Les nains magiques, première histoire des trois contes intitulés Les Lutins, recueillis par les Frères Grimm dans le recueil Contes de l'enfance et du foyer, édition de 1812.
Il était une fois, dans la capitale du royaume Landalfur, un homme et une femme qui étaient devenus si pauvres qu'ils n'avaient plus de quoi vivre. Ils étaient tellement accablés de dettes que, à leur mort, le cordonnier pour lequel ils travaillaient prit à son service leur fille unique en lui disant qu'elle travaillerait pour lui jusqu'à ce qu'elle ait remboursé tout l'argent que ses parents avaient emprunté, avec les intérêts.
Laini ne se plaignit jamais de sa malheureuse situation, bien qu'elle soit sans cesse chargée de travail et que son maître l'exploitât sans remord. Elle grandit, en bonté et en sagesse, et fit toujours de son mieux pour fabriquer des chaussures délicates, celles qui faisaient la renommée du cordonnier. Bien sûr, elle ne recevait en récompense de son travail qu'un maigre souper et de quoi dormir sans trop souffrir du froid et, quand bien même les dettes de ses parents étaient presque épongées, le maître ne comptait pas se débarrasser d'une ouvrière aussi habile qui travaillait à si peu de frais. Il continuait donc à l'exploiter.
L'hiver arrivait à présent, c'était le quinzième que la jeune femme allait passer en tant qu'apprentie dans l'atelier du cordonnier où elle était entrée à l'âge de sept ans. Comme le froid s'installait et que Noël approchait, les commandes se faisaient plus nombreuses et elle devait travailler plus dur encore que le reste de l'année. Ce soir-là, il ne lui restait que très peu de cuir, à peine assez pour fabriquer une petite paire de souliers de dame. La prochaine commande arriverait le jour suivant, mais la jeune femme savait que son maître trouverait le moyen de lui reprocher d'avoir gaspillé du cuir, elle qui avait très tôt appris comment découper pour ne perdre que le minimum. Épuisée et frigorifiée, la jeune Laini déposa les pièces de cuir sur son établi puis s'en alla se coucher en essayant de ne pas penser au travail qui l'attendrait le lendemain.
Comme toujours, elle s'éveilla à l'aurore et, après s'être débarbouillée, elle descendit dans l'atelier tout en grignotant la moitié du quignon de pain qu'elle avait pour sa journée. Toutefois, en lieu et place de ses morceaux de cuir, elle trouva sur son établi les souliers terminés. Surprise, elle les prit pour les observer avec attention et manqua de les laisser tomber en remarquant l'art et le soin avec lequel ils avaient été achevés. Ils étaient faits avec tellement d'habileté qu'il n'y avait pas un seul faux point, toutes les coutures étaient parfaitement régulières, les lacets tressés délicatement et le cuir joliment décoré. Assurément, c'était la plus jolie paire de soulier que Laini avait vue.
Alors qu'elle se faisait cette réflexion, la clochette de la porte d'entrée tinta et un homme entra dans la boutique, l'air préoccupé. Il vit la jeune fille, avec sa belle paire de souliers dans les mains, et on eut pu croire qu'il fondait de soulagement.
— Pardonnez-moi mademoiselle, ces souliers sont-ils à vendre ?
— Euh... Oui, Monsieur.
— Vous me sauvez la vie ! Ma fiancée a brisé le talon de sa chaussure et nous sommes conviés à un bal ce soir, elle n'avait rien à porter et tous les cordonniers de la ville sont déjà surchargés de commandes. Dites-moi votre prix, ce sera le mien !
D'ordinaire, Laini n'était pas celle qui vendait, son maître préférait être celui qui vantait la qualité de la marchandise auprès des riches clients et récoltait ainsi tous les compliments sur une habileté qui n'était pas la sienne. Mais ce jour-là, elle était seule et il fallait bien qu'elle trouve une réponse. Sans trop savoir quel était le prix d'une paire de chaussure, elle annonça une somme un peu au hasard en essayant d'imaginer le montant le plus grand qu'elle pourrait dépenser pour ça. Face à elle, l'homme écarquilla les yeux.
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Contes pour attendre Noël
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