer quelques papiers pour un retour à la maison. Mara se leva enfin de la chaise dans laquelle elle était assise pour venir poser sa main sur le bord du lit, le visage grave. C'était dans ces moments-là qu'il avait l'impression de se voir lui.

– Tu savais ? Pour Chloé ? 

– Oui. 

Elle n'avait pas eut besoin de préciser quoi. De toute évidence, elle avait découvert que Chloé était enceinte. Les médecins avaient dû s'en rendre compte, le dire à ses parents...

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