07. Petit Glaçon

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Conte tiré du recueil La Cabane des Sept Nains, compilé par Vratislav Stovicek et Marie Lacigová, publié en 2000 aux Éditions du Korrigan. 

Il était une fois, dans la sombre forêt qui séparait Jordensne de Talvilinna, une vieille femme qui vivait seule dans une cabane de bois. Le malheur l'avait balayée de son aile, lui faisant perdre son mari puis son fils, et elle vivait seule depuis déjà de longues années. Pour se donner un peu de compagnie, elle avait pris l'habitude de parler aux animaux et aux oiseaux, qu'elle traitait comme des amis.

Un jour d'hiver, alors qu'elle était sortie sur la neige toute craquante pour aller donner du gras et des miettes aux oiseaux, elle vit un glaçon tomber du toit juste devant sa porte, évitant de peu sa tête aux cheveux blancs.

— Bonjour ! s'exclama alors une petite voix fluette.

Interpellée par cette voix qui venait de nulle part, la vieille chaussa ses lunettes et se pencha pour voir qui lui parlait. C'était le glaçon, assis sur la marche devant la porte, et en y regardant de plus près la grand-mère réalisa qu'il était en réalité un minuscule petit garçon, fait de glace depuis la pointe de ses petons jusqu'à ses cheveux tout hérissés.

— Bonjour petit bonhomme ! dit-elle de sa voix chevrotante. N'as-tu pas froid ainsi ? Viens te réchauffer dans ma cabane, j'ai fait de la bonne soupe bien chaude !

A ces mots, le petit glaçon se mit à rire, un rire d'enfant aussi minuscule que lui, argentin comme un grelot et tout joyeux.

— Si je rentre dans ta maison, je vais fondre tout entier ! rit-il. Je suis un glaçon. Mais je vais construire ma maison de neige sur le bord de ta fenêtre pour te tenir compagnie !

La vieille dame était ravie d'avoir un petit enfant à s'occuper, et elle ramassa dans ses mains noueuses une petite poignée de neige qu'elle déposa dans une soucoupe avec un peu de sirop de fraise pour lui donner. Le goût d'été sur la neige était délicieux et le glaçon s'en régala tandis que la grand-mère lui fabriquait une maisonnette avec des briques de neige tassée et un toit de branches de sapin.

— Je vais te prénommer Lillisterning ! déclara-t-elle. Dans ma langue, cela veut dire « Petit Glaçon ».

L'enfant de glace trouva que c'était un prénom qui lui allait tout à fait et il remercia la vieille dame de tout son cœur. C'est ainsi que commença leur nouvelle vie. Dans la journée, ils allaient ensemble dans le jardin pour nourrir les oiseaux ou bien ils restaient devant la porte, la grand-mère chaudement emmitouflé dans une couverture et Lillisterning installé près d'elle. Elle lui donnait à manger de la neige au sirop et tous les soirs elle lui racontait une histoire. Il y avait toujours le même décor, un grand palais de neige et de glace, construit dans le pays de Talvilinna où l'été ne venait jamais. Il y avait toujours le même personnage, l'Hiver, un roi très beau qui attendait avec impatience son fiancé. Lillisterning adorait cette histoire et il posait toujours des dizaines de questions à sa grand-mère au sujet du conte.

— Qui est l'Hiver ? Tu l'as déjà rencontré ? Il est beau comment ? Où est-ce qu'il habite ? Son royaume est loin d'ici ?

Toutes ses questions amusaient la vieille dame qui lui caressait les cheveux du bout des doigts en répondant invariablement la même chose. Elle ne savait pas qui était ce roi solitaire, ni où il vivait. Elle avait seulement entendu parler de son histoire mais seules la Lune et les Étoiles pouvaient en dire davantage car elles survolaient Talvilinna chaque nuit.

Le temps passa doucement, mais l'été ne vint jamais. Lillisterning grandit et devint bientôt un jeune homme, sans jamais avoir vu plus de quelques jours de soleil à la suite. La grand-mère lui avait fabriqué des maisons de plus en plus grandes mais il avait à présent la taille d'un homme adulte et ne logeait plus dans la dernière qu'il avait habitée. Bien sûr, il voyait bien que la vieille dame avait l'air inquiet, mais comment pouvait-il deviner que c'était dû à l'absence de l'été qui aurait dû pointer le bout de son nez de longs mois auparavant ? Un soir, pourtant, il lui posa la question.

Contes pour attendre NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant