06. Le Roi des Neiges

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La Reine des Neiges, conte écrit par Hans Christian Andersen dans son recueil Nouveaux Contes, publié en 1844.

Il était une fois, dans la capitale de Jordensne, deux familles qui vivaient dans une ruelle si étroite que l'on pouvait serrer la main de son voisin en ouvrant la fenêtre. Dans ces familles, il y avait deux jeunes garçons qui avaient le même âge et qui étaient les meilleurs amis du monde. L'un s'appelait Kay, et le second Jørn, et ils étaient inséparables depuis toujours. De leurs fenêtres poussaient deux rosiers qui s'entremêlaient au-dessus de la ruelle et qui était comme le symbole de l'amour qu'ils se portaient, chaque printemps plus fort et plus fleuri. Lorsque l'hiver venait, ils ne pouvaient se retrouver en passant par la fenêtre car il faisait trop froid, alors ils descendaient les escaliers et s'en allaient ensemble jouer dans la neige.

On était à présent en hiver, ils avaient quinze ans, et ils écoutaient sagement la grand-mère raconter des histoires au coin du feu. Elle parlait de la neige qui tombait et expliquait que les flocons étaient comme des abeilles blanches.

— Elles ont une reine ? demanda Kay avec curiosité.

— Certainement, car toutes les abeilles en ont une. La reine de la Neige se nomme Sneg et c'est elle qui recouvre de son blanc manteau tout le pays lorsque son frère l'Hiver s'y installe. Ces abeilles sont ses sujets, elles voltigent et virevoltent partout, dansant la sérénade pour Dame Iselin, l'épouse de la Neige. Sur leur passage, les fenêtres se couvrent de fleurs de givre, que Sneg offre à sa tendre bien-aimée.

Cette étrange histoire marqua beaucoup les deux adolescents qui essayaient d'imaginer la Neige et son épouse, avec le bouquet de fleurs de givre. Mais aucun d'eux ne songeait au roi de l'Hiver. Ils étaient jeunes encore, et ils étaient le monde l'un de l'autre.

Un après-midi, quelques temps plus tard, ils se retrouvèrent sur la Grande Place pour s'amuser avec le petit traîneau que leurs parents leur avaient fabriqué afin qu'ils puissent jouer tous les deux. Ils étaient un peu grands pour cela à présent, mais cela leur fournissait une excuse pour aller passer l'après-midi ensemble. Ils étaient en train de s'en amuser, Jørn le poussant alors que Kay était assis dessus, lorsque survint au milieu de la place un très grand traîneau, peint en blanc et orné d'argent. Quelqu'un était assis à l'intérieur, couvert d'une épaisse fourrure blanche qui lui montait jusqu'au visage. Le traîneau passa très près de celui des deux jeunes garçons et la corde qui pendait sur le plus petit s'accrocha au plus grand.

Le petit traîneau se trouva subitement entraîné par l'autre, si vite que Jørn se trouva culbuté en arrière et ne put que voir le grand traîneau emporter celui sur lequel Kay était resté assis, incapable de descendre car ils prenaient de la vitesse. Effrayé, l'adolescent tâcha de se libérer mais son petit véhicule restait accroché au grand et il ne pouvait rien faire que se laisser traîner avec frayeur. La neige tombait à présent, de plus en plus vive, comme si Sneg essayait d'effacer leurs traces, et le jeune garçon désespéra à l'idée que Jørn ne puisse jamais le retrouver. Tout à coup, le traîneau blanc tourna et s'arrêta. Son conducteur se leva et dégagea un peu les fourrures qui le recouvraient. C'était un homme à l'étrange beauté, dont la légère barbe de glace et les tempes ceintes d'un cercle de givre ne cachaient rien de l'identité. Le Roi des Neiges, l'Hiver en personne.

— Nous avons été bon train, dit-il d'une voix semblable au murmure du blizzard. Tu as l'air frigorifié. Viens, jeune Kay. Viens te mettre à l'abri sous les fourrures.

Le garçon eut bien du mal à grimper dans le traîneau car ses doigts gelés peinaient à s'accrocher. L'Hiver le reçut dans ses bras, sous ses fourrures qui semblaient faites de neige plutôt que de poil chaud. Kay frissonna mais le Roi des Neiges se pencha vers lui et l'embrassa. C'était un baiser glacé, mais il fit oublier à Kay tout ce qui n'était pas cet homme magnifique qui le tenait dans ses bras. Il oublia le froid et la peur, il oublia la ville, il oublia Jørn qu'il avait pourtant aimé de tout son cœur.

Contes pour attendre NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant