SEVEN

30. UN COUPABLE

                Jesse n'avait jamais pédalé aussi rapidement. Le commissariat. Iris était au commissariat, et elle s'apprêtait à se rendre. À tout avouer. Dans sa tête, tout se bousculait. Il était confus, en colère, et surtout : angoissé. Pourquoi maintenant ? Après tout ce temps ? Pourquoi Iris, oui, pourquoi elle ? Cela ne pouvait être vrai. Il devait cauchemarder. Voilà, il devait se réveiller, maintenant.

Et le réveil fut brutal. La roue avant de son vélo heurta quelque chose au sol qu'il ne notifia que bien trop tard. Avec l'élan qu'il avait accumulé sur les derniers mètres, il passa par-dessus son guidon et s'étala un bon mètre plus loin, sur la pelouse du jardin qu'il était en train de longer. Complètement sonné, il resta au sol de longues minutes, les yeux rivés vers le ciel toujours aussi gris. Un nuage en forme de cœur passa au-dessus de sa tête, et il se sentit bête l'espace d'un instant de penser à ça.

– Mon garçon, est-ce que ça va ?

La propriétaire du jardin dans lequel il avait atterri, une petite femme aux formes plutôt rondes, s'avançait vers lui, un air inquiète sur le visage. Il ne répondit pas immédiatement, la bouche soudain très pâteuse. Les yeux de la petite femme s'étaient agrandi lorsqu'elle se pencha vers lui, et elle lui tendit une petite main potelée, un air désolé sur le visage. Il la refusa poliment et se redressa, restant assis encore quelques secondes. Sa tête lui faisait mal, mais ce n'était rien en comparaison à ses paumes qui avaient amorti le choc plutôt rude de sa chute. Il y jeta un coup d'œil, et vit qu'elles étaient rougis, rappées par le sol qu'il avait heurté. Quelques traces qui partiraient dans quelques jours. Il avait d'autres soucis à régler.

– Iris... murmura-t-il d'une voix faible.

– Est-ce que tu es sûr que ça va ? reprit la dame, un air concerné sur le visage.Il n'avait pas répondu à sa précédente question. Il secoua la tête et se releva tant bien que mal, cherchant son vélo des yeux. Il n'était pas bien loin, et visiblement, toujours entier.

– Merci euh...

Elle le regarda se diriger vers son vélo, et l'enfourner de nouveau.

– Je vais très bien, pardon d'avoir...

Retourné un petit bout de votre pelouse, pensa-t-il.

– Pour la pelouse, finit-il dans un murmure avant de se remettre à pédaler.La femme le regarda s'éloigner, les sourcils levés, mais ne sachant que répondre. 

Quelques mètres plus loin Jesse réalisa qu'il venait de piétiner la pelouse d'une des anciennes maîtresses d'école. Une femme qui l'avait vu grandir pendant des années, qu'il croisait pourtant tous les jours, et qu'il n'avait même pas pu reconnaître aujourd'hui tant son stress était grand. 

          Son vélo dérapa devant le commissariat et Jesse ne prit pas la peine de l'attacher avant de pousser les portes du bâtiment. Il se souvenait bien d'une fois où il s'y était rendu avec Wesley, deux ans auparavant, après que ce dernier se soit battu un peu violemment avec un autre garçon. Le lieu n'avait pas changé, les visages non plus. Il chercha son amie des yeux, essoufflé. Où pouvait-elle être ? L'homme à l'accueil lui jeta un drôle de regard et Jesse se sentit obligé d'avancer vers lui, conscient que son arrivée fracassante avait attiré tous les regards.

– Je peux vous aider peut-être ?

– Oui je...

Il tourna la tête, cherchant désespérément Iris des yeux.

– Cherche une amie.

– Depuis combien de temps a-t-elle disparu ?

– Non je euh... Elle est venue ici, je devais la rejoindre et...