Chapitre 11 : Proposition

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— Qu'est-ce que vous f-faîtes ? m'écriai-je en le regardant aplatir son poing contre le bois.

— Je vais régler ce problème.

— Quoi ?

Il serra les dents et tourna son magnifique visage vers moi.

— Laisse-moi faire.

Il refrappa une seconde après la première, plus fort, et j'eus l'impression que les murs tremblèrent sous l'impact, faisant crisser les portes, tressaillir les gonds, claquer les fenêtres. Les ombres projetées par les lampes autour de nous rétrécissaient le couloir à mesure que le temps s'écoulait.

Ben prit une éternité avant d'ouvrir la porte. Il était vêtu de ce vieux pyjama ridicule que lui avait offert Eden pour Noël.

En nous voyant, Priam et moi, à deux centimètres de se frôler l'un l'autre, quelque chose passa sur son visage. Ses lèvres bougèrent, retenant une grimace dégoûtée, avant qu'il prenne une expression inquiète en me regardant.

— Qu'est-ce qui se passe ? Que fait-il...

Je m'approchai de lui.

— C-Ce n'est pas ce que tu crois, Ben, bégayai-je. Priam était sur le point de partir.

Une chaleur écrasante essaya alors de me consumer quand Priam s'avança et toucha mon bras avec le sien. Je pouvais presque sentir la fureur palpiter sous sa peau.

— Dis-moi, Ben, persifla-t-il en crachant son nom. Est-ce que tu savais que le bail de ta colocataire se termine bientôt et qu'elle n'a rien pour le renouveler ?

Ma tête s'enfonça dans mes épaules. Je voulus aussitôt m'enterrer dans un trou, loin, très loin de cette situation orageuse. Puis, je sentis une douleur dans ma poitrine. Priam venait tout juste de s'immiscer dans ma vie alors qu'on se connaissait à peine. S'il pensait pouvoir prendre le contrôle de mon existence en mettant Ben au pied du mur, il se trompait. Mes problèmes n'étaient pas les siens. J'aimais sa façon de me regarder, de me voir en tant qu'être humain mais il y avait des limites à ne pas franchir, à ne plus franchir.

— Comment ça ? hoqueta Ben en me regardant de nouveau.

— Vas-y, Belle dis-lui, ce que tu viens de me dire, siffla Priam.

Je me forçai à relever la tête, le plus dignement possible.

— Je n'ai... Je n'ai pas assez d'argent pour prolonger mon bail.

Je tentai de m'éloigner de Priam dont le contact me brûlait tout le long de la colonne vertébrale, comme un serpent se languissant de mon être avant d'en prendre la possession totale mais, il ne lâcha pas du lest. Au contraire, sa poigne se raffermit.

— Et tu comptais me le dire quand ?

— Bientôt ! Je... Écoute, Ben, ce n'est pas grave, je vais demander de l'argent à mon père. Je vais trouver une solution, je te le jure.

Il fronça les sourcils.

— Ton père ? dit-il. Ton père arrive à peine à subsister par lui-même et tu vas lui emprunter de l'argent ? (Il eut un rire amer.) On sait tous les deux que tu ne le feras jamais.

Je fermai les yeux. Il avait raison, jamais je ne pourrais faire ça. Mon père passait ses journées à nettoyer la ville de Tampa de long en large et ne gagnait même pas le strict minimum. J'aurais juste voulu y croire, croire que je pouvais faire comme lui et demander à mes parents de m'aider. Sauf que ma vie partait encore en vrille, que je n'étais pas Ben et que je me retrouverais bientôt sur le pas de ma porte à mendier de quoi manger.

K.OOù les histoires vivent. Découvrez maintenant