Chapitre 30 : Collision

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L'habituelle effervescence qui m'enivrait les soirs de match n'avait rien de très agréable ce soir-ci. Le bruit chaotique qui tambourinait contre les murs m'abrutissait le crâne, succédant migraine sur migraine. Les gens semblaient marteler le sol avec une énergie transcendante qui se répercutait jusqu'en coulisse et faisait trembler les luminaires pendus au plafond. Depuis le temps, j'étais censée être habituée à cette atmosphère pré-match, cependant, l'état de Priam éradiquait toute trace de sérénité. C'était la première fois qu'il allait concourir comme ça, à moitié shooté par les médicaments et dépourvu de toute motivation. On ne décelait dans son regard qu'un grand vide abyssale, ses traits restaient constamment tirés et contrariés, sans ajouter, l'allure étrange que prenaient ses gestes quand il devait bouger ; on dirait un robot mécanisé de A à Z. Je trouvais révoltant de laisser un homme malade se battre. Je ne connaissais pas les procédures habituelles, mais de toute évidence, on avait mis à la trappe les restrictions médicales les plus fondamentales.

J'attendais devant la machine à café où j'avais pris l'habitude de me servir un thé avant chaque début de matchs. Mes yeux restaient fixement postrés sur le liquide se déversant dans mon verre en plastique. J'étais bien à des années lumières du plaisir intime qu'il m'avait offert quelques heures plus tôt, comme si ce moment n'avait jamais existé. À mon grand désarrois, ça ne lui avait pas vraiment permis d'aller mieux, même si Gabriel continuait d'affirmer qu'il était plus calme que jamais. Je doutais sérieusement que ce soi-disant calme serait bénéfique au milieu du ring alors qu'un adversaire serait prêt à lui lancer son poing dans la figure.

Spontanément, je croisai le regard du Coach qui venait, lui aussi, se chercher un café - certainement de quoi décompresser alors qu'il avait l'air plus préoccupé que Meg et Gabriel réunis.

— Toi aussi, tu es sous-tension, hein gamine ?

Je hochai la tête tandis qu'il échappait un soupir.

— Ce môme va me rendre fou.

En sortant de sa chambre, juste avant de prendre notre vol pour Richmond, Priam avait certifié qu'il était prêt à se battre. Néanmoins, cette affirmation avait été marmonnée avec si peu d'entrain que personne n'y avait cru sur le moment. Et, c'était toujours le cas d'ailleurs.

— Il n'arrive même pas à marcher bien droit et il veut se battre ? Tu y crois, toi ?

— Je crois qu'on devrait le forcer à ne pas participer à ce match, dis-je en attrapant mon thé qui me brula la paume toute entière.

— Va lui faire entendre raison, tiens ! Il n'y a que toi qu'il écoute, de toute façon.

Je n'y croyais pas trop. Étrangement, à part Gabriel, tous étaient intimement persuadés que j'étais le remède magique pour guérir Priam, celle qui saurait lui redonner le goût de vivre quand il était au plus mal, celle qui le transformerait. Sauf, que nous l'avions vu, rien ne changeait. Il mourrait à petit feu quand les ténèbres recommençaient à le tourmenter. Je n'avais visiblement pas réussi à le sortir de sa crise cet après-midi même. J'étais inefficace.

Soudain, l'agitation se fit plus forte dans le stade, nous le remarquâmes aux vibrations qui redoublaient d'intensité autour de nous, comme si tout allait exploser d'un moment à l'autre. Mon inquiétude tripla de volume. Quant au coach, son front brillant se mit à se plisser.

Ce soir, quelque chose n'était pas comme les autres soirs. Ici, à Richmond, les gens voulaient voir du sang couler, des dents voler et surtout, de l'action. Et, pour cause, Priam affronterait MorMiller. J'étais presque sûre que l'impossibilité d'annuler à si peu d'heures d'intervalle venait du fait qu'il s'agissait d'un combat opposant deux champions mondialement connus. Les gains étaient déjà faits, je pouvais presque entendre l'argent tinter entre les mains au-dessus de moi. L'enthousiasme était effrayant. Les spectateurs avaient dû payer une fortune pour entrer, tous attendaient le moment qui ferait de ce combat, un combat légendaire, et la démesure de leurs attentes était telle que le match affichait complet.

K.OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant