En sortant du restaurant, l'air fut accueilli avec un plaisir presque divin. Je sentais mon sang qui palpitait dans mes joues après m'être tant concentrée.
Doggson était parti un peu plus tôt pour ne pas attirer les soupçons, promettant de me revoir et de me transmettre l'avancée de ses recherches. En échange, il ferait parvenir les miennes à la justice. Enfin... la justice qui avait désormais lâché l'affaire de Clyde. J'étais entre les mains du FBI dorénavant et je me demandais si ça devait me rassurer.
Autour de moi, les gens riaient, parlaient sans voir où ils allaient, buvaient dans les bars accotés au boulevard. Même la nuit, Boston n'en demeurait pas moins vivante. D'ailleurs, à bien y regarder, ce boulevard ne me disait strictement rien.
J'étais perdue.
La cerise sur le gâteau : je n'avais même pas mon portable. J'étais partie de la soirée comme une voleuse, sans sac à main. C'était à peine si j'avais de quoi me réchauffer dans cette robe aux volants fins et à la mousseline légère.
Désœuvrée, je me mis alors à errer dans la rue, marchant comme un fantôme encore sonnée par d'étranges nouvelles. J'essayais de faire de mon mieux pour ne pas paniquer mais mon esprit était en ébullition. Perdue, gelée, seule et de nouveau vulnérable... Que manquait-il encore ? Ah oui, évidemment.
Le temps.
Quelle heure était-il ? Combien de temps étais-je restée à discuter avec Doggson ? Notre tête à tête m'avait paru infiniment court et même si je revoyais chaque détail de notre conversation au ralenti, je n'avais aucune idée du temps écoulé. Un temps qui était peut-être bien plus long que je le ne supposais.
— Excusez-moi, dis-je en tremblant à un couple qui passait en contre-sens. Quelle heure est-il ?
Ils me regardèrent, incertains, dans ma dégaine maladroite et mon corps malingre qui frissonnait de froid.
— Une heure et demi du matin, répondit l'homme. Vous allez bien ? Vous avez besoin de quelque chose ?
Je refusai d'un signe de la tête avec un sourire d'excuse qui ressemblait davantage à une grimace. Mon Dieu. Une heure du matin ? Ça faisait deux heures que j'étais partie. Les autres devaient être fous d'inquiétude...
Alors que le garçon voulut ajouter quelque chose, je me remis à marcher sans savoir où aller. Je ne pensais qu'aux mots de Doggson, au fait que je risquais de devoir fuir ailleurs, qu'il me cherchait à nouveau et que je risquais si gros cette fois-ci que la peur me cisaillait l'estomac à cette pensée. En un an, je n'avais jamais, au grand jamais, resongé à l'idée d'être rattrapée par cet homme. Je vouais une confiance sans faille en mes protecteurs.
Ce soir, mes certitudes s'étaient transformées en lambeaux et Dieu savait comment je gérais ce genre de crise.
Ho, oui, très mal.
Déconfite et la tête fourmillante de songes, ce ne fut que quelques dizaines de minutes plus tard que je m'arrêtais dans un parc, frigorifiée. Il faisait humide pour une fois et les feuilles des arbres luisaient à la douce lumière des lampadaires bardant les bordures des petits chemins rocailleux. Il y avait peu de gens à cette heure mais ce calme était d'autant plus réconfortant. Il y régnait un silence qui me permit de réfléchir, de faire le point sur ma vie, catastrophique qui plus était.
M'asseyant sur un banc couvert de rosée, je mis ma tête entre mes bras et soupirai.
J'avais dit tout ce que je savais sur Clyde, sur tout ce qu'il me restait de lui, du moins, en répétant parfois ce que j'avais déjà confié à la police un an plus tôt. Mes dents claquaient encore en me rappelant les sensations de ces aveux... Se remémorer les pires moments - ceux qui risquaient de l'incriminer - avaient été la pire chose que j'eus dû faire. Revoir ce que je m'étais jurée de ne plus revoir, réentendre comme si c'était réel la voix grave et douloureuse d'un homme qui rythmait déjà mes cauchemars... Tout cela venait de rouvrir une brèche qui n'avait même pas encore eu le temps de cicatriser. J'avais beau imaginer pire situation, me dire que d'autres vivaient des choses bien plus horribles que moi.... Je finissais toujours par ricaner.
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K.O
RomanceBelle pourrait être la définition de la candeur et de la timidité à l'état pur. Victime d'un passé dont elle en a tiré tant de cicatrices, elle emménage à Brooklyn dans l'optique de tout recommencer à zéro. Priam Hidden, lui, est le boxeur du moment...