Chapitre 21 : Chance

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Quand Meg vint nous réveiller, quatre paires d'œil nous épiaient, l'air altéré. Bizarrement, personne ne m'avait reproché ce qu'on m'avait interdit depuis des jours. Gab s'était contenté de converser à voix basse avec Meg. Andrew fixait Priam comme seul un garde de corps pouvait le faire et Kate feignait de feuilleter un magasine pour m'observer du coin de l'œil. Mais, ce geste n'était pas complètement méprisant, il y avait une espèce de curiosité désarmante dans son regard qui ne m'empêcha pas malgré tout de l'imaginer dans le lit de Priam.

Au contraire de Kate, Gabriel ne masquait pas son animosité. Si ses yeux pouvaient lancer des balles à tout rompre, je serais certainement déjà à terre.

— Viens, il faut qu'on parle.

J'étais sortie du lit sans réveiller Priam qui somnolait encore dans un cocon de draps. Son visage était à peine visible, il dormait à point fermé - ce qui était légèrement étonnant pour un insomniaque. C'était notre première nuit ensemble... Il était vrai que ce n'était pas dans la plus idyllique des situations mais ce fut réconfortant à un point inimaginable. Pendant ces heures, mes soupçons s'étaient confirmés : Priam faisait fuir toutes mes peurs ; tout ce que je ressentais dans ses bras n'était qu'un feu d'artifices de sentiments. Chaque éclat était rempli de sérénité et m'empêtrait un peu plus chaque seconde dans un monde où la violence n'existait plus.

Gabriel partit sans me laisser le temps, ni le choix visiblement. Meg et Andrew me jetèrent une œillade, l'air de dire qu'ils s'occupaient du boxeur. L'idée de laisser Kate avec lui une nouvelle fois me contrariait mais je me résolus à faire taire ma jalousie. Pour la première fois, j'allais peut-être enfin avoir l'opportunité de rendre mes comptes avec Gabriel, seul à seule. J'avais besoin de savoir pourquoi il me détestait tant, comprendre comment fonctionnait cet homme qui semblait vivre pour la réussite d'un autre. Ils n'avaient pourtant rien en commun et je ne saisissais pas comment Priam et lui pouvaient travailler ensemble alors que tout les éloignait à part leur boulot.

Je me résignai à le suivre. En passant devant la table où reposait le vase, j'échangeai un deuxième regard avec Kate, celui-ci restait furtif et me reprouva que je n'avais pas rêvé. Pas la moindre trace de pure méchanceté, juste de la curiosité. Puis, mon regard se détourna pour tomber sur plusieurs plateaux repas non entamés que je n'avais pu remarquer en pleine nuit et mon cœur se resserra davantage en comprenant qu'en plus de ne plus pratiquer le moindre effort, Priam ne se nourrissait plus.

Je sortis de la chambre et le vis m'attendre devant l'ascenseur. Son expression était indéchiffrable à tel point que je me demandais quel sort il me réservait. Dans cet état, Priam ne pouvait pas prendre de décisions, ni même me défendre devant cet individus qui semblait en tout point me détester, alors serait-il prêt à profiter de la situation pour me renvoyer du voyage ?

Nous descendîmes en silence jusqu'au hall d'entrée paré de marbre et de plafond haut. Gabriel nous amena dans une autre pièce qui ressemblait à un restaurant. Une petite dizaine de personnes bavardaient autour de viennoiseries et des serveurs savamment habillés tournaient autour pour leur assurer un service de qualité supérieure. Gab se dirigea vers une table puis, après avoir commandé pour moi et lui, il m'offrit toute son attention, ce qui ne présageait rien de bon du tout. Depuis le début de notre entreprise, il s'était retenu de me donner clairement son point de vue, aujourd'hui, je ne doutais plus de sa franchise et de son envie de me faire savoir haut et fort que j'étais le cheveu dans la soupe.

— Bon, par où commencer... (Il croisa ses doigts sur la table, comme si ce qu'il allait dire risquait de lui coûter.) Belle, je sais que tu dois penser que je ne t'apprécie pas mais ce n'est pas le cas, je m'inquiète surtout pour Priam.

Tandis que je me contentai d'un hochement de tête, il versa un peu de sucre dans son café tout chaudement apporté et avala une gorgée.

  — Je le connais depuis qu'on est gamins et jamais il ne s'est autant accroché à une femme. Ce qui me surprend le plus c'est à quel point tout s'est bousculé, il t'a vu, tu es devenue son obsession, et voilà que tu te retrouve avec nous, à nous suivre dans sa tournée. Sache qu'il a déjà fait preuve de beaucoup d'originalité pour obtenir ce qu'il veut, ce n'est pas la première fois qu'il nous surprend mais d'habitude, ses lubies durent quelques jours et il lâche l'affaire. Pourtant, tu es toujours là. C'est une nouvelle responsabilité et les responsabilités, c'est mon domaine.

K.OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant