36. EXPLICATIONS

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Wesley ne lui avait laissé aucune autre indication. Tu sais où nous pouvons nous retrouver. Jesse avait d'abord pensé au bateau pirate, avant de se souvenir que non, cet endroit n'était plus sûr. Au début il n'avait pas réellement compris. Et puis cela lui était revenu, au milieu de la nuit. Cet endroit en dehors de leur quartier. Ce cinéma qui avait signé la fin de leur petite aventure, mais aussi de leur véritable amitié. Depuis ils n'avaient été que deux inconnus l'un pour l'autre, incapable de faire machine arrière et de nouveau se sourire comme deux vrais amis. Wesley lui avait donné rendez-vous dans ce cinéma. Il n'y avait pas remis les pieds depuis août dernier. 

* * *

Le lendemain donc, Jesse était nerveux. Il se trouvait dans la petite salle d'attente du cinéma. Il attendit Wesley une petite demi-heure sans s'affoler. Mais quant au bout d'une heure ce dernier n'arriva toujours pas, il sentit appréhension monter. La peur et la colère aussi. À quoi jouait-il ? S'était-il trompé d'endroit de rendez-vous ? Lui était-il arrivé quelque chose ? S'était-il encore foutu de lui ? Avait-il eu raison de le croire ? Il s'apprêtait à se lever quand une voix s'éleva derrière lui. Une voix reconnaissable entre mille.

– Désolé pour le retard, j'ai dû prendre quelques précautions.

Son cœur cessa de battre à tout rompre : il était finalement venue. Jesse plissa les yeux et finit par hausser les épaules, l'air de rien. 

– Avoue, tu croyais que je n'allais pas venir.

– Oui., souffla-t-il.

– Mmh, au moins, t'es honnête.

– Je l'ai toujours été.

Et toc. Lui ne pouvait pas se targuer du même exploit. Wesley fronça les sourcils et lui fit signe de le suivre, deux tickets de cinéma en main.

– On va sérieusement voir un film ?

– Pas vraiment. On va parler, et j'ai besoin d'un endroit calme. 

Il le suivit en silence. La salle était en effet vide. Ils restèrent silencieux jusqu'à que les bandes-annonces défilent sous les yeux. Personne d'autre ne posa les pieds dans la salle. Et Wesley gardait les yeux rivés sur l'unique porte d'entrée et de secours. Il guettait quelqu'un. 

– Ok, c'est bon, on est tout seul...

– Wesley, explique-moi... Hier, au lycée, tu m'as dit que tu ne pouvais plus me parler...

– Oui. Écoute Jesse... Je suis dans la merde. Depuis des mois.

– Comme nous tous.

– Non, pas comme vous tous. Crois-moi. 

Jesse leva un sourcil. En face de lui, Wesley continuait de temps en temps à guetter la porte tout en bas de la salle. Il était tendu, ses sens en alerte. Et puis, soudain, il se tourna vers lui et attrapa sa main. Avec l'obscurité qui régnait dans la salle, il ne put voir ses joues rosir aussitôt. Son cœur fit un bond, et Jesse tenta de se dégager, mais Wesley resserra son emprise.

– Je parle pas de petits mots stupides distribués dans les casiers du lycée Jesse. Il y a quelqu'un qui m'espionne jour et nuit. Qui sait ce que je fais à chaque heure de la journée. Ce que mange, ce que je bois, où je vais, qui je fréquente... Qui sait tout. Quelqu'un qui sait tout pour nous tous.

Jesse hocha lentement de la tête. Il savait déjà. Cependant, il avait fait une grossière erreur depuis le départ : il avait imaginé que tous les sept étaient visés de la même manière. Et qu'avec le temps, il était devenu la proie favorite de la personne derrière les mots, les poèmes, les photos. Il se trompait.

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