K.O

Prologue

— Putain, Kriss, qu'est-ce que t'as encore foutu ?

Sa voix gutturale la remplit de frissons. Elle attendit le coup qui allait de nouveau sévir sur elle. Ses muscles lui faisaient si mal. Chacun de ses membres lui brûlait comme de l'acide. Mais elle n'osa pas regarder les dégâts. Comme d'habitude.

Mais à quoi bon ?

— Tu ne me donnes pas le choix, chérie. Regarde ce que tu me fais faire.

Clyde murmura à son oreille et soudain, son poing se fracassa sur ses côtes. Ses os grondèrent, déraillèrent et à la seconde où elle échappa un gémissement, la douleur retentit. Elle explosa en elle à tel point que son âme se fractura, comme si tout implosait dans son esprit, comme si on avait arraché son cœur jusqu'à l'agonie. Sa volonté venait d'être bousillée et tachée de sang. Elle avait beau se débattre et hurlait, les griffes de son tortionnaire se refermèrent sur elle. 

Non, pitié, hurlait-elle dans sa tête comme une bombe à retardement.

— Regarde-moi.

Ses larmes n'avaient déjà plus le même parfum qu'il y a deux minutes. Il y a deux minutes, elle y croyait encore. Désormais, c'était des larmes de faiblesse, de dépit, de honte qui coulait le long de ses joues. Il lui avait promis, il lui avait dit qu'il arrêterait en la regardant droit dans les yeux, avec ses billes bleues comme les océans qui la mettaient chaque fois dans tous ses états.

— Regarde-moi !

Avec le peu de force qui lui resta, elle leva son innocent regard gris, rempli de tâches saphir et pourchassé de long cils blonds vers lui. Elle respirait la peur.

Clyde lui caressa les cheveux qu'il tenait comme un maniaque.

— C'est pour te protéger que je fais ça, Kriss. Tu sais combien tout le monde te veut, marmonna-t-il, les senteurs de l'alcool montant jusqu'à elle. 

Du coin de l'œil, à travers ses larmes, elle le vit prendre une bouteille de bière à demi ébréchée, encore dégoulinante. Clyde approcha, de son autre main, la touffe blonde polaire de ses cheveux vers son nez. Il inspira avec plaisir son parfum si doux.

— Si tu restes avec moi, tout ira bien, susurra-t-il. Maintenant, ferme les yeux, beauté, laisse-toi faire...

Le cœur de la jeune fille se fendit en deux, elle laissa échapper un sanglot. Elle n'avait plus personne en qui espérer ou en qui croire. Clyde lui avait tout pris. De son cœur à sa confiance, il ne restait plus qu'une chrysalide vide et anéantie, rongée par la peur.

Clyde releva la bouteille un peu plus haut dans l'air. Mais, Kriss murmura d'une voix désincarnée :

— J-Je t'en pris...

Le mac hulula pour la rassurer.

— Chut, chérie... Il le faut. Tu dois juste comprendre que c'est pour toi que je fais ça.

Elle serra alors les dents, les poings serrés. Elle savait que ça allait faire mal. Bien plus mal que tout ce qu'elle avait déjà dû endurer. Pourtant, au moment où Clyde abattit la bouteille dans sa direction, elle sut qu'une douleur bien plus grande surviendra. Une douleur étrangement douce qui lui brûlera le cœur tout entier.