01. L'Oiseau de Feu

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Ivan et le loup gris, compilé sous le nom de "L'Oiselle de feu et le loup gris" par Alexandre Afanassiev en 1855.

Il était une fois le Tsar de Ledzima qui était riche de deux choses : d'abord ses trois fils, Piotr, Vassili et Ivan, ensuite un magnifique jardin planté d'espèces rarissimes comme on n'en voyait nulle part ailleurs. Parmi toutes ces plantes merveilleuses et ces arbres uniques au monde se trouvait la pièce maîtresse, un pommier dont les fruit était en or massif. Le Tsar en prenait grand soin et comptait les pommes soir et matin pour recueillir précieusement celles qui venaient à tomber.

C'est ainsi qu'il se rendit compte un beau jour que quelqu'un les lui volait. Personne ne savait comment le voleur pouvait arriver jusqu'à l'arbre merveilleux, les gardes ne quittaient jamais leur poste, les portes et les grilles restaient soigneusement closes... c'était à rien n'y comprendre. D'inquiétude, d'angoisse et à force de se poser des questions sans réponses, le Tsar finit par en perdre l'appétit et le sommeil. Un matin, n'y tenant plus, il fit appeler ses fils.

— Cela ne peut plus continuer ! A celui de vous qui attrapera le voleur, je lui laisserai la moitié du royaume de mon vivant et sa totalité à ma mort.

Les fils, donc, jurèrent d'attraper le voleur. Droit d'aînesse oblige, c'est Piotr qui fut le premier à monter la garde. Il fit soigneusement le tour du jardin, inspecta chaque coin et recoin, puis s'assit au pied de l'arbre, résolu à veiller toute la nuit. Mais le sommeil finit par le prendre et il s'endormit en se disant que s'il restait au pied de l'arbre, il sentirait approcher le voleur.

Hélas pour lui, lorsqu'il s'éveilla, une nouvelle pomme avait disparu. Face à son père qui avait accouru plein d'espoir, il dut avouer son incompréhension, sans oser préciser qu'il s'était endormi.

— J'ai veillé toute la nuit, Père ! J'ai fouillé les taillis, inspecté chaque arbre et chaque buisson, je ne comprends pas ce qui a pu se passer !

Déçu, le père décida pourtant de ne pas se laisser abattre et il demanda à son second fils, Vassili, de prendre le tour de garde pour la nuit suivante. Désireux de montrer qu'il ferait mieux que son frère, le jeune homme regarda soigneusement sous chaque recoin du jardin et lutta courageusement contre le sommeil. Malgré tout, il finit lui aussi par s'endormir sous l'arbre, en se disant qu'il sentirait bien approcher le voleur. Et, au matin, une autre pomme s'était volatilisée.

— Eh bien mon fils ? demanda le Tsar à son réveil. As-tu vu le voleur ?

— Hélas mon père, je n'ai vu personne ! Pas même une ombre ! Et pourtant la pomme n'est plus là...

En dernier recours, le Tsar se tourna donc vers son plus jeune fils, Ivan, qui prit à son tour la garde du pommier. De peur de s'endormir, il marcha sans arrêt au travers du jardin, s'aspergea le visage d'eau fraîche pour s'éveiller, s'étira et fit tout son possible pour lutter contre le sommeil. Alors que sonnait minuit, il vit apparaître dans le ciel une grande lueur enflammée, qui s'approchait du palais. C'était l'Oiseau de Feu, qui venait se percher sur le pommier pour picorer les fruits en or. Vif comme le vent, Ivan saisit l'oiseau par la queue afin de le capturer, mais les plumes le brûlèrent et il eut toutes les peines du monde à conserver sa prise. L'Oiseau de Feu se libéra et Ivan se retrouva avec une plume enflammée dans sa paume brûlée, à le regarder s'enfuir à tire-d'aile.

Au matin, il expliqua à son père le curieux spectacle qu'il avait vu dans la nuit et lui montra la plume ainsi que sa main blessée. Le Tsar fut tout heureux d'avoir enfin sa solution, d'autant que l'Oiseau de Feu ne revint jamais picorer les pommes, sans doute effrayé par sa mésaventure avec Ivan. L'appétit et le sommeil du monarque furent recouvrés, au moins pour quelques temps. Car, plus il y songeait, et plus cet oiseau merveilleux lui faisait envie. Son fils lui avait donné de bonne grâce la plume et chaque fois que le Tsar la voyait, il se disait que cela serait fabuleux de posséder un tel oiseau. Il finit donc par appeler à nouveau ses fils.

Contes pour attendre NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant