Morozko, aussi intitulé Le Gel Craquant ou Le Gel au Nez Rouge, conte traditionnel russe, recueilli par Alexandre Afanassiev en 1855.
Il était une fois, dans le sud du royaume de Jordensne, une mère qui avait deux filles. La première, prénommée Iselin, lui venait d'un précédent mariage dont elle était veuve, et la seconde, qui répondait au nom de Tanja, était l'enfant de l'homme qu'elle avait épousé en secondes noces. Bien sûr, la mère aimait les deux de tout son cœur, mais la cadette était bien mieux traitée que l'aînée car son père la gâtait et lui passait tous ses caprices, tandis qu'il ne cessait de répéter à Iselin qu'elle n'était pas sa fille et qu'il ne l'avait accueillie chez lui que par charité.
Fatalement, Iselin grandit dans la certitude qu'elle valait moins bien que sa sœur, alors que cette dernière était persuadée d'être meilleure qu'elle. Les deux devinrent chaque jour plus ravissantes qu'elles l'étaient la veille, et le père faisait de son mieux pour qu'Iselin ne paraisse pas plus belle que Tanja. Il refusait que l'aînée se marie avant sa propre fille et, chaque fois que venaient des prétendants, il s'arrangeait pour qu'Iselin ne soit pas présente. Un jour, cependant, il trouva une solution pour se débarrasser d'elle définitivement sans donner l'impression qu'il le faisait par méchanceté. Prenant à partie sa femme après le repas, il lui exposa le projet qu'il avait pour l'aînée.
— Elle est en âge de se marier et, si nous ne lui trouvons pas quelqu'un à épouser, elle finira vieille fille. J'ai cherché la personne idéale et je pense l'avoir trouvée. Demain matin, tu lui feras mettre sa chemise la plus fine et tu la conduiras au cœur de la forêt, là où vit Sneg, la Neige au Manteau Blanc. Je suis certain qu'elle acceptera d'épouser ta fille.
La mère devina quel était le dessein de son mari, mais elle le craignait et ne désirait pas faire le malheur de sa seconde fille en plus de l'aînée. Elle pleura donc sur l'effroyable avenir d'Iselin et chercha désespérément comment elle pourrait lui épargner la morsure du froid. Mais son mari avait été très clair sur le sujet : Iselin ne devrait porter que sa chemise car c'était ainsi que se présentaient les fiancés à Jordensne.
Le matin arriva, si glacial que l'eau avait gelé dans le seau posé près de l'évier, et la mère se résigna à s'en aller éveiller sa fille pour lui dire de s'habiller. Intimidée, Iselin obéit à sa mère et revêtit sa plus belle chemise. Elle était en lin et si fine qu'on pouvait deviner sa peau au travers. Un bien piètre rempart contre le froid qui régnait dehors, mais tel était l'ordre du mari. La mère lui posa cependant une fourrure immaculée sur les épaules, puis l'accompagna jusqu'à l'étable où elle attela le traîneau. Iselin tremblait déjà, frigorifiée, mais elle était courageuse et elle fit bonne figure lorsque sa mère la fit monter.
— Ma chère enfant, mon mari désire te fiancer à Sneg, la Neige au Manteau Blanc. Je vais te mener dans la forêt, là où elle règne, à toi ensuite de te montrer sous ton meilleur jour à cette souveraine.
Bien sûr, ni l'une ni l'autre ne doutaient de ce qu'allaient réellement être ces noces, mais elles ne le dirent pas. La mère grimpa elle-aussi dans le traîneau puis elles partirent en direction de la forêt dont les arbres croulaient sous le poids du manteau de la Neige. Iselin avait peur et froid, mais elle ne se plaignait pas, ne voulant pas faire de peine à sa mère. Au cœur de la forêt, le silence était presque effrayant et leurs voix résonnèrent fortement lorsqu'elles se dirent adieu.
— Je serai polie envers Sneg, assura la jeune fille. Tu n'auras pas de raison d'avoir honte de moi.
— Je n'en ai jamais eu, lui promit sa mère. Tu es ma fierté et je regrette bien souvent la mort de ton père qui n'aurait jamais laissé une telle noce se faire.
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Contes pour attendre Noël
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