Sivko-Bourko, conte populaire russe recueilli par Alexandre Afanassiev dans son recueil Contes populaires russes, publié en 1855.
Il était une fois, dans le royaume Mechtareka, un fermier qui avait trois fils. Il était très fier des deux aînés et chantait toujours leurs louanges, mais il méprisait le cadet qu'il trouvait idiot. Ce qu'il ignorait, c'est que les deux grands frères se déchargeaient toujours de leur travail sur le plus jeune, qui faisait tout sans rien dire et supportait courageusement les moqueries et les reproches. Malgré tout ça, Ilya aimait beaucoup son père et il travaillait dur dans l'espoir d'alléger ses vieux jours.
Un soir d'hiver, le vieux fermier tomba malade et sut qu'il ne s'en relèverait pas. Alors il appela ses fils auprès de lui afin de leur donner ses dernières volontés. Les deux aînés étaient bien tristes mais Ilya, lui, était inconsolable de voir son père s'éteindre si tôt.
— Mes chers enfants, souffla le vieux fermier, je voudrais que vous fassiez quelque chose pour moi. Lorsque je serai mort, venez passer une nuit sur ma tombe chacun votre tour pour me dire adieu. Alors je pourrai partir l'esprit tranquille rejoindre votre mère.
Les trois garçons le promirent et le pauvre homme mourut peu de temps après en tenant la main de son aîné dans la sienne. Il fut beaucoup pleuré et on le mit difficilement en terre car le sol était gelé par l'hiver. La première nuit tomba vite et c'était au tour du fils aîné d'aller veiller sur la tombe tout juste creusée. Cependant il faisait très froid ce soir-là, le vent hurlait dans les arbres et il gelait à pierre fendre. Installé au coin du feu avec une galette encore chaude, il hésita et appela son cadet.
— Ilya, toi qui n'as rien à faire, va sur la tombe de notre père et veille pour moi. Je te donnerai une galette à ton retour.
Le jeune homme avait l'estomac noué par le chagrin et n'aurait jamais pu avaler une miette de galette. Il enfila ses gants et son grand manteau de fourrure, prit une lanterne, et il sortit dans la nuit glaciale pour aller veiller sur la tombe de son père. Malgré le froid, le vent et l'obscurité, il se pelotonna contre la pierre et veilla, les larmes gelées sur ses joues. Au milieu de la nuit, un loup hurla depuis les profondeurs de la forêt et la tombe se mit à briller. Ilya se redressa un peu, frigorifié sous ses fourrures, et vit le fantôme de son père qui flottait face à lui.
— Qui est là ? murmura le spectre. Est-ce toi Borav ?
— Non, père, souffla le jeune homme en claquant des dents. C'est moi, Ilya.
Le fantôme sembla devenir plus net et s'approcha de son fils pour l'observer, jusqu'à le reconnaître.
— Pourquoi ton frère n'est-il pas venu ?
— Le froid et le vent l'ont retenu près du feu avec une galette. Il m'a demandé de veiller à sa place.
Une triste plainte échappa au spectre qui se troubla un instant avant de reprendre davantage de consistance. Flottant devant son fils, il se mit à crier d'une voix retentissante, plus forte que le vent.
— Cheval brun, cheval bai, coursier sage et avisé, surgis soudain devant moi, comme sur l'herbe et la feuille des bois !
Dans un grondement de tonnerre, un cheval sortit de la forêt en galopant, ses yeux enflammés comme ceux d'un dragon. Il semblait effroyable et pourtant il s'arrêta près de la tombe comme la plus placide des montures. Le fantôme lui flatta gentiment les naseaux et se tourna vers Ilya.
— Voici le meilleur des chevaux, Sivko-Bourko. Sois juste et il te servira comme il m'a servi.
Le vent souffla soudain et le spectre disparut, en même temps que le cheval, laissant Ilya seul sur la tombe glacée alors que l'aube se levait timidement. Frigorifié, couvert de neige, le jeune homme s'en retourna chez lui où les galettes avaient toutes été mangées.
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Contes pour attendre Noël
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