20. UTOPIE

114 16 4
                                    

Warren le dévisageait, bouche bée. Anxieux, tout comme lui, il avait fourré les mains dans ses poches et se mordillait la lèvre inférieure. 

– Il où elle ne t'a jamais vraiment recontacté, hein ? 

Écoute Jesse, je sais que toi et moi nous sommes partis du mauvais pied mais... est-ce que tu pourrais me croire sur ce coup-là ? 

Jesse haussa les épaules. Il voulait le croire, de tout son cœur. Mais comme sa sœur ces derniers temps, il se mettait à voir le mal partout. Il n'avait pas répondu aux messages de Chloé, ni à ceux de Wesley. Il avait décliné une sortis avec Jules et son père au stand de tir de la région. Il avait rembarré Elliot pour leur exposé en géographie... Il se retirait peu à peu dans sa bulle. Et maintenant, il en venait à s'imaginer des films improbables : et si Warren était de mèche ? Et s'il n'avait pas arrêté de collaborer avec cette personne ? Et si, et si... c'était les « et si » qui le rongeaient peu à peu.

– Je tiens vraiment à ta sœur, tu sais et euh... je sais que tu ne l'as pas super bien pris mais... 

– Ah ouais ? C'est elle qui t'a raconté ça ? 

– Oui. 

– Pfft. 

Il n'arrivait même plus à être en colère. Non, je suis juste effrayé, pensa-t-il. Il était effrayé au point de se faire des films sur ses propres meilleurs amis. Et puis, dans sa tête, la voix d'Elliot résonnait en lui disant que c'était exactement ce que voulait cette personne. Les liguer les uns contre les autres. Qu'aucun d'entre eux n'avait pu tuer Kaya Benneth. Que les mots, les photos, tout le reste n'était qu'un jeu pour le véritable tueur. Qui lui, devait s'amuser et dormir sur ses deux oreilles. 

– Bon, écoute, tu sais que si je peux faire quelque chose pour vous aider, je n'hésiterais pas. Vraiment. 

– Tu sais quoi ? J'ai beau ne pas t'apprécier, je n'éprouve pas non plus l'envie de te mêler à cette merde. 

Parler aussi sèchement ne lui ressemblait pas. Mais de toute façon, ces derniers temps, Jesse se perdait lui-même. En face de lui Warren lâcha un léger soupire, presque d'agacement. Sans dire un mot de plus, Jesse tourna les talons. Il se doutait bien que le garçon irait rapporter leur discussion à sa sœur. Et qu'elle allait venir lui en toucher deux mots dans la soirée. 



À son grand étonnement, ce soir-là, sa sœur ne vint pas. D'ailleurs elle se comporta tout à fait normalement pour quelqu'un qui psychotait à l'idée qu'un tueur ne s'introduise chez eux. 

La sonnerie de son portable le fit émerger au milieu de la nuit. Les yeux lourds de sommeil, il se redressa dans son lit et déverrouilla son portable, s'y reprenant à deux fois pour taper le code. Chloé. Encore. Comme d'habitude il lut son message sans y répondre. « Jesse, je sais que tu m'en veux énormément, mais s'il te plaît, j'ai besoin de toi. C'est urgent. Mes parents ne pourraient pas comprendre. » Cette fois-ci son regard resta bloqué sur le message de son amie. Il hésitait à répondre. Juste pour cette fois. Juste pour se libérer d'un poids. Même si la colère, la jalousie et la peine étaient toujours là. Même s'il était quatre heures et demie du matin. Que diable Chloé pouvait-elle faire encore debout à cette heure-là ? Et qu'avait-elle de si urgent à lui demander ? « Dis-moi tout. » Pas de smileys, rien. Un message impersonnel au possible qui ne lui ressemblait pas. Elle avait dû rester pendu à l'autre bout du fil, car aussitôt apparut en bas de son écran l'animation pour signifier qu'elle tapait sa réponse. « Je n'ai rien dis à mes parents. J'ai peur. » Oui, et ? Il attendait la suite. Car une suite, il y en avait une. « J'ai pris un rendez-vous à l'hôpital demain. J'ai besoin de quelqu'un pour m'y conduire. S'il te plaît. » C'était donc ça. Maintenant il allait carrément se transformer en aide à domicile pour la fille que Wesley avait mise en cloque .

SEVENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant