Chapitre 14 : Indécise

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Quand j'entrai dans la loge de Priam, c'était différent de la première fois. Tout n'avait été que tension et attentes. Aujourd'hui, il était question d'espoirs et de sentiments. La loge était lumineuse, reflétant la couleur de mon humeur. La table était toujours ensevelie par des montagnes de lettres d'admiratrices et de fleurs. Cependant, une autre table, plus petite, soutenait un gâteau au citron et un tourne-disque.

— Ne t'avais-je pas dit que je préférais les choses authentiques ? sourit-il en suivant mon regard.

Il posa un disque sur la machine et lança la musique. Je reconnus aussitôt Creep de Radiohead. Les paroles me déroutèrent dès la première seconde où la voix de Thom York envahit la pièce. Qu'essayait-il réellement de me dire ? Pourquoi tenait-il tant à me prévenir ? Je savais qu'il me cachait quelque chose, tout le monde autour de lui laissait sous-entendre des milliers de choses même, parsemant d'indices leur sillage sans jamais dévoiler la vérité. Peut-être que ce qui m'énervait le plus demeurait l'impuissance. Alors que Priam semblait crier à l'aide, j'étais incapable d'écouter correctement son appel au secours. Moi aussi, j'étais minable et bizarre, moi aussi, je me demandais sans cesse ce que je foutais ici. Sauf, qu'on m'avait aidée à m'en sortir, on m'avait sauvée la vie. Priam était peut-être en proie à une souffrance incommensurable et je ne pouvais rien faire pour l'aider. Mais, il passait son temps à me repousser ! Il était si contradictoire que je ne réussissais pas à comprendre l'ampleur de la situation. Je n'arrivais pas à saisir ce qu'il n'allait pas alors qu'il se présentait à moi sous un angle si agréable, prêt à se battre pour moi et à acheter mon dessert préféré pour me faire plaisir. Je ne saisissais pas du tout, même.

— Vous n'avez pas oublié... dis-je en regardant le gâteau brillant et luisant à cause du nappage citron.

Nous n'en avions parlé qu'une seule fois pourtant, il avait retenu mon amour pour les sucreries. À son regard enfantin, je compris qu'il avait longuement préparé cette soirée.

— J'en connais un peu sur toi, alors, le peu que je sais, je l'utilise.

Il prit le couteau posé là à cet effet et me coupa une part. À la première bouchée, ce fut une explosion de saveurs.

— Dis-moi en plus sur toi, Belle.

— Pourquoi vous le dirais-je alors que vous refusez de vous ouvrir à moi ?

Priam fronça les sourcils et je me sentis vraiment stupide. Les mots étaient sortis tout seul mais cette frustration constante me tuait à petit feu.

— Tu as quelque chose à cacher ?

Je m'assis sur le canapé. Lentement, je secouai la tête, les yeux rivés sur mes pieds. Il n'était pas le seul à vouloir préserver ses secrets.

— Je ne voulais pas te blesser.

— Je sais. Je suis désolée, c'est de ma faute. Il n'y a pas grand-chose à dire sur moi. Ma vie n'a jamais été très palpitante.

— Je suis certain que si.

Mes doigts se crispèrent autour de mon assiette.

— Comparée à la vôtre, elle est des plus banales.

— Peut-être qu'il vaut mieux ne pas avoir grand-chose à dire, alors, soupira-t-il.

Il s'assit à côté de moi sur le sofa. Je tournai mon visage vers le sien pour jauger son expression. La fatigue avait pris possession de ses traits, il regardait le miroir en face de nous, les yeux vides, et je suivis son regard. Il me regardait moi. Moi, cette petite femme qui semblait s'effacer dans son propre reflet face à un homme si puissant et éblouissant. Cette image me bouscula de l'intérieur. Je n'avais jamais pris autant de recul sur ce que nous dégagions ensemble.

K.OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant