29. EFFONDREMENT

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                     Depuis la mort de Kaya, il s'était de nombreuses fois interrogé sur la mort. Comment était-ce, après ? Y avait-il au moins un après ? Kaya les voyait-elle, de là où elle était ? Toutes ces choses sur l'enfer et la paradis, est-ce qu'elles existaient au moins ? Où l'homme avait juste t-il inventé ça pour se faire peur, et se motiver à rester bon ? À présent, Jesse s'interrogeait aussi sur les gens capables du pire. Qui pouvait être assez tordu pour coller une balle à une gamine qui n'avait même pas vingt ans ? Qui pouvait avoir le courage d'appuyer sur la détente ? De ne pas baisser les yeux au dernier moment ? De brandir un flingue face à elle, et de tirer ? Quel genre de tordu faisait ça ?

Il y avait un millier de choses sur lesquelles Jesse Miller s'interrogeait chaque jour. Mais celles-ci étaient celles qui revenaient les plus souvent.

– À quoi tu penses ?

En face de lui, Elliot avait l'air tout aussi pensif. Depuis ce jour où il était allé le voir à l'hôpital avec Mara, Jesse avait du mal à le regarder comme avant. En fait, il avait du mal à regarder tous ses amis comme avant. Il devenait comme sa sœur, paranoïaque. Il voyait le tueur partout. Il le voyait à chaque coin de rue, dans chaque bar devant lequel il passait. Il l'imaginait, rigolant de voir une bande de gamins complètement perdus se dissoudre peu à peu. Il imaginait cette personne qui les torturait avec ses mots, ses messages terrifiants, en train d'imaginer son prochain coup. Il imaginait cette personne, planquée derrière un buisson sur l'île quand il n'était qu'avec Wesley. Cette personne qui savait des choses sur lui que ses propres amis ignoraient.

– À nos prochains examens, répondit-il.

– Déjà ? Tu es en avance dit donc...

Elliot haussa les épaules et se replongea dans le livre qu'il lisait depuis au moins dix minutes. À l'autre bout de leur table, dans ce café qu'ils aimaient tant, Jules lui lança un regard un peu perplexe.

– Vous avez des nouvelles d'Iris et Wesley ? C'est le silence radio depuis deux jours, et on ne peut pas dire qu'ils causent beaucoup au lycée... s'inquiéta ce dernier.

Jesse devait bien admettre que ces deux-là faisait profil bas depuis qu'il l'avait vu au cimetière. Les vacances de Noël approchaient à grands pas et cette année, Jesse avait le pressentiment que les fêtes n'allaient pas être comme d'habitude. 

Leur groupe était éclaté. Il avait fini par l'admettre. Iris et Wesley d'un côté. Elliot et Jules restaient soudés. Mara ne savait plus ou donner de la tête et quant à lui... Lui tentait de passer d'un groupe à l'autre, de ressouder leur bande d'amis. Mais rien n'y faisait. Mara était beaucoup trop méfiante. Elle passait le plus clair de son temps avec son petit ami. Wesley et Iris étaient sans cesse à les fuir. Et Chloé... depuis leur accident il n'était plus le bienvenu chez elle, et entre eux... Plus rien n'était comme avant. 

Ils quittèrent le café et sur le chemin du retour, sur une idée d'Elliot, décidèrent de passer devant le cimetière. Lui aussi n'y avait pas vraiment remis les pieds depuis l'enterrement.

– Je me sens coupable vous savez. J'aurais dû venir ici genre, il y a des semaines. Mais je crois que j'avais peur.

– Moi aussi mec, répondit Jules.

Jesse ne répondit pas. Ils arrivèrent devant le portail, saluèrent une famille en noir qui venait sans doute de dire adieu à l'un des leurs. Quand ils furent seuls, ils s'avancèrent vers l'allée où ils avaient enterré Kaya il y a quelques mois. Et ce fut là qu'ils l'entendirent. Un hurlement. Jesse sursauta et avant même qu'il ne puisse dire quoique se soit, Jules s'était déjà élancé vers la provenance du cri. Il s'élança à sa poursuite et Elliot l'imita, malgré les interdictions formelles de sa mère de faire quelques efforts intensifs. Il dérapa dans les allées caillouteuses et boueuses du cimetière et continua sa course. Holly était là, planté devant la tombe de Kaya, une main plaquée sur sa joue, l'air horrifié. En les entendant, elle se retourna, les yeux grands ouverts. Ses cheveux roux, habituellement toujours bien coiffé tombaient en cascade sur ses épaules, et donnaient l'impression de ne pas avoir vu une brosse depuis plusieurs jours. 

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