Chapitre 2 : Étoile

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Ma main droite vint essuyer les perles qui parcouraient leur chemin sur mes joues alors que la foule hurlait à s'en briser les cordes vocales lorsqu'un nouveau boxeur entra sur le ring. Mon cœur battait à tout rompre, résonnant dans mes oreilles, faisant vibrer chacune de mes côtes avec force. J'avais les yeux rivés sur mes pieds, prête à m'effondrer, prête à tout donner pour m'évaporer loin d'ici.

— Aller ! Bouge, nom d'un chien ! Fais le tour ! se mit soudain à crier le manager derrière moi.

Je sursautai tandis qu'il exorbitait les yeux face à ma tétanisation. Mais, j'étais incapable de faire un pas devant l'autre.

Mes doigts tremblaient toujours autour de la pancarte que je serrais contre mon corps comme une vulgaire tentative pour me protéger de cette foule en délire. Je n'arrivais pas à me concentrer sur autre chose que tous ces phénomènes qui m'estropier violemment.

— Putain, mais faîte-là bouger ! s'écria encore le manager.

Mes larmes redoublèrent et je me recroquevillai sur moi-même. Pas de ça, pas d'ordre, pas encore...

L'ombre de deux géants m'immobilisèrent complètement. Un parfum fort, musqué et frais me frappa au visage. Des explosions de joie et de hurlements exultèrent avec une puissance dépassant l'entendement. Je vis des femmes pousser des cris déchirants, levant leur pancarte en tremblant des mains. La tension dans mes épaules devint presque douloureuse alors que je relevai davantage les yeux. J'implorai n'importe quel dieu pour me sortir de cette situation. Sauf que comme d'habitude, personne ne venait me sauver, personne n'arrivait à temps pour m'arracher à ce cauchemar dans lequel je flottais de façon permanente, même après ces trois-cents-cinquante-six jours. En arrivant à Brooklyn, j'avais eu droit à un nouveau départ, un nouveau moi. Sauf que rien n'avait changé. J'étais encore cette fille complètement édulcorée de toute personnalité, sans extravagance et sans qualité extraordinaire qu'on contait dans les livres. J'étais toujours cette fille qui n'avait rien à faire dans ce monde et qui restera toute sa vie le personnage abandonné d'une épopée poussiéreuse dans une minable bibliothèque. Et, cela me frappa comme une gifle retentissante alors qu'un silence mortel plomba le stade entier.

Ce silence se suivit de nouveaux regards mais des regards beaucoup trop lourds à supporter. Il n'y en avait pas seulement une dizaine mais l'intégralité des spectateurs qui m'étudiaient comme si j'étais un spécimen rare et interdit. Certaines femmes me dévisagèrent. Des hommes regardèrent mon corps de haut en bas. Puis, je distinguai Aria, toujours à sa place, au pied du ring, qui entrouvrit la bouche de stupeur. Ses yeux se dirigèrent vers une autre silhouette immobile à ma droite.

Est-ce que ce serait un mensonge si je disais que je pouvais sentir ses yeux décaper ma peau ? Ces picotements insoutenables me poussèrent à tourner la tête vers lui. Et, je les vis, ces deux perles vertes dont tout le monde parlait avec tellement d'admiration. C'était de ces yeux que toutes les femmes fantasmaient en ce moment. Je sentis mon cœur se bousculer dans ma poitrine à cause de l'écrasante passion qu'il me transmettait. Les spots de lumières qui bougeaient encore faisaient virer son regard du vert au noir, implanté de paillettes semblables à des étoiles luminescentes dans le ciel. J'eus un grand mal à m'en détacher pour observer le reste de son visage. Et étrangement, je ne l'avais pas imaginé comme ça. Des cheveux d'un brun profond bouclaient autour de son visage carré. Les boucles lui donnaient un air angélique qui contrastait fabuleusement avec son corps de titan, sûrement battit dans un bloc de granit. Ses lèvres - deux choses sur lesquelles mes orbes peinèrent à se détacher - étaient dotées d'un arc de cupidon parfait, dessiné au crayon avec une précision à couper au couteau. Tout comme le reste de son visage, elles brillaient à la lumière des projecteurs. J'admirai sans vraiment savoir pourquoi sa mâchoire forte, sa longue frange de cils charbonneux, ses pommettes hautes et lisses et sa légère barbe couvrant son menton.

K.OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant